“Un an après l’arrivée du Conseil présidentiel de transition, le désastre d’une gouvernance née de la terreur”selon l’Accord du 21 décembre

Andre Michel,, Avocat et dirigeant du SDP...

PORT-AU-PRINCE, 25 avril 2025 (RHINEWS) Un an jour pour jour après la mise en place du Conseil présidentiel de transition (CPT), les conclusions sont sans appel : l’échec est total, profond, et retentissant, selon l’Accord du 21 décembre, dont les signataires s’expriment aujourd’hui avec gravité sur le désastre accumulé au sommet de l’État. « Ce Conseil, mis en place à la faveur d’un soulèvement impulsé par la coalition de gangs « Viv Ansanm », est devenu aux yeux de la population haïtienne le symbole d’une trahison historique, d’un abîme moral et d’un reniement absolu des engagements pris envers le peuple » écrit l’Accord du 21 décembre qui soutenait l’ex-premier ministre Ariel Henry.

Le 25 avril 2024, lors de la prestation de serment du CPT, un discours solennel lu par Régine Abraham, membre observateur, avait tenté d’installer l’espoir d’une rupture avec le passé, dénonçant la prétendue complicité du gouvernement Ariel Henry avec les gangs et promettant sécurité, justice et transition démocratique. Mais cette déclaration, selon les signataires de l’Accord du 21 décembre, ne fut que le prélude à une gestion calamiteuse, gangrenée par l’avidité, les conflits d’intérêts, les détournements de fonds publics et une paralysie complète de l’administration.

Les premiers mois ont été marqués par un partage clanique de la présidence entre les membres du CPT, en violation de l’Accord du 3 avril 2024 qui prévoyait un seul coordonnateur pendant toute la durée de la transition. Edgard Leblanc, premier président du CPT, a immédiatement constitué un « groupe majoritaire indissoluble » pour s’arroger le pouvoir, déclenchant un bras de fer interne qui a bloqué toute avancée. Ce même Edgard Leblanc est accusé, toujours selon les observateurs de l’Accord du 21 décembre, d’avoir orchestré des manœuvres pour évincer des collègues, retardé la transmission des actes officiels, et refusé d’assister à l’investiture de son successeur Leslie Voltaire.

Le scandale dit de la BNC, révélé durant l’été 2024, est venu jeter une lumière crue sur le fonctionnement du CPT. Trois de ses membres – Gérald Gilles (représentant de l’Accord du 21 décembre), Emmanuel Vertilaire (Pitit Dessalines) et Smith Augustin (RED/EDE) – auraient, selon les déclarations du président de la Banque nationale de crédit Raoul Pierre-Louis, exigé et obtenu des crédits frauduleux, des cartes de crédit à usage illimité et l’accès à des biens saisis. Cet épisode, emblématique de ce que les critiques nomment une « solidarité dans le mal », a précipité une réorganisation de la présidence du CPT, certains membres cédant leurs mandats pour calmer la tempête médiatique.

Les affectations internes du CPT, officiellement annoncées le 23 mai 2024, devaient structurer les grands chantiers de la transition : économie, sécurité, justice, santé, réforme constitutionnelle. Mais aucune de ces priorités n’a connu d’évolution notable. Le pays s’est effondré progressivement sous les assauts répétés des gangs. Port-au-Prince, Mirebalais, Saut-d’Eau, Kenscoff et Delmas ont sombré. Le CPT a brillé par son absence, ses dissensions internes, ses voyages diplomatiques vides de sens et des annonces politiques qualifiées de « mirages » par les signataires de l’Accord du 21 décembre.

À la mi-mars 2025, Fritz Jean, nouveau président du CPT, a tenté de relancer la mobilisation autour d’un « budget de guerre » supposé renforcer les capacités des forces de l’ordre. Mais ledit budget n’a augmenté que de 6 millions de gourdes (environ 44 500 dollars), alors que l’État n’a plus droit de cité dans la majorité du département de l’Ouest. Des fonds ont été alloués à des institutions fantômes, à l’image du Parlement, tandis que les commissariats tombent les uns après les autres et que les gangs défilent en toute impunité dans les villes.

Les critiques sont aussi virulentes envers les pratiques personnelles des membres du CPT. Les voyages à l’étranger, souvent en compagnie de proches, ont été dénoncés comme des expéditions touristiques déguisées. L’exclusion du ministre des Affaires étrangères de certaines délégations a choqué l’opinion. Les photos publiées sur les réseaux sociaux, notamment celle de Fritz Jean avec le sénateur américain Marco Rubio, sont perçues comme des manifestations d’un complexe d’infériorité et d’un décalage complet avec la détresse de la population.

L’Accord du 21 décembre, toujours selon ses promoteurs, avait pour ambition de doter le pays d’une structure transitoire légitime, capable de restaurer l’ordre et de préparer des élections inclusives. Il se trouve aujourd’hui trahi par ceux-là mêmes qui s’en réclament. À l’instar du référendum constitutionnel annoncé pour le 11 mai 2025 : aucun texte officiel n’a été présenté, aucune campagne sérieuse engagée, aucune garantie sécuritaire assurée. Le peuple haïtien, qui devait être au centre de la transition, est désormais livré à lui-même, déplacé, affamé, humilié.

Le constat dressé à l’occasion du premier anniversaire du CPT est lourd : 12 mois d’immobilisme, de violences, de corruption, d’opacité, de fuite en avant. Selon l’Accord du 21 décembre, il ne peut plus y avoir de compromis avec les groupes armés, considérés comme des terroristes. L’expérience du CPT est qualifiée de « chute abyssale » qui exige une rupture nette et immédiate avec la logique de compromission.

À ce jour, aucune élection n’est envisageable, aucun chantier de reconstruction n’est amorcé, aucun dirigeant n’est en mesure de circuler librement dans le pays. Le CPT, devenu symbole d’un système en décomposition, est dénoncé comme l’un des pires échecs institutionnels de l’histoire de la République.

L’Accord du 21 décembre, avait été conçu pour soutenir l’ex-Premier ministre Ariel Henry, qui a dirigé le pays pendant près de trois ans sans parvenir à juguler l’insécurité ni organiser d’élections, jusqu’à son renversement par les terroristes de Viv Ansanm. Depuis, de nombreux secteurs parties prenantes de cet accord s’y sont retiré, le considérant comme étant caduc.