Quelques-uns des chefs de gang membres de Viv Ansanm:
Vitelhomme Innocent, chef du gang Kraze Barye, Jimmy Barbecue Cherizier , chef de la federation des gangs G-an Fanmi e Alye, Izo du gang 5 seconde de Village de Dieu, Jeff, chef de gang de Canaan, Lanmo San Jou, chef du gang 400 Mawozo et l'image de billets de dollars americains...
Éditorial,
MIAMI, dimanche 2 mars 2025- La décision du président dominicain Luis Abinader de déclarer les bandes armées haïtiennes comme des « organisations terroristes » s’inscrit dans une logique de renforcement de la sécurité nationale face à la montée en puissance des groupes criminels en Haïti. Ce décret vise à justifier une politique sécuritaire plus stricte à la frontière, notamment en criminalisant toute personne affiliée à ces groupes qui tenterait d’entrer en territoire dominicain. Il s’ajoute à une série de mesures prises par son gouvernement, dont les expulsions massives d’Haïtiens en situation irrégulière. Toutefois, cette décision présente de nombreuses imperfections, tant sur le plan juridique que diplomatique, et soulève la question de l’hypocrisie des autorités dominicaines, souvent accusées de jouer un double jeu en alimentant indirectement la crise sécuritaire en Haïti.
Tout d’abord, ce décret pose un problème de cohérence et de légitimité. En qualifiant les gangs haïtiens d’« organisations terroristes », la République dominicaine adopte un discours qui se veut aligné sur les standards internationaux de lutte contre le terrorisme. Cependant, il est difficile de voir comment cette classification pourrait être appliquée efficacement. Les bandes armées en Haïti, bien qu’elles soient au service d’un certain secteur politique, sont des structures criminelles motivées par des intérêts financiers et une volonté de contrôle territorial. En les déclarant terroristes, la République dominicaine semble surtout chercher à justifier un durcissement de ses politiques sécuritaires et migratoires envers les Haïtiens, tout en esquivant ses propres responsabilités dans l’alimentation du chaos en Haïti.
Cette décision pourrait également avoir des conséquences néfastes sur les relations diplomatiques entre les deux pays. Haïti, qui fait déjà face à une crise institutionnelle majeure, pourrait considérer ce décret comme une tentative de criminaliser systématiquement ses ressortissants. Cette initiative pourrait renforcer le ressentiment d’une partie de la population haïtienne envers la République dominicaine et compliquer toute tentative de coopération bilatérale en matière de sécurité. En désignant unilatéralement ces groupes comme des « organisations terroristes » sans concertation avec Haïti, Abinader place son pays dans une position de juge moral et sécuritaire, alors même que la République dominicaine bénéficie économiquement de la main-d’œuvre haïtienne et joue un rôle non négligeable dans le trafic d’armes qui alimente ces mêmes gangs.
En effet, l’une des contradictions majeures de cette décision réside dans l’implication de la République dominicaine dans l’armement des groupes criminels en Haïti. De nombreux rapports, notamment ceux des Nations unies, ont mis en évidence que la majorité des armes et munitions utilisées par les gangs haïtiens transitent par la République dominicaine avant d’entrer en Haïti, en raison de la porosité des frontières et de la corruption qui gangrène les forces de sécurité dominicaines. Les trafiquants d’armes dominicains profitent de la demande croissante des groupes armés haïtiens pour écouler des stocks d’armes provenant des États-Unis, rendant le rôle de la République dominicaine dans cette crise plus complexe qu’elle ne le laisse paraître. Dès lors, il apparaît contradictoire de qualifier ces groupes de terroristes tout en permettant indirectement leur renforcement à travers la contrebande d’armes.
Du point de vue stratégique, cette décision profite essentiellement à la République dominicaine sur plusieurs plans. D’une part, elle permet à Abinader de renforcer son image de chef d’État intransigeant en matière de sécurité. D’autre part, elle sert à justifier la politique d’expulsions massives des Haïtiens en situation irrégulière, en renforçant le narratif selon lequel leur présence constitue une menace sécuritaire. Enfin, elle permet à la République dominicaine d’exercer une pression supplémentaire sur la communauté internationale en suggérant que l’instabilité haïtienne représente une menace directe pour la région, tout en évitant de reconnaître son rôle dans la déstabilisation du pays voisin.
Face à cette initiative, les autorités haïtiennes devraient-elles adopter la même posture en déclarant les acteurs impliqués dans le trafic d’armes en République dominicaine comme des « terroristes » ? Une telle démarche serait légitime dans la mesure où ces réseaux criminels contribuent directement à la prolifération de la violence en Haïti. Toutefois, Haïti ne dispose pas actuellement d’un État fonctionnel capable de mettre en œuvre des mesures de rétorsion crédibles. La priorité pour les dirigeants haïtiens devrait plutôt être de renforcer les capacités de leurs services d’intelligence et de sécurité afin de documenter précisément les flux d’armes et de désigner officiellement les responsables, tant en Haïti qu’en République dominicaine. Une coopération bilatérale efficace sur cette question aurait bien plus d’impact qu’un simple décret symbolique.
La décision de Luis Abinader apparaît davantage comme un instrument de politique intérieure et de communication que comme une véritable solution au problème des gangs haïtiens. Elle masque l’implication dominicaine dans l’aggravation de la crise et risque d’accentuer les tensions entre les deux pays. Plutôt que de multiplier les mesures unilatérales, les gouvernements des deux nations devraient investir dans des mécanismes de coopération sécuritaire et renforcer leurs services de renseignement pour s’attaquer aux véritables causes de l’insécurité.
Cependant, si le gouvernement haïtien déclarait officiellement les bandes armées comme des organisations terroristes, cela entraînerait des implications à plusieurs niveaux, aussi bien sur le plan national qu’international. Cette décision pourrait modifier la manière dont l’État haïtien et la communauté internationale abordent la lutte contre ces groupes criminels, mais elle présenterait aussi des risques et des limites, notamment en raison de la faiblesse actuelle des institutions haïtiennes.
Déclarer les gangs haïtiens comme organisations terroristes permettrait d’abord d’inscrire leur répression dans un cadre juridique plus sévère. Une telle classification pourrait permettre au gouvernement haïtien d’utiliser des outils de lutte antiterroriste, notamment des mesures d’exception comme des arrestations sans mandat, des procédures judiciaires accélérées, des sanctions financières renforcées et des opérations militaires plus musclées. Elle pourrait aussi justifier une coopération accrue avec des puissances étrangères, notamment les États-Unis et les Nations unies, qui disposent de cadres spécifiques pour traquer et sanctionner les organisations terroristes internationales.
Sur le plan de la communication politique, une telle mesure permettrait aux autorités haïtiennes d’envoyer un signal fort en affirmant que le pays est en guerre contre ces groupes et en cherchant à rallier un soutien international. Elle pourrait aussi légitimer un état d’urgence ou la mise en place de lois d’exception destinées à rétablir l’ordre.
Cependant, en l’absence d’un État fort et structuré, une telle mesure risque d’être peu efficace sur le terrain. Si Haïti disposait d’une armée et de services de renseignement capables de mener une guerre contre ces groupes, la situation serait différente. Mais dans l’état actuel des choses, où même la police nationale est dépassée et infiltrée, le simple fait de désigner les gangs comme terroristes ne suffira pas à rétablir l’ordre. Il faudrait des actions concrètes : renforcement des institutions sécuritaires, meilleure coordination avec les partenaires internationaux et assèchement des sources de financement des gangs.
Les bandes armées qui opèrent en Haïti remplissent tous les critères définissant une organisation terroriste par leurs méthodes, leur impact et leurs objectifs. Le terrorisme se caractérise par l’usage de la violence extrême pour semer la terreur, soumettre une population et influencer des décisions politiques ou économiques. Or, les gangs haïtiens, loin d’être de simples groupes criminels, instaurent un climat de terreur généralisé par des massacres de masse, des enlèvements contre rançon, des viols collectifs utilisés comme arme de guerre, l’incendie systématique de quartiers entiers et des exécutions publiques visant à terroriser les communautés. Leur reconnaissance comme organisations terroristes pourrait renforcer la lutte contre eux, mais sans un État fort, cette désignation resterait largement symbolique.