“Le Conseil présidentiel de transition est caduc” : l’appel de Me Sonet Saint-Louis à une alternative nationale…

Sonet Saint-Louis, Avocat

PORT-AU-PRINCE, mardi 8 avril 2025 (RHINEWS)Dans une tribune virulence, Me Sonet Saint-Louis, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’État d’Haïti, dresse un réquisitoire implacable contre le Conseil présidentiel de transition (CPT), le qualifiant de structure « caduque » et appelant à son démantèlement immédiat. Selon l’éminent juriste, cette instance n’a plus aucune légitimité, ni capacité à incarner l’espoir démocratique d’un peuple meurtri par des décennies d’échecs politiques.

Me Saint-Louis, dans une tribune transmise à notre rédaction et signée depuis La Gonâve, estime que le CPT, mis en place à la suite de l’Accord du 3 avril 2024, est désormais « un verre brisé ». Il critique non seulement son inefficacité, mais surtout la corruption endémique qui, selon lui, gangrène ses membres au point de le rendre irrécupérable. S’appuyant sur les déclarations fracassantes de Magalie Comeau Denis, ancienne ministre de la Culture et figure influente de l’Accord de Montana, il souligne que cette dernière a accusé les conseillers présidentiels de détournements de fonds publics, allant jusqu’à les assimiler à l’organisation criminelle Viv Ansanm. « Deux facettes d’une même médaille », écrit Saint-Louis en citant Comeau Denis, toutes deux engagées dans une entreprise d’« anéantissement de la République », téléguidée par des puissances étrangères.

Ce qui choque particulièrement Me Saint-Louis, c’est l’ironie tragique de cette dénonciation venant de l’une des principales instigatrices de l’accord fondateur du CPT. Selon lui, cette volte-face de Mme Comeau Denis est révélatrice d’une guerre d’intérêts internes et d’un règlement de comptes entre factions ayant perdu foi en leur propre construction politique. Il s’interroge : « Pourquoi est-ce seulement maintenant qu’elle soulève des inquiétudes ? Quelles sont les promesses non tenues qu’il avait faites à son clan ? »

Au cœur de sa critique, Me Saint-Louis cible la figure centrale de Fritz Alphonse Jean, président désigné du CPT, qu’il décrit comme un technocrate sans légitimité populaire, au passé controversé. « Ancien gouverneur de la Banque centrale, Fritz Jean s’est illustré par la vente de la réserve d’or nationale – une erreur stratégique dont les conséquences pèsent encore lourdement sur le pays », rappelle le professeur de droit. Il évoque en outre les accusations de corruption qui pèsent contre lui au cabinet d’instruction, en lien avec le détournement de fonds destinés aux services de renseignement du Palais national. « Peut-on encore lui accorder notre confiance pour défendre les intérêts de l’État haïtien ? », s’interroge-t-il avec gravité.

Il n’est pas le seul visé. D’après Me Saint-Louis, cinq membres du CPT seraient actuellement inculpés pour corruption. Il cite aussi Leslie Voltaire, autre figure emblématique du Conseil, comme étant empêtré dans les mêmes pratiques, tout en rappelant que ce climat d’impunité persistante rend impossible toute prétention à l’organisation d’élections crédibles. « La lutte contre la corruption est reléguée au second plan », écrit-il. Pour lui, les échéances électorales annoncées pour novembre 2025 ne pourront pas être respectées, et il avertit que « le CPT ne pourra plus exister après le 7 février 2026. Aucun prolongement de délai ne sera accordé. »

Dans un ton empreint d’indignation, il dénonce ce qu’il appelle « une logique du pouvoir en Haïti » : celle où la corruption devient un facteur d’ascension politique. « Malheureusement, la corruption constitue le consensus solide autour duquel ces élites se regroupent. Ce pacte semble indéfectible. » Pour Me Saint-Louis, le maintien du CPT et du gouvernement Alix Fils-Aimé, propulsé au sommet de l’État sans expérience ni légitimité, est une insulte à la République.

Fidèle à sa tradition républicaine, l’universitaire esquisse une sortie de crise : il propose que le pouvoir exécutif soit confié à un juge de la Cour de cassation, à l’image de ce qui a été pratiqué lors de précédentes transitions politiques. « Il ne s’agit pas de résoudre la question de la légalité ou de la constitutionnalité à travers cette option, mais d’offrir une solution institutionnelle éprouvée », explique-t-il. Une alternative, selon lui, préférable à la mainmise de plus en plus forte des groupes criminels et des élites affairistes sur le pouvoir.

« Il est grand temps d’agir pour restaurer la stabilité et la justice dans notre pays », insiste Me Saint-Louis, soulignant que seule une gouvernance responsable, appuyée sur des institutions crédibles, pourra sortir Haïti de l’abîme. Il appelle à l’unité des forces patriotiques, au-delà des divergences idéologiques, pour tracer ensemble une voie de renouveau. « Le peuple doit reprendre les rênes », écrit-il avec conviction. « En démocratie, c’est lui qui décide de l’essentiel : ceux qui doivent le gouverner. »

Dans cette tribune, Me Sonet Saint-Louis ne se contente pas de critiquer : il lance un appel à la mobilisation nationale, à l’éveil de la conscience citoyenne et à la reconstruction d’une alternative politique basée sur l’intégrité, la compétence et le respect de l’État de droit. Un appel qui résonne comme un cri d’alarme, mais aussi comme une espérance face à l’impasse politique actuelle.