Washington, 12 mars 2021- Le témoignage de Marie Rosy Auguste Ducéna a porté sur quatre (4) points fondamentaux lors de cette séance d’audition consacrée a la crise haïtienne et tenue par la commission des affaires étrangères du congrès américain. Ce sont, l’insécurité, le dysfonctionnent des institutions étatiques clés, la répression des mouvements antigouvernementaux et l’impossibilité d’organiser des élections en 2021.
D’entrée de jeu, la directrice de programme du réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a mis l’accent sur le fait qu’Haïti vit dans la négation du droit et que les droits civils, politiques, économiques et sociaux des haitiens sont s violés systématiquement.
Abordant la problématique de l’insécurité, Madame Ducénat a fait savoir que ‘’ la situation générale d’insécurité dans laquelle patauge le pays est, depuis quelque temps, caractérisée par des actes attentatoires aux vies et aux biens.’’
Elle a souligné que ‘’pour l’année 2020 seulement, plus de 1.085 personnes dont 37 policiers, ont été assassinées. En janvier et février 2021, la situation n’a pas changé avec au moins 65 personnes assassinées par balles dont 3 policiers.’’
La militante des droits humains a fait remarquer également que, de 2018 à 2020, au moins 10 massacres ont été perpétrés à Port-au-Prince, la ville la plus dangereuse du pays, occasionnant l’assassinat de 343 personnes, la disparition de 98 autres et le viol collectif de 32 femmes, 251 enfants sont devenus orphelins, suite à ces événements sanglants.
En ce qui concerne le dysfonctionnement des institutions, elle a précisé que le pouvoir judiciaire haïtien, ravagé par la corruption, le trafic d’influence et des arrêts de travail successifs est complètement dysfonctionnel.
Elle a indiqué par exemple que, ‘’depuis le 8 février 2021, les cours et tribunaux sont en grève, en protestation de la décision du président de facto Jovenel Moïse de mettre à la retraite, trois (3) juges de la Cour de Cassation et de nommer arbitrairement trois (3) autres, en violation des dispositions de la Constitution, consacrant l’inamovibilité des juges de cette Cour.’’
Et ce sont les personnes placées en détention préventive prolongée qui font les frais de cette situation selon Marie Rosy Auguste Ducéna qui a souligné qu’au 3 mars 2021, onze mille quatre-cent-quarante-cinq (11.445) personnes sont en prison, dont 9.673, soit plus de 84 %, en attente de jugement.
En ce qui a trait aux droits et libertés fondamentales des haitiens, elle a fait savoir que les manifestations antigouvernementales sont systématiquement réprimées. Les journalistes sont pour leur part, souvent l’objet d’agressions physiques de la part des policiers, a-t-elle précisé.
‘’Pourtant, plusieurs manifestations ont été organisées dans les rues par des membres de gangs armés proches du pouvoir. Elles n’ont jamais été dispersées. Au contraire, elles ont été sécurisées par l’institution policière, a-t-elle soutenu.’’
Quant aux élections, elle a fait savoir que celles-ci ne sont pas possibles en 2021 et a évoqué trois raisons majeures pour justifier sa position. Elle a fait remarquer que l’Etat haïtien est dans l’incapacité de délivrer ces cartes. Il lui a fallu 2 ans pour enregistrer 3 millions d’électeurs et pour délivrer moins que 2 millions de cartes. Or, 7.5 millions de citoyens sont en âge de voter, a-t-elle déclaré.
La militante des droits humains a fait état aussi de l’organe électoral, non assermenté, mis en place le 22 septembre 2020 par le président de facto Jovenel Moïse qui n’est pas issu d’un consensus politique, ce qui lui aurait donné toute légitimité nécessaire pour effectivement organiser les élections.
Elle a évoqué la situation d’insécurité qui sévit dans le pays qui n’est pas de nature à permettre aux candidats et aux candidates de mener campagnes dans des circonscriptions importantes, contrôlées par des bandits armés.
En guise de recommandation, Madame Ducénat a appelé les autorités américaines a se mettre à l’écoute de la société civile, au lieu de supporter un gouvernement totalitaire impliqué dans la corruption et dans des violations de droits humains ; a mettre fin au support d’un processus électoral vicié à la base qui débouchera à coup sûr sur une crise post-électorale et une grande instabilité politique.
Elle a souhaité que l’administration américaine se démarquent du processus devant aboutir au référendum inconstitutionnel planifié par ce pouvoir totalitaire ; a tous ceux qui, dans ce régime, sont impliqués dans la violation des droits humains, la corruption et le blanchiment des avoirs sur le territoire américain ; et à enquêter sur les armes illégales en provenance des Etats-Unis d’Amérique qui entrent facilement en contrebande sur le territoire Haïtien.