Par Jacques Kolo,
Port-au-Prince, le 30 décembre 2020 –(RHInews)- D’entrée de jeu, l’OPC prévient que L’ANI jouit d’une immunité de juridiction presque absolue dans l’ordre juridique national. Pour appuyer ses dires, l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) s’est basé sur les articles 49,62,63 et 67 du décret du 26 novembre traitant de l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI) et a précisé que cette immunité est “incompatible avec le principe d’égalité citoyenne et avec la nature civile de l’Etat”.
Dans un document critique en guise d’avis autour du décret présidentiel portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence Nationale d’Intelligence et celui du Renforcement de la Sécurité Publique, l’OPC a indiqué que “ce régime d’immunité qui permet au personnel de l’ANI de se soustraire des cours et tribunaux de droit commun est d’autant plus disproportionnel par rapport aux risques de harcèlement judiciaire qu’il est censé prévenir.
L’OPC de poursuivre que “les articles 5.9,5.11,5.13 et 5.23 ouvrent la voie à des risques d’abus d’autorité, de violations graves de droits humains ou de bavures qui pourraient à eux seuls justifier pleinement le statut justiciable des personnels de l’ANI”.
Dans une correspondance le 17 décembre 2020 au Protecteur du Citoyen, Me. Renan Hédouville, la Présidence a sollicité l’expertise de cet organisme indépendant de l’Etat en matière de droits humains sur les décrets du 26 novembre portant création de ces deux agences.
Toujours dans son analyse, l’OPC a estimé que “les articles 5.9, 5.11,5.13, 5.23 et 48 du décret du 26 novembre 2020 confèrent à l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI) des prérogatives pour agir comme de véritables agents de la police administrative et de la police judiciaire, au lieu de l’assigner à un simple rôle marginal ou subsidiaire en matière de police courante.’’
L’OPC a rappelé à ce propos, qu’il existe déjà des institutions étatiques chargées de rechercher et de réprimer les auteurs d’actes criminels pouvant porter atteinte aux droits fondamentaux et à la sécurité nationale.
“Les compétences et attributions de l’ANI devaient se focaliser dans un cadre de complémentarité dans le souci de contribuer effectivement dans la mise en place d’un mécanisme adéquat et efficace visant à combattre la criminalité dans toutes ses dimensions”, a écrit l’OPC.
Plus loin, l’OPC suggère de circonscrire le champ d’intervention de l’ANI dans la recherche, la collecte et l’identification aux fins de permettre aux instances compétentes de disposer d’informations pertinentes pour réprimer les opérations criminelles.
“En plus de conduire à une duplication des fonctions courantes et routinières de la police, les compétences étendues permettent à l’ANI de s’affranchir de la mission essentielle de toute structure de renseignements ou d’intelligence qui est d’assurer la prévention et non la répression des menaces de sécurité”, a-t-il souligné.
Brandissant le Pacte International relatif aux droits civils et politiques et de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, l’OPC a ajouté que “les actions de cet organisme doivent être encadrées par la règle de proportionnalité pour éviter que les mesures définies par l’ANI dans le cadre de la lutte contre les menaces de sécurité ne puissent présenter à leur tour une menace encore plus grande pour les droits et libertés des citoyens”.
En ce qui a trait au décret du 26 novembre sur le Renforcement de la Sécurité Publique qui est en fait une “approche” de lutte contre le terrorisme, l’OPC a attiré l’attention sur le fait que “ce document contient des provisions qui peuvent mettre en danger certains droits fondamentaux de la personne humaine avec de lourdes peines pour des infractions qu’on ne peut assimiler à des actes de terrorisme”.
L’OPC a recommandé à la Présidence de revoir le décret du 26 novembre 2020 et d’adopter un plan global de sécurité et de renseignements dans la lutte contre la drogue, la traite des personnes, le trafic illégal des armes, le blanchiment d’argent et la corruption, de concert avec l’ULCC, l’UCREF et la CSCCA.
Le Parlement haïtien devrait être impliqué dans le processus de nomination du Directeur général de l’ANI, a soutenu l’OPC.
De nombreux secteurs nationaux et internationaux ont réprouvé ces décrets jugés attentatoires aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux des citoyens. Craignant un retour à la dictature, ils ont appelé à leur retrait pure et simple en raison de leur caractère anticonstitutionnel.