PORT-AU-PRINCE, jeudi 6 février 2025-
Le Bureau de Suivi de l’Accord de Montana (BSA) a annoncé son refus de participer à la réunion convoquée ce 6 février 2025 par la CARICOM avec les représentants des secteurs ayant pris part à la formation du Conseil Présidentiel de Transition (KPT). Dans un communiqué, le BSA explique cette décision par l’échec patent du KPT, l’aggravation dramatique de la situation sécuritaire et sociale du pays, et le rôle problématique joué par la CARICOM dans le processus de transition.
« Haïti est aujourd’hui au bord de l’effondrement total de l’État. La population vit un cauchemar, notamment à Kenscoff, où des gangs criminels sèment la terreur, incendient des maisons, tuent sans retenue. Plus de 150 personnes ont été assassinées ces derniers jours, et pourtant, le Premier ministre, en toute impudence, a osé déclarer que les autorités en place étaient conscientes du massacre imminent sans avoir pris les mesures nécessaires pour l’empêcher », dénonce le BSA.
L’organisation critique sévèrement la gestion du Conseil Présidentiel de Transition, estimant qu’il a trahi les engagements de l’Accord du 3 avril 2024, qui devait permettre une transition ordonnée et pacifique. « Depuis cette trahison, le KPT n’a cessé de démontrer son incapacité. En dix mois d’existence, il a plongé le pays dans un chaos sans précédent. L’insécurité a explosé, la vie est devenue plus difficile que jamais, et l’espoir d’un changement s’amenuise chaque jour. Pendant que le peuple souffre, ceux qui détiennent le pouvoir s’accrochent à leurs privilèges, divisent l’administration publique pour se partager des postes et se positionnent en vue d’élections illusoires », poursuit le communiqué.
Face à cette crise grandissante, la CARICOM a pris l’initiative d’inviter les secteurs impliqués dans la mise en place du KPT à une réunion, avec un agenda centré sur trois points : l’état actuel de la situation en Haïti et dans le monde, les propositions et suggestions pour résoudre la crise du KPT, et les pistes à suivre. Le BSA justifie son refus de participer en rappelant que les négociations facilitées par la CARICOM, notamment celle du 11 mars 2024, avaient eu lieu alors que le pays était en plein chaos : les gangs tuaient en toute impunité, s’attaquaient aux infrastructures vitales comme les hôpitaux, les écoles et même l’aéroport international, obligeant le Premier ministre à rester bloqué à l’étranger. « Le pays était à la dérive, la population terrifiée attendait une issue, et c’est dans cette urgence que les négociations ont été menées, sans la sérénité nécessaire pour éviter une nouvelle catastrophe », explique le BSA.
Or, au lieu d’adopter une posture neutre de facilitation, la CARICOM aurait, selon le BSA, joué un rôle d’arbitre, en imposant un Conseil Présidentiel de neuf membres sans cadre précis pour assurer la transition. « Ce Conseil a ensuite trahi tous ses engagements, plongeant le pays encore plus profondément dans la crise, avec la complicité de certains secteurs qui espèrent toujours sauver ce qui peut l’être d’un pouvoir discrédité après dix mois d’échecs constants », accuse le Bureau de Suivi de l’Accord de Montana.
Pour le BSA, il est hors de question de continuer sur la même voie avec les mêmes acteurs. « L’expérience a montré que les forces sociales et politiques ne peuvent plus se contenter de soumettre des propositions à la CARICOM comme si cette dernière était l’instance de décision ultime », avertit-il. Plutôt que de participer à des discussions vouées à l’échec, le BSA appelle à une véritable concertation nationale à travers une Conférence Citoyenne, rassemblant les acteurs sociaux, économiques et politiques refusant la violence.
« Nous devons dépasser les intérêts personnels, mettre de côté les egos, et éviter cette mentalité du ‘mon plan est le meilleur’. Il est temps de construire une alternative réelle, basée sur une autre gouvernance de la transition, afin de garantir des élections crédibles et poser les bases d’un renouveau national », affirme le communiqué.
Cette Conférence Citoyenne, selon le BSA, devra aboutir à un agenda clair avec des objectifs concrets, un plan national basé sur la réalité du pays et ses priorités urgentes, un mécanisme de contrôle du pouvoir pour éviter de nouvelles trahisons et une gestion transparente des ressources nationales au profit de la population. Le BSA insiste sur le fait que seule une telle initiative permettra au pays de se relever. « Une fois que le peuple haïtien aura construit son alternative, il pourra alors accueillir la solidarité de la CARICOM et de la communauté internationale, non pas pour imposer des solutions extérieures, mais pour accompagner un projet véritablement national », conclut le communiqué.