Port-au-Prince, 31 octobre 2020- A trois (3) mois de la fin de son mandat constitutionnel, Jovenel Moïse se montre de plus en plus déterminé à doter le pays d’une nouvelle constitution ‘’plus adaptée à la culture haïtienne et plus facilement applicable de son point de vue.’’
Ce projet qui ne fait pas de consensus au sein de la société et décidé unilatéralement par le chef de l’Etat, suscite des réactions de réprobation de divers acteurs politiques qui voient en cette démarche une volonté du président d’établir une dictature dans le pays.
Le sénateur Patrice Dumont estime anormal qu’un chef d’Etat, avec la complicité de certains citoyens qu’on pourrait considérer comme des gens honnêtes, se croit autorisé d’élaborer une nouvelle constitution pour l’imposer à onze (11) millions d’habitants.
‘’Si le président voulait amender la constitution dans les conditions prévues par la loi mère en son article 289, il pouvait le faire avec sa majorité au Sénat et a la Chambre des députés. Il ne l’a pas fait parce qu’il voulait conduire le pays vers ce projet antidémocratique et anticonstitutionnel, selon M. Dumont.’’
Le parlementaire estime que le président de la République n’a pas la compétence pour ordonner l’élaboration d’une nouvelle constitution pour le pays.
Par la volonté du président Jovenel Moïse qui, en violation de la constitution, n’a pas respecté les échéances électorales et constitutionnelles, le parlement haïtien est dysfonctionnel. ‘’Après avoir élaboré sa constitution, le chef de l’Etat aura besoin de la faire approuver et valider, souligne Patrice Dumont qui se demande comment cela se fera en absence du parlement.’’
Le sénateur Youri Latortue qualifie de pure folie la démarche du président Jovenel Moïse qui veut adopter une nouvelle constitution pour le pays.
Selon le parlementaire de l’Artibonite, le chef de l’Etat avait toute la l’attitude pour faire amender la constitution, former le conseil électoral permanent (CEP) et conseil constitutionnel avec la majorité parlementaire dont il disposait au Sénat et à Chambre basse.
‘’Ces processus étaient en cours, mais Jovenel Moïse a tout bousillé lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas tout contrôler dans ses seuls intérêts, déclare M. Latortue qui croit que la démarche du locataire du palais national n’a aucune chance d’aboutir.’’
Il en veut pour preuve, le fait que le président est rejeté par la majorité du peuple haïtien et son mandat qui expire dans trois (3) mois, soit le 7 février 2021. A ce stade, dit-il, le président ne peut pas engager le pays dans un tel projet qui nécessite un consensus national alors que M. Moïse décide d’entreprendre, de manière unilatérale, de doter la nation d’une nouvelle constitution.
Pour sa part, André Michel, porte-parole du secteur démocratique et populaire, estime que le régime du PHTK s’est révélé particulièrement cynique en voulant conduire le pays vers une situation plus chaotique par son projet insensé qui consiste à doter le pays d’une nouvelle constitution.
‘’Constitutionnellement, Jovenel Moïse n’a que trois (3) mois à passer au pouvoir, comment peut-il prétendre pouvoir changer la constitution sans l’accord du peuple haïtien qui le rejette majoritairement, s’interroge-t-il ?’’ Selon André Michel, cette démarche du chef de l’Etat prouve encore qu’il ne comprend rien et qu’il décide d’aggraver la crise politique dans laquelle il a entrainé le pays.
Le sociologue Antoine Augustin croit, pour sa part, qu’il faut mobiliser les citoyens et tous leurs efforts afin de stopper les dérives du pouvoir en place qui s’est évertué à démanteler l’ensemble des institutions du pays et la souveraineté nationale.
Jovenel Moïse a donné investiture vendredi au Groupe Consultatif ‘’Indépendant’’ pour l’élaboration d’une nouvelle constitution, en remplacement de celle qui est en vigueur depuis le 29 mars 1987.
Cette structure comprend Me. Boniface Alexandre (84 ans), Me. Mona Jean, Jean Emmanuel St-Eloi, l’ex-général des Forces Armées d’Haïti, Hérard Abraham et Louis Naud Pierre.