PORT-AU-PRINCE, jeudi 6 février 2025–Dans un contexte où le financement des services de renseignement est devenu un sujet brûlant de la vie politique haïtienne, l’opinion publique ne tarde pas à remettre en question l’utilisation des fonds alloués aux cellules soi-disant destinées à protéger le pays. Selon André Lafontant Joseph, le gouvernement de transition a mis en scène une opération spectaculaire à Kenscoff pour justifier des dépenses qui, de prime abord, paraissent totalement disproportionnées.
« Nous sommes le seul pays où quasiment chaque responsable de l’Exécutif dirige un service personnel d’intelligence », affirme M.Joseph. Il dresse le constat que le Premier Ministre dispose de 40 millions de gourdes par mois, tandis que chacun des neuf conseillers reçoit 5 millions. Des montants non révélés seraient également alloués aux ministres de l’Intérieur et de la Justice, alors même que la Police Nationale d’Haïti (PNH) paraît bénéficier du moins de ressources pour mener des opérations de renseignement.
Face à « l’absence de structures réelles de renseignement » et aux échecs répétés des forces de l’ordre dans la lutte contre les terroristes de Viv Ansanm, les accusations d’accaparement de fonds se sont multipliées. Pour apaiser les critiques, le gouvernement a orchestré des raids meurtriers à Kenscoff, permettant aux diverses cellules d’intelligence de « fonctionner » de façon miraculeuse et d’annoncer en amont les attaques, déclare Joseph.
Selon lui, le chef du gouvernement, surpris par l’inertie de la CSPJ à l’occasion des événements, reconnaît publiquement l’inefficacité non seulement de son agence, mais aussi de l’ensemble des structures exécutives. Il tente ainsi de se disculper des accusations de détournement en prétendant que les renseignements avaient été fournis en temps voulu, et que ce sont par la suite la DCPJ ou le directeur de la PNH qui ont failli à leur mission.
André Lafontant Joseph s’interroge alors sur la logique de dépenser des millions pour un service de renseignement dont les résultats restent « aussi piteux et humiliants » pour les forces de l’ordre, d’autant que les groupes criminels et gangs diffusent ouvertement leurs actions sur les réseaux sociaux en proclamant fièrement : « Nou pa fè rimè, noumenm ». Cette audace contraste cruellement avec les justifications présentées par les responsables politiques, qui semblent, selon lui, se comporter « comme des criminels convaincus, des rapaces apatrides qui ne se soucient que de leurs poches ».
D’après Joseph, face à cette « grossière arnaque », il convient de s’interroger sur la sincérité et l’intégrité de ceux qui détournent les fonds censés garantir la sécurité nationale. Plutôt que de s’attarder sur les défaites des forces de l’ordre, les dirigeants semblent préférer jeter la pierre aux organismes subalternes, allant jusqu’à les remplacer pour tenter de redorer leur blason. L’auteur termine en questionnant l’identité même des ennemis d’Haïti : « Les pires ennemis d’Haïti ne seraient-ils autres que ces filles et fils dénaturés ? »
Le 26 janvier dernier, le conseiller-président, Smith Augustin, membre du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), a démenti catégoriquement que les fonds alloués aux services de renseignement aient été distribués aux membres du Conseil pour un usage personnel.
« C’est absolument faux. L’argent du renseignement n’a jamais été distribué aux conseillers-présidents pour en faire un usage personnel », a déclaré Augustin lors d’une interview accordée à RHINEWS.
M. Augustin a affirmé que les allégations selon lesquelles les fonds alloués aux services de renseignement ont été détournés sont infondées et relèvent d’une tentative de certains secteurs visant à provoquer l’éclatement du CPT afin de faire dérailler la transition et de s’accaparer du pouvoir.
Il a admis qu’il existe, au niveau de la Présidence, un fonds alloué au renseignement, mais les conseillers-présidents n’ont pas la capacité d’en disposer, car ils ne sont pas ordonnateurs de dépenses publiques. Il a souligné que, pour des raisons de sécurité, il n’était pas possible de discuter publiquement de la gestion des fonds de renseignement.