Washington, 11 février 2021– Haïti-un pays envers lequel tous les autres pays qui ont souffert de l’esclavage ont une profonde dette – est une fois de plus dans la tourmente, selon l’ambassadeur de Antigua et Barbuda aux Etats-Unis et auprès de l’Organisation des Etats Américains (OEA).
Selon le diplomate, ‘’ aucun pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ne devrait se tenir à l’écart, silencieusement, tandis qu’Haïti glisse dans une nouvelle catastrophe, retardant son économie déjà appauvrie et privant le peuple haïtien d’espoir pour un avenir meilleur.’’
‘’Bien sûr, a poursuivi Ronald Sanders, aucun pays ne devrait s’immiscer dans les affaires intérieures d’un autre État. La CARICOM n’a jamais fait cela. À l’époque où l’organisation a joué un rôle dans la résolution des questions politiques, électorales et constitutionnelles dans un État membre de la CARICOM, elle l’a fait à l’invitation du gouvernement et d’autres partis politiques. Cela s’est produit plus récemment au Guyana, où la CARICOM a joué un rôle central dans le maintien de la démocratie et la garantie du résultat crédible des élections, a-t-il souligné.’’
Cependant, le diplomate caraïbéen a fait remarquer que, la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État ne doit pas être interprétée comme une approbation. Et, lorsque les conditions atteignent le point de perte de vies humaines, le moins que les États amis devraient faire, c’est d’aider à favoriser le retour de paix et d’aider à résoudre les problèmes qui causent la violence et la destruction.
‘’Bien que le gouvernement haïtien pourrait ne pas être d’accord, les circonstances actuelles du pays réclament des mesures correctives, a encore fait savoir le diplomate.’’
Par conséquent, a-t-il soutenu, ‘’la CARICOM a eu raison, le 11 février, de publier une déclaration publique « encourageant toutes les parties à engager un dialogue significatif dans l’intérêt de la paix et de la stabilité» et «exhortant fortement à prendre des mesures pour promouvoir un environnement sûr, un retour à une vie normale et la construction d’institutions démocratiques durables.’’
‘’Depuis octobre 2019, lorsque le président Jovenel Moïse a reporté les élections législatives et locales, il n’y a pas eu de législature en Haïti. Le président a dirigé le pays par décret, contrairement à sa Constitution. Même au niveau municipal, à la fin des mandats des maires élus, M. Moïse a nommé des personnes de son choix, a encore souligné l’ambassadeur Sanders.’’
Selon M. Sanders, en l’absence d’une législature qui, en vertu de la Constitution, est tenue d’approuver les nominations à des institutions indépendantes et des organismes d’application de la loi, y compris la police, le président Moïse a installé unilatéralement des personnes favorisées. ‘’Depuis plus d’un an, ces circonstances exaspèrent les partis d’opposition comme on pouvait s’y attendre, mais elles ont également suscité l’inquiétude des groupes de défense des droits humains dans le pays et à l’étranger, a-t-il poursuivi.’’
Toutefois, des événements plus récents en Haïti ont suscité de vives critiques à l’égard de Moïse. La condamnation la plus convaincante est venue de sept membres de la Chambre des représentants des États-Unis d’Amérique (États-Unis). Début février, ils ont écrit au secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, pour exiger le départ de M. Moïse « conformément à la Constitution haïtienne, a-t-il soutenu.’’
‘’Depuis plusieurs mois, les groupes politiques et de défense des droits civiques en Haïti se disputent le fait que, conformément à la Constitution, le mandat du président a pris fin le 7 février, soit cinq ans après les dernières élections de novembre 2016. Il a soutenu que, malgré la position énoncée dans la Constitution sur la durée du mandat du président, il a le droit de rester en fonction pour une autre année, puisqu’il n’a pris ses fonctions qu’en février 2017, a souligné l’ambassadeur.’’
De l’avis du diplomate, Jovenel Moïse n’était pas un président élu populairement. Les élections de 2016 ont connu un faible taux de participation des électeurs. Ses actions, depuis lors, en particulier sa gestion par décret, a encore atteint sa cote de popularité a précisé le diplomate.
Dans cette atmosphère, le pays a basculé dans l’anarchie – dont certaines auraient été engendrées par le parti au pouvoir de Jovenel Moïse. Les enlèvements et les meurtres hantaient riches et pauvres, et les gangs fédérés contrôlent les quartiers, ce qui a fait craindre aux communautés. Des massacres ont eu lieu dans des quartiers où l’opposition à Moïse est forte.
Tout cela a conduit à des manifestations de rue que le gouvernement a réprimé d’une main de fer. Ces dernières semaines, la police a tiré à balles réelles sur la foule, tuant et blessant des personnes, dont deux journalistes, dont l’un se trouve dans un état critique, selon Ronald Sanders.
Au cours de cette affaire, le 7 février, Moïse a laissé entendre qu’il y avait un complot visant à le renverser. La police a arrêté et détenu 23 personnes, dont un ancien candidat à l’élection présidentielle, un inspecteur de police de haut rang et un juge de la plus haute juridiction du pays. En outre, M. Moïse, a arbitrairement envoyé trois juges de la Cour de Cassation à la retraite. L’un de ces juges a été nommé conjointement par les partis d’opposition comme le « président par intérim » d’Haïti – tout comme cela s’est produit avec le Vénézuélien Juan Guaidó. L’ambassade des États-Unis en Haïti a publié une déclaration mettant en doute le bien-fondé de l’action pour mettre les juges à la retraite.
‘’Plusieurs pays non-membres de la CARICOM, à la recherche d’une solution au problème actuel, font ce qu’ils font habituellement – en se concentrant sur les élections présidentielles pour mettre fin au conflit, a-t-il déploré.’’
Il a indiqué que, le problème est qu’il n’y a pas de mécanisme électoral crédible en Haïti, y compris pas de liste électorale à jour et vérifiable. Qui pis est, M. Moïse a nommé un comité de ses associés pour faire des recommandations sur la réforme institutionnelle et politique, y compris du Conseil électoral provisoire (CEP) qui administre les élections.
Selon le diplomate, problème beaucoup plus grave est qu’il prévoit d’organiser un référendum le 25 avril sur un projet de constitution que sa commission a rédigé. Entre autres choses, le projet de Constitution, va préparer le terrain pour les élections présidentielles et autres. Le processus n’a aucune crédibilité et aucun soutien de la part des partis politiques d’opposition et des groupes de défense des droits civiques et, par conséquent, continuera de susciter les manifestations de foule.
‘’Haïti, y compris le président Moïse, et tous les autres acteurs – politiques et civils – ont besoin de l’aide de facilitateurs et de médiateurs honnêtes pour aider à créer des conditions convenables pour remédier aux problèmes institutionnels, y compris le mécanisme électoral. Sans elle, la situation en Haïti va empirer, a-t-il prévenu.’’