Par Paul Rachel Cadet,
Constamment préoccupé par les bouleversements politiques récurrents qui ébranlent les bases fondatrices de la nation haïtienne, je suis interpellé par le devoir citoyen à pousser plus loin mon plaidoyer, auprès de toutes les forces vives de la nation, pour l’implémentation d’une doctrine de Concorde Nationale pour le salut d’Haïti. Tous mes textes écrits et publiés de décembre 2014 à date sur la crise haïtienne portent sur une priorité fondamentale : « La SAUVEGARDE DU BIEN COMMUN ». Je me rends à l’évidence, sans me laisser aller au découragement, que porter mes compatriotes à embrasser cet idéal est une tâche compliquée. La société entière semble galvanisée par un esprit de discorde, nourri par la colère, les ressentiments, la haine des uns pour les autres. Cet état d’esprit est un handicap majeur à toute initiative visant l’union des cœurs et des volontés dans l’intérêt du bien commun.
Loin d’être découragé, je suis autrement convaincu que c’est la voie la plus sûre qui peut réparer le tissu social déchiré de la nation haïtienne. Ceci permettra d’instaurer, en contemplation de la célébration des 250 ans de notre indépendance, le 1er janvier 2054, une culture de dialogue politique permanent, capable de mettre Haïti sur les rails du progrès social, de la croissance économique et de la stabilité politique.
Aujourd’hui, Haïti se retrouve dans une situation politique grave.
L’État, affaibli par l’éclatement de ses structures institutionnelles, ne peut plus assumer ses responsabilités régaliennes. Cette situation chaotique justifie l’hypothèse de la perte définitive de notre souveraineté nationale. Il y a donc lieu de présager l’autodestruction imminente de la nation haïtienne si rien n’est fait dans la plus grande urgence.
Partant de cette vérité biblique : « Tout royaume divisé contre lui-même sera détruit et toute maison divisée contre elle-même tombera en ruine » je suis convaincu de la nécessite de tirer une nouvelle fois la sonnette d’alarme afin d’amener toutes les parties à consentir, malgré leurs contradictions, l’ultime sacrifice pour le sauvetage du BIEN COMMUN.
Voilà un concept qui mérite d’être approfondi pour l’édification de tous.
Un auteur et chercheur belge Christian Arnsperger, dit à propos, « Le soi-disant BIEN COMMUN censé orienter les choix politiques les plus fondamentaux d’une démocratie, n’est jamais une entité fermée, disponible « en soi » dans une sorte de clarté première ; non, ce bien commun est immanquablement le lieu d’un COMPROMIS SOCIAL, donc d’une forme ou d’une autre de NEGOCIATION. »
Cette proposition, renforce ma conviction d’inciter tous les protagonistes de la crise actuelle, à trouver dans leurs contradictions des éléments de ralliement au profit du BIEN COMMUN. Je souhaite donc que son contenu serve à éclairer les lanternes, tant des autorités en fonction, des leaders de l’opposition, aussi bien des instigateurs des différents accords de proposition de sortie de crise. Ils devront, obligatoirement s’entendre, au nom des multiples factions de la population dont ils prétendent défendre les intérêts, s’ils veulent éviter l’ignominie à la nation haïtienne. L’avenir du pays dépend de leur compréhension des enjeux concrets (nationaux et internationaux) de la conjoncture sociopolitique.
Agir dans le sens du BIEN COMMUN implique inéluctablement CONCESSION: Cela signifie de considérer, à la lumière de la philosophie morale et politique, toutes les contradictions qui divisent les parties en conflit, (que l’auteur suscité appelle théorie du bien commun) comme des outils qui permettent un processus d’émergence rationnel, plutôt qu’opportuniste ou « politicard », d’un BIEN COMMUN. Il faut comprendre qu’aucune réflexion théorique sur le BIEN COMMUN ne peut par elle-même construire ce BIEN COMMUN, que ce concept n’est pas fixé d’avance. Ce sont des mouvements du temps politique et des fluctuations de l’espace de référence qui permettront de le déterminer.
Nous ne voulons en aucun cas insinuer que toute réflexion théorique est vaine en disant qu’une réflexion théorique sur le BIEN COMMUN ne peut par elle-même construire ce BIEN COMMUN; ce disant, nous soutenons que le BIEN COMMUN de n’importe quelle théorie n’est pas à priori le BIEN COMMUN imposable à toutes les autres théories du BIEN COMMUN en confrontation. En d’autres termes, pour itérer le chercheur belge « le BIEN COMMUN réalisé sera, au mieux, la « résultante » (au sens physique de l’analyse des forces) de la confrontation de plusieurs conceptions théoriques rivales du BIEN COMMUN – conceptions théoriques qui, si elles ont un quelconque droit à se réclamer de la rigueur réflexive, doivent chacune prétendre dire le « tout » du BIEN COMMUN, en donner « la » justification la plus plausible et « le » fondement le plus authentique, et ainsi de suite. »
Quelle est la conception du BIEN COMMUN des parties en conflit actuellement en Haïti? Je veux bien parler du pouvoir en place et de ses opposants politiques. Qu’est-ce qui motive l’engagement de chacune d’elles? Ont-elles chacune de son côté, conçu et défini une théorie du bien commun qu’ils peuvent clairement énoncer et défendre? Sont-elles en mesure d’en dégager des similarités avec les autres théories en confrontation? Parviennen-ils à aborder leur divergence d’intérêts avec un esprit analytique plutôt qu’émotionnel? L’intérêt supérieur de la nation est-il pris en compte?
Quand ces questions auront été honnêtement répondues dans chaque camp, le BIEN COMMUN émergera comme la résultante, la moyenne hybride de diverses théories en concurrence. Il ne reflétera finalement aucune d’elles, sur la base du rapport de force politique, qui penchera du coup en faveur de l’équipe la plus persuasive, capable de gagner la confiance du peuple ou de capter l’intérêt des décideurs nationaux ou internationaux. On doit l’admettre: ces questions relèvent de l’enjeu même de la démocratie qui préconise la construction sociale d’un processus d’émergence des normes de la vie en commun qu’aucun politicien éclairé ne peut en prétexter ignorance.
Dans un carrefour aussi fragile de notre aventure de peuple, les acteurs politiques doivent puiser dans l’histoire pour éviter de commettre les mêmes erreurs de nos prédécesseurs qui ont occasionné l’occupation américaine de 1915. Un peu plus près de nous, on peut évoquer la guerre civile du 25 mai 1957 ou encore la présence des soldats onusiens sur le sol haïtien en 2001. Tous ces évènements historiques se sont produits par manque d’intérêt collectif dans une discordance frénétique des politiciens pour le monopole du pouvoir. On le sait, les projets de prise de pouvoir en Haïti sont généralement conçus sans un fil directeur amenant à un projet politique porteur. Dans la pratique, ceux qui s’affrontent et cherchent à accéder au pouvoir sont prêts à tout. Il suffit pour eux de soigner un discours souvent truffé de mensonges pour détruire leurs adversaires. Aussi s’assurent-ils d’obtenir la bonne grâce de la presse, du corps diplomatique et de la communauté internationale. Ils excellent dans l’art de bluffer le peuple à travers des promesses soporifiques, remplies d’espoirs et d’intérêts dont la légitimité fondrait si elles étaient soumises un tant soit peu à une réflexion impartiale ou critique.
LE BIEN COMMUN(HAITI) N’A JAMAIS ETE LEUR PRIORITE.
Au contraire il n’existe pas dans leur agenda, il est foulé au pied par ceux-là qui devraient le poursuivre, le défendre et le protéger dans l’intérêt du plus grand nombre.
L’histoire a prouvé que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Le BIEN COMMUN qui unit une société n’a pas été la priorité des (Cinquante-Septards,- idem pour les -Quatre-Vingt-Sixards,- les Deux Mille Quatrards- et les Deux Mille Dix-Neufards). Hélas!
LE BIEN COMMUN DOIT ETRE UN INTERET PARTAGE.
Cette disparition de la notion même de bien commun dans une instrumentalisation machiavélique peut sembler bien cynique : Il est déboussolant de réaliser le déficit de la capacité de réflexion et de compréhension mutuelle des acteurs. Ne sommes-nous pas en mesure, quand nous entrons en conflit avec nos concitoyens, de prendre ensemble du recul et de formuler de manière réflexive des intérêts communs qui transcendent nos désaccords ? Pour que nos divergences d’intérêts ne dégénèrent immédiatement en une guerre fratricide, il faut d’ores et déjà au minimum une chose : nous devons être d’accord sur le fait que nous sommes en désaccord. Accord minimal certes, mais qui passe par le langage commun et par la parole partagée (même si elle est initialement conflictuelle), et qui signale donc un terrain d’entente, en tout cas, potentiellement beaucoup plus large.
Si nous approfondissons l’essence de la théorie de l’agir communicationnel développée par Karl Otto Appel et Jurgen Habermas, nous nous verrons conviés à résoudre le problème de notre patrie commune dans une procédure parallèle de désintéressement. C’est dans ce cheminement que nous pourrons reconnaître nos adversaires, non forcément comme des ennemis à abattre mais aussi et surtout comme des partenaires de discussion. Cette théorie de l’agir communicationnel encastre les unes aux autres les opinions contradictoires, en vue d’un accord intersubjectif sur les normes de base du vivre ensemble. Cet accord sera l’émanation d’un intérêt désintéressé des parties en conflit. Et précisément, quel peut bien être cet « intérêt désintéressé », si ce n’est le bien commun lui-même, non comme concept déjà formé, mais comme horizon de la coopération discursive entre les acteurs?
A cette phase du débat, il est important de rappeler que l’intérêt qui se comprend bien lui-même a tendance à s’auto-transformer pour tenir compte de visées plus larges. En particulier, tout acteur mû par un intérêt désintéressé prendra en compte de manière appropriée les effets que peut avoir la réalisation de son projet en termes d’éventuelles frustrations ou colères des autres acteurs, et les répercussions que cette frustration ou cette colère peut avoir en retour.
Je vous en conjure, anciens Présidents, anciens Sénateurs ou Sénateurs en fonction, anciens Députés, Maires, activistes politiques, chefs de file de l’opposition, responsables de partis politiques, veuillez-vous comporter en acteurs désintéressés. Rendez-vous bien compte de ce que la coopération vaut souvent mieux que la non-coopération. C’est la seule façon pour vous de gravir l’autel de la patrie, tous honorés pour avoir coopéré par intérêt pour le bien commun (HAITI).
Actuellement Haïti est le théâtre d’un affrontement aveugle entre des visions d’ensemble de la société. Nous devons donc admettre qu’en théorie toutes les visions se valent. De plus leurs supporteurs sont farouches et ne jurent que par elles comme unique proposition visant le bien commun. Pourtant elles ne peuvent coïncider avec le bien commun en politique que si, par impossible, tous les citoyens sans exception, d’un seul coup, adhéraient au même mouvement. Puisque ce cas de figure est illusoire, ce n’est plus le consensus qui pourra régler la coexistence entre les antagonistes, mais bien le COMPROMIS, entendu comme le renoncement conscient et provisoire des parties, à se réaliser pleinement en écrasant toutes les autres, afin de ne pas endommager à jamais la coopération de la société avec les pouvoirs établis.
De la dialectique des armes aux armes de la dialectique, les propositions de sortie de crise pleuvent et s’entrechoquent. Elles deviennent même lassantes tenant compte de leurs répétitions sans effets escomptés. Toutefois, animé par cet esprit de dépassement de soi, me dépouillant de tout intérêt personnel, je propose un COMPROMIS CITOYEN DANS L’INTERET DU BIEN COMMUN.
Ce grand compromis historique et patriotique suppose la mise en place d’une STRUCTURE DE FACILITATION composée de citoyens d’un relief certain et d’une honorabilité incontestable dans la société haïtienne. Les membres de cette structure auront pour objectif de comparer les différents accords politiques récemment présentés par différents secteurs de la vie nationale, d’y déceler les points communs et d’amener les antagonistes à trouver un compromis sur les fondamentaux de la crise de gouvernance actuelle que sont :
1- La sécurité nationale
2- La transition (mise en place des organes de la transition et de ses outils opérationnels)
3-La constitution
4- Les élections.
Des citoyens réputés d’être au-dessus de tout soupçon seront contactés en vue d’intégrer cette structure de facilitation nationale.