PAPAYE (Centre), samedi 15 février 2025– La plateforme “4Je Kontre,” soutenue par une douzaine d’organisations issues du Grand Nord, dénonce avec force la crise qui ravage Haïti. Pour les signataires du document, cette situation résulte d’un « crime bien orchestré », d’un « complot visant à éliminer les masses populaires, principalement les paysans, afin de s’accaparer des terres et des ressources naturelles du pays ».
Selon la plateforme, la détérioration accélérée de la situation nationale est directement imputable au Conseil Présidentiel de Transition (CPT), qui opère « en dehors du seul cadre légal qui lui a été donné, l’accord du 3 avril ». Après dix mois d’existence, ce Conseil est accusé de n’avoir « rien fait pour arracher la population des griffes des gangs qui tuent, violent, pillent et incendient ». Les gangs ont forcé plus d’un million de personnes à abandonner leur domicile, contraignant ces déplacés à vivre dans des conditions inhumaines dans les camps de Port-au-Prince, sur des places publiques, dans les marchés et les cours d’églises à travers le pays. La faim atteint un niveau critique, touchant « plus de la moitié de la population », alors qu’aucune mesure n’est prise pour relancer la production agricole. Les routes nationales sont devenues des zones de non-droit où les gangs rackettent, kidnappent et terrorisent la population.
La plateforme affirme que « la population est victime de massacres depuis longtemps, mais ces tueries se sont intensifiées sous le règne du CPT », dénonçant les exactions commises à Port-au-Prince, dans l’Artibonite et à Kenscoff. Les paysans, sous la pression des gangs, sont contraints de fuir leurs terres, pendant que leurs bêtes et leurs récoltes sont pillées. Dans le même temps, des juges corrompus, en connivence avec des fraudeurs, s’acharnent contre eux en leur volant leurs terres, notamment dans le Nord-Est et sur le Plateau central.
À cette crise sécuritaire et humanitaire s’ajoute un effondrement environnemental et économique. La dégradation de l’environnement, l’anéantissement de la production alimentaire et l’absence de routes agricoles démontrent l’abandon total des paysans par l’État. La corruption, profondément enracinée au sein du CPT, entraîne le détournement et le gaspillage des fonds publics par une minorité de pilleurs.
Face à ce tableau, la plateforme s’indigne du « discours trompeur et des actions inutiles » du CPT, qui ne feraient qu’enfoncer davantage le pays dans le chaos. Elle critique notamment la mise en place d’un Conseil Électoral Provisoire (CEP), soulignant que les organisations paysannes en sont exclues malgré leurs efforts pour se faire entendre. Pour 4Je Kontre, ce CEP ne sert qu’à dilapider les fonds publics, car « tout le monde sait qu’aucune élection n’est possible dans ces conditions ».
La plateforme fustige également les initiatives du CPT en matière de réforme constitutionnelle et de Conférence nationale, dénonçant un processus opaque et illégitime. Toutes les structures mises en place pour travailler sur la Constitution, la Conférence nationale et le référendum ne respectent aucun des principes définis par l’accord du 3 avril, un texte qui n’a jamais été publié dans Le Moniteur. Elle rejette catégoriquement les rencontres organisées en secret avec des individus triés sur le volet pour parler d’un référendum et d’une modification de la Constitution de 1987, soulignant que jamais les organisations paysannes n’ont été conviées à ces assises dans les départements.
Pour 4Je Kontre, les annonces d’un référendum le 1er mai et d’élections le 15 novembre ne sont que des manœuvres destinées à tromper la communauté internationale. Ceux qui les évoquent savent pertinemment qu’aucun référendum ni aucune élection ne sont possibles sous le règne des gangs. Derrière ces annonces, se profile la légalisation d’Haïti comme une « République des gangs ».
Face à cette situation, la plateforme exige la démission du CPT, qu’elle juge incompétent et incapable d’alléger la souffrance du peuple haïtien. Elle réclame la formation d’un Conseil Présidentiel composé de personnalités indépendantes, non affiliées à des partis politiques ou à des intérêts privés, et ayant pour mission de publier l’accord du 3 avril après révision, de mettre en place des mécanismes de contrôle du gouvernement et de constituer une administration dirigée par des technocrates honnêtes et compétents. Elle appelle à la dissolution de toutes les instances mises en place par le CPT pour organiser un référendum, une Conférence nationale ou des élections, insistant sur le fait que la sécurité doit être rétablie avant tout processus électoral.
La plateforme met en garde la population contre toute tentative de la maintenir sous la domination des gangs pour les prochaines décennies. Elle appelle à la vigilance et au refus de toute mascarade électorale qui ne ferait que prolonger le pouvoir des criminels. Son mot d’ordre est clair : « À bas le référendum, à bas les élections tant qu’il n’y a pas de sécurité ! »