“Le pays a besoin d’une large concertation pour la mise en place d’un gouvernement provisoire”, selon Me Sonet Saint-Louis…

Sonet Saint-Louis, Avocat

LA GONAVE (Ouest), mercredi 16 avril 2025 (RHINEWS)– Dans une déclaration politique, l’avocat constitutionnaliste Me Sonet Saint-Louis tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur la crise haïtienne. Intitulée Le pays a besoin d’une large concertation pour la mise en place d’un gouvernement provisoire, sa tribune, rédigée depuis l’île de La Gonâve, sonne comme un appel pressant à une rupture immédiate avec le statu quo. Selon lui, le pays est aujourd’hui au bord de l’effondrement institutionnel, social et sécuritaire, et seule une insurrection citoyenne, encadrée par une transition bien pensée, peut inverser la trajectoire.

« Les fondements de notre nation sont profondément ébranlés, et il n’y a plus de temps à perdre », alerte Me Saint-Louis, qui appelle à un « véritable dialogue politique et une concertation constructive » pour sortir de l’impasse. L’auteur, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’État d’Haïti, affirme que le renouveau politique ne peut s’enclencher sans une redéfinition complète du paysage politique actuel.

Dans sa tribune, Me Saint-Louis n’épargne pas le Conseil présidentiel de transition (CPT), qu’il accuse de servir « des intérêts étrangers, soutenus par une frange du secteur privé haïtien, souvent impliquée dans des affaires peu transparentes ». Il estime qu’une « concertation politique authentique » doit permettre de réévaluer ce conseil dont la composition, selon lui, est à la fois illégitime et dysfonctionnelle.

Il s’attaque frontalement à l’héritage politique post-1987, qualifiant l’élite issue de cette époque d’« incapable de gouverner Haïti dans un cadre démocratique ». Pour lui, il ne s’agit pas seulement de démocratie perdue, mais d’un État totalement capturé par les réseaux criminels : « Haïti est aujourd’hui gouvernée par une organisation criminelle », reprend-t-il en citant Monique Clesca.

Les accusations sont graves et visent également le rôle du CPT dans l’aggravation de l’insécurité. Me Saint-Louis cite notamment l’analyse du colonel Himmler Rébu, qui « accuse ses membres d’être responsables des pertes en vies humaines et des destructions causées par les groupes criminels, car ils disposent des moyens nécessaires pour neutraliser ces gangs, mais s’abstiennent délibérément de les utiliser ». Selon lui, cette inaction est le signe que « Haïti est piégée » dans un système de complicité et de calcul politique.

Faisant le lien entre gouvernance et criminalité, Me Saint-Louis va plus loin en appelant à une mobilisation nationale : « Seul le peuple peut libérer le peuple », martèle-t-il. Il exhorte à une « insurrection citoyenne » initiée par la jeunesse et les masses populaires, partout sur le territoire, dans une « action audacieuse et révolutionnaire » destinée à éradiquer un système politique qui, selon lui, « se nourrit de la corruption et du chaos ».

Selon Me Saint-Louis, le CPT n’a jamais eu la capacité, ni la légitimité, pour gouverner : « Cette instance exécutive de facto, en dépit de la corruption qui la mine, était totalement inadaptée à la réalité politique du pays ». Il insiste sur l’absence de tout mécanisme de contrôle et de reddition de comptes : « Le CPT dépense les fonds publics sans être soumis à aucune règle de transparence », dénonçant également l’inefficacité juridique de l’OCAG, organe censé contrôler ses actions, mais qu’il qualifie de « farce » juridique.

Il rappelle également le déséquilibre institutionnel introduit par la structure même du CPT, lequel peut révoquer le Premier ministre, créant un « absolutisme présidentiel démesuré » qui n’est pas prévu par la Constitution de 1987. Il cite à ce propos les propos de Leslie Voltaire, selon lesquels les membres du CPT « prêteraient serment devant la nation », mais qui, finalement, l’ont fait « sur la Constitution de 1987 », alors même que cette dernière ne reconnaît pas leur existence.

« Le droit n’est pas une question de bricolage », insiste Me Saint-Louis, qui accuse les concepteurs du CPT d’avoir commis une « défaite intellectuelle ». Il cite Leslie Manigat : « Aucun ignorant ne peut résoudre les problèmes complexes d’un pays », pour appuyer sa critique d’une élite incapable de proposer une transition crédible et fonctionnelle.

Dans ce contexte, il dénonce aussi la position du coordonnateur du CPT, Fritz Alphonse Jean, accusé d’avoir trahi ses anciens principes. « Il dirige une instance étatique qui semble ne s’imposer aucune limite », écrit-il, estimant que le CPT est aujourd’hui non seulement inefficace, mais totalement déconnecté de ses objectifs initiaux.

Quant aux échéances électorales, Me Saint-Louis est formel : « Il est évident pour tout le monde que les élections ne pourront se tenir cette année ». Il interprète la dernière note de la CARICOM et des États-Unis comme « la reconnaissance tacite de l’impossibilité pour le CPT d’aller au-delà du 7 février 2026 ». Cette « stratégie du bruit avant la défaite totale » des autorités internationales ne saurait masquer l’ampleur de l’échec du CPT.

Me Saint-Louis conclut sa tribune par une proposition radicale : « Je recommande que le pouvoir soit confié aux forces armées et de police, sous la direction de leur commandant, pour une période de soixante-douze heures ». Cette courte période, selon lui, permettrait d’organiser une négociation pour établir un gouvernement provisoire dirigé par un juge de la Cour de cassation. Bien qu’il reconnaisse l’absence de fondement constitutionnel à cette initiative, il insiste sur la nécessité de briser le clientélisme et le pillage de l’État.

« Une telle neutralité est indispensable pour assurer un processus électoral libre et transparent », affirme-t-il, dans l’espoir de jeter les bases d’un État de droit véritablement réhabilité.

Pour Me Saint-Louis, l’heure n’est plus aux demi-mesures : « Il est urgent que toutes les forces vives de notre nation (…) s’unissent pour une cause vitale : tracer la voie vers un avenir meilleur en écartant ces dirigeants illégitimes et incompétents ».