Antigua et Barbuda, 26 novembre 2020- Les droits de l’homme et les violations constitutionnelles en Haïti ont été trop longtemps ignorés par l’Organisation des États américains (OEA), selon Ronald Sanders, ambassadeur d’Antigua et Barbuda aux Etats-Unis et a l’OEA. La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a également évité de traiter des questions politiques incendiaires en Haïti.
Dans une tribune publiée dans ‘’The Caribbean News Global,’’ en date du 26 novembre 2020, le diplomate qui dénonce l’hypocrisie des Etats-Unis et de l’OEA dans le dossier d’Haïti, fait remarquer que pendant ce temps, de plus en plus de souffrances s’accumulent sur les pauvres d’Haïti dont le nombre de cadavre dû à la malnutrition et à la violence organisée ne cesse de croître. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les Haïtiens cherchent tous les moyens d’échapper à leur patrie, souligne-t-il.
Dans des situations désespérées, les criminels profitent des personnes vulnérables. Ainsi, un commerce rapide a commencé dans la traite des jeunes Haïtiens – cette fois dans les Caraïbes. La preuve en est la découverte par la police en Guyane, le 7 novembre, de 26 Haïtiens, dont 2 garçons et 5 filles qui étaient transportés à la frontière brésilienne par un réseau de traite des êtres humains.
L’OEA et la CARICOM sont tenues, en vertu de leurs chartes et déclarations, de demander des comptes aux États membres dont les gouvernements agissent de manière inconstitutionnelle ou prennent des mesures qui violent les droits humains, civils et politiques de leur peuple.
‘’Les deux organisations ont été actives tout au long de l’impasse de cinq mois dans les élections guyanaises, de mars à août de cette année. Pendant toute cette période, la situation constitutionnelle et électorale en Haïti a été pire. Mais aucun mot de condamnation de la présidence haïtienne n’a été prononcé par l’un ou l’autre organisme, déplore M Sanders.’’
Le président haïtien, Jovenel Moïse, dirige le pays par décret sans parlement élu depuis janvier 2020, sur fond d’accusations de corruption, de manifestations et de déploiement de l’armée accusée d’atrocités, souligne-t-il.
‘’Le président de la CARICOM a déclaré publiquement, en janvier 2020 : ‘’La CARICOM est profondément préoccupée par la situation politique, économique, humanitaire et sociale toujours instable dans son État membre, Haïti. En effet, nous sommes particulièrement préoccupés par les nombreux incidents de violence et les pertes en vies humaines qui y sont associées et tragiques.’’ Depuis, la CARICOM n’a rien dit de plus, fait remarquer l’ambassadeur.’’
Pourtant, quatre mois plus tard, dans sa mise à jour d’avril 2020 sur Haïti, le Programme alimentaire mondial a déclaré que près de quatre millions d’Haïtiens ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence et qu’au moins un million d’entre eux souffrent d’une grave faim. Le président Moïse a été très proche des gangs qui, selon Jacqueline Charles du Miami Herald (journaliste haïtienne), ‘’ont été impliqués dans le saccage des quartiers pauvres – enlèvement, viol et meurtre à volonté, selon le diplomate antiguais.’’
Un éditorial du ‘’Trinidad Express Newspaper’’ a souligné le 25 novembre : ‘’La position des États-Unis est particulièrement hypocrite dans le contexte de son soutien au président haïtien, qui a régné par décret depuis le dysfonctionnement du Parlement, et qui continue de diriger, en commettant des violations sans fin des droits de l’homme et à la montée des escadrons de la mort fonctionnant à la Tonton Macoute.’’
Il est bien connu à l’OEA que c’est le gouvernement américain qui est principalement derrière l’inaction de l’organisation par rapport à la situation en Haïti dont le secrétaire général, Luis Almagro, a été actif en appelant d’autres pays, en particulier le Venezuela et le Nicaragua, sur les droits de l’homme. Les États-Unis et le ‘’Groupe de Lima’’ des pays de l’OEA dépendaient beaucoup du vote d’Haïti pour obtenir la majorité absolue nécessaire pour obtenir l’adoption de résolutions controversées contre les gouvernements vénézuélien et nicaraguayen. Par conséquent, la souffrance des pauvres d’Haïti est ignorée, fait remarquer M Sanders.
Que ce soit par hasard ou par coopération, poursuit-il, le même jour – le 29 octobre – le sous-secrétaire d’État américain, David Hale, et le secrétaire général Almagro ont exhorté Moïse à organiser des ‘’élections législatives anticipées dès que possible.’’ M. Moïse les a ignorés, continuant à fonctionner avec un pouvoir sans entrave, y compris en faisant des nominations de proches loyalistes à des postes clés en violation de la Constitution qui exige que ces nominations soient approuvées par le Sénat.
‘’Récemment, il a nommé le commandant des forces armées, le chef de la police, le gouverneur de la Banque centrale et le président de la Banque nationale de crédit. Les titulaires de ces fonctions ont tous été nommés sans avoir ratifiés par le Sénat conformément à la Constitution. Par conséquent, ils ne sont pas investis de l’indépendance administrative et financière nécessaire à l’exercice de leurs fonctions, comme le garantit la Constitution. Ce sont des instruments du président, vulnérables à ses seuls diktats, relève le diplomate.’’
Les troubles et la violence se poursuivent alors que des groupes manifestent contre la corruption et appellent à des élections. La police a participé activement à la répression des manifestations, tuant un manifestant et en blessant deux autres le 18 novembre, note l’ambassadeur.
Même au sein de la police, des manifestants existent. Un groupe de policiers gardant l’anonymat appelés « Fantôme 509 » proteste activement contre leurs faibles salaires et leurs mauvaises conditions de travail. Le commandant en chef a.i de police récemment nommé, Léon Charles, a ordonné à ses officiers d’affronter et de neutraliser des collègues qui sont membres du « Fantôme 509.’’
‘’Le vendredi 30 octobre, le président Moïse a officiellement mis la Constitution d’Haïti ‘’en veilleuse.’’ Il a formé un comité consultatif, pour ‘’réviser’’ le projet d’une nouvelle constitution, qui, semble-t-il, a été rédigé par des personnes nommées par lui. Quoi qu’il en soit, le président n’a pas le pouvoir de modifier, de réformer ou de modifier la Constitution, fait remarquer le diplomate.’’
‘’Ce comportement inconstitutionnel est une autre menace dangereuse pour la démocratie et la stabilité politique en Haïti, dit-il. Ce comportement viole à la fois la Charte de l’OEA et la Charte démocratique interaméricaine. Il est également incompatible avec la Charte de la société civile de la CARICOM. Tout moins, les dirigeants de la CARICOM devraient réprimander M. Moïse pour ses violations de la Constitution, précise-t-il.’’
Il est peu probable que d’ici le 20 janvier, lorsque le président élu des États-Unis Joe Biden assumera la présidence, il y ait un mouvement du gouvernement américain – seul ou à l’OEA – pour s’attaquer au sort du peuple haïtien. Néanmoins, l’OEA et la CARICOM devraient agir à leur niveau, selon Ronald Sanders qui croit que le peuple haïtien n’est pas un problème politique ; mais, ce sont des êtres humains qui ont bien besoin d’un champion.