De notre bureau à Washington,
Washington, 15 octobre 2020- Pres d’une trentaine de parlementaires américains (députés/senateurs) écrivent au secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo pour l’exhorter à utiliser la voix des États-Unis pour soutenir des élections libres et équitables en Haïti qui respecte la constitution haïtienne.
Dans une correspondance en date du 15 octobre adressée à M. Pompeo, les parlementaires dont Andy Levin, Barbara Lee, Frederica S. Wilson, Elizabeth Warren et Edward J. Markey, se sont déclarés alarmés par des commentaires émis par hauts fonctionnaires de l’administration Trump qui auraient encouragé la poursuite du processus électoral haïtien malgré le refus des partis politiques et des organisations de la société civile d’y participer, mettant du même coup en doute, sa légitimité.
‘’S’il est impératif que nous soutenions un retour à un ordre démocratique complet en Haïti, la politique américaine ne doit pas pousser à des élections précipitées qui pourraient déstabiliser davantage le fragile système politique, font remarquer les parlementaires américains qui exhorte Mike Pompeo à s’assurer que la politique étrangère américaine envers Haïti ne légitimise pas un comportement antidémocratique.’’
Selon les parlementaires, les États-Unis, par leurs déclarations, politiques et programmes, doivent soutenir un processus électoral qui respecte la constitution haïtienne et reconnaît l’importance de la participation de la société civile à tout processus démocratique. ‘’Nous convenons tous que les élections en Haïti sont essentielles. Cependant, poursuivent-ils, comme vous le savez, le président Jovenel Moïse dirige le pays par décret depuis janvier, date à laquelle le mandat de la plupart des parlementaires a expiré, sans l’adoption d’une loi électorale nécessaire à la tenue d’élections législatives.
Rappelant que plus tôt cet été, les neuf membres du conseil électoral provisoire ont démissionné, invoquant la nécessité pour le gouvernement d’engager un véritable dialogue avant de procéder aux élections, les parlementaires américains déplorent que Le président Jovenel Moïse ait décidé de nommer un nouveau CEP par décret sans un consensus minimal. Fait troublant, selon eux, c’est son mandat qui est sans précédent puisqu’il s’agit de préparer un référendum constitutionnel alors que cette structure souffre d’un déficit de légitimité compte tenu du fait qu’elle n’ait pas été formée selon les prescrits de la constitution, soulignent-ils.
‘’Nous craignons que les récentes déclarations de hauts responsables du département d’État su la crise politique actuelle menaçant l’opposition et la société civile qu’elles pouvaient faire face à des conséquences conséquences s’ils faisaient obstacles au processus électoral, n’entravent un dialogue constructif entre les protagonistes, précisent-ils.’’
Ils rappellent qu’un haut responsable du département d’Etat avait lancé cet avertissement seulement quelques jours après qu’un éminent avocat, professeur de droit constitutionnel et bâtonnier de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval qui critiquait publiquement l’approche du gouvernement sur les élections, eut été assassiné chez lui.
Les parlementaires estiment qu’Haïti est confronté à de multiples défis qui menacent de faire dérailler son processus démocratique en soulignant que Port-au-Prince a subi une augmentation alarmante de la violence ces dernières années.
‘’Une coalition de gangs a pris le contrôle des principales zones de la capitale et a semblé cibler des zones à forte concentration d’opposants au gouvernement lors d’attaques utilisant des véhicules blindés sophistiqués avec des armes automatiques et du gaz lacrymogène, selon les parlementaires américains qui citent des rapports récents de deux importantes organisations haïtiennes de défense des droits humains suggérant que des représentants du gouvernement haïtien tentent d’utiliser ces gangs et groupes armés pour influencer le processus électoral.’’
‘’Ces organisations locales de défense des droits de l’homme ont documenté des cas spécifiques où des agents publics et la sécurité de l’État soutiennent des groupes armés dans le cadre d’une tentative d’exercer un plus grand contrôle sur la capitale densément peuplée avant les prochaines élections, soutiennent-ils.’’
Ils rappellent à Mike Pompeo qu’en 2019, plus de 100 membres du Congrès lui ont écrit pour lui exprimer leur inquiétude face à la montée de l’insécurité et des violations des droits de l’homme suite au massacre de La Saline et à la répression des manifestants pacifiques contre la corruption. ‘’A l’époque, ils ont appelé le Département d’État à veiller à ce que le soutien américain au processus électoral haïtien tienne compte de l’implication de la société civile et que ledit processus était inclusif.
‘’Malheureusement, écrivent-ils, les récentes actions du gouvernement américain n’ont pas permis d’atteindre cet objectif et que la situation des droits de l’homme ne fait que se détériorer davantage, exacerbée par le COVID-19 avec un système de santé sous-financé de manière chronique et a alimenté des rumeurs qui ont semé la méfiance à l’égard du gouvernement et des responsables de la santé.’’
Selon les parlementaires, ces conditions rendent la tenue d’élections transparentes encore plus précaires. Dans ce contexte, nous craignons que les déclarations du Département d’État qui semblent encourager des élections rapides sans tenir compte du rôle intégral de la société civile au regard de la constitution haïtienne ou les directives constitutionnelles concernant la composition du conseil électoral provisoire pourraient alimenter les inquiétudes du public quant à la légitimité de l’élection et conduire à une plus grande instabilité.
‘’Le Département d’État devrait reconnaître les préoccupations légitimes de la société civile haïtienne liées à l’absence d’un dialogue inclusif, nominations inconstitutionnelles du conseil électoral et intimidation par le gouvernement des acteurs de la société civile, suggèrent-ils.
‘’Ces actions sont impératives pour s’assurer que le processus électoral en Haïti est largement perçu comme légitime afin que la démocratie en Haïti puisse prospérer, soulignent les signataires qui donnent jusqu’au vendredi 30 octobre, pour répondre à leurs préoccupations et en expliquant comment l’administration entend exprimer son soutien à des élections libres et équitables en Haïti.’’