Port-au-Prince, dimanche 13 mars 2022- Dans un souci de concision et pour être plus pratique, je prends cette définition de la notion « d’intellectuelle » de Wikipédia car elle me permet d’être en cohérence avec ma conception du sujet.
Un intellectuel est une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l’esprit, qui s’engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs, qui n’assume généralement pas de responsabilité directe dans les affaires pratiques1, et qui dispose d’une forme d’autorité. L’intellectuel est une figure contemporaine distincte de celle plus ancienne du philosophe qui mène sa réflexion dans un cadre conceptuel. … Selon les historiens Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, un intellectuel est « un homme du culturel, créateur ou médiateur, mis en situation d’homme du politique, producteur ou consommateur d’idéologie »2. (Wikipedia)
Cette définition me permet également de passe en revue ce que j’ai essayé d’apporter en termes d’idées, de pensées sur un ensemble de sujet que j’ai défendu publiquement sur les problèmes de la société haïtienne, soi dans les Médias (Radio, Télévisions,), productions littéraires (Livre, articles), etc.
En 2010, avec GRECIA (Groupe de Recherches d’Education Civique et d’Animation sociale), nous nous sommes engagés dans la sphère publique pour prôner l’idées de la nécessité d’intégré les valeurs éthiques dans la politique en Haïti. Car selon nos observations, l’absence de cette valeur dans les pratiques politiques, et dans l’administration publique et au niveau de plusieurs autres secteurs (Médical, droit, scolaire, les affaires, religieux, etc.) était criante, palpable. Il nous fallait attirer l’attention du public sur cette problématique pour former en quelque sorte une masse critique dans la société et créer une pression sociale contre cette tendance qui fait tant de mal au pays et dont les gens tendent à normaliser.
Ce travail, avec cette conférence publique à l’Hôtel Le Plaza en Avril 2011 sur le thème « Ethique et politique en Haïti » a eu, selon nous bien des impacts. Bien d’autres personnalités publiques ont fait échos du sujet et d’autres initiatives ont été prises, comme un forum du Barreau de Port-au-Prince sur « l’éthique et les pratiques du droit en Haïti », il y a eu la formation de la « commission éthique et anti-corruption » au Senat qui a réalisé les premiers rapports du parlement sur la dilapidation des fonds Petro caribe de René G. Préval à Jovenel Moise en passant Michel Martelly.
Cependant, la résistance au changement de la société haïtienne et de nos dirigeants en particulier a tenue bon. Et la corruption ou le manque d’éthique de manière générale s’est peut-être aggravé dans la société et plus particulièrement dans le champ politique. L’une des causes à cette débâcle, selon nous serait l’absence d’encadrement, d’accompagnement, voire de financement des secteurs culturels et moraux (religieux, éducatifs, universitaire, média, …) à ce mouvement.
En second lieu, nos observations sur l’évolution de la société haïtienne à partir de nos études et recherches en sociologie à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) et après, nous ont permis de voir que nous n’avions pas pu sortir de la crise (Structurelle, socioéconomique et politique, etc.) parce que nos dirigeants ou la société de manière générale n’avaient pas bien compris ni évalué correctement la profondeur de l’évolution ou des métamorphoses opérées dans les structures fondamentales de la société haïtienne depuis la première moitié des années 1980. Ce que nous avons pu expliquer et même démontrer dans notre ouvrage de recherches sur le thème « Crise structurelle et exode rural en Haïti, mai 2015 ».
Selon nous, nos dirigeants, les élites, tous groupes confondus ont échoué en ce qu’ils voulaient et veulent encore retrouver l’Haïti perdu et qui l’est a tout jamais. Serait-ce la raison pour laquelle, même les gouvernements les moins bêtes ou incompétents depuis 1986, comme celui de René G. Préval, semble n’avoir rien apporter, ou contribuer dans l’effort pour résoudre les problèmes du pays. L’Opinion générale dirait qu’ils ont été tous nuls, la situation socioéconomique et politique du pays n’a pas cessé de s’empirer d’un gouvernement à l’autre.
Dans notre ouvrage, nous avons tenté d’évaluer les relations difficilement perceptibles, entre l’exode rural et la crise structurelle en Haïti. Et pour y parvenir nous étions obligés de camper ou schématiser le système socioéconomique et historique d’Haïti pour mieux observer l’ampleur des déstructurations causé par l’exode rural sur celui-ci. Il faut dire, également que l’exode rural qui a accéléré à partir des années 1980 était lui-même une résultante de la crise de la production des denrées, le café en particulier et du secteur agricole de manière générale, par la suite. Car dans les zones montagneuses, dans beaucoup de régions du pays, un grand nombre d’agriculteurs ont déboisé le flanc des mornes pour dégager l’espace nécessaire à l’augmentation des produits, tels le petit mil, le maïs, le pois, le piment, etc. ils avaient perdu confiance au café, à cause de la variation des prix sur le marché local, qui ne cessaient de baisser durant les années de 1981, 1982. Cette mutation dans les cultures des mornes a accéléré le déboisement et cette grande érosion dans beaucoup de régions du pays, et causait le déplacement ou la migration massive des populations concernées vers les villes après et qui ne cesse de continuer aujourd’hui encore. Comme conséquence irréversible nous avons aujourd’hui une diminution importante des espaces cultivables et de la main d’œuvre agricole, une génération, dans sa grande majorité, ne veut que pouvoir changer de statut social, finir définitivement avec celui de paysans. Comment dans ce contexte bien particulier penser pouvoir revenir à l’Haïti d’hier ?
C’est aussi devant ce constat particulier que nous avons parlé en 2017, sur radio Vision 2000, de la fin du système socio-historique, économique et politique haïtien, que beaucoup de personnalités du monde politique, juridique, de la société civile ont repris et interprété à leur manière et entendement.
C’est en connaissance de ces grandes mutations de la société haïtienne que nous véhiculons depuis quelques temps avec le Mouvement Renaissance-Haïti (2019), dont nous avons conçus tout un programme détaillé de développement du pays comme proposition pour répondre à ces mutations, deux principales idées :
- De nouvelles villes pour enrailler le problème du développement des quartiers populaires et des bidonvilles et tout le cortège d’insécurité urbaine qu’il entraine et donner une réponse politique responsable à la demande urbaine d’une frange de plus en plus importante de la population haïtienne.
- Une agriculture moderne avec les fermes agro-industrielles, nécessitant moins de bras humains et plus de tracteurs pour répondre à la diminution des espaces cultivables, la nécessité de modernisation de l’agriculture et à la tendance de plus en plus prononcer de la population à l’abandon de ce domaine d’activité économique.
Au regard de ces grandes mutations sociales, selon nous Haïti n’a d’autres avenirs avec possibilité de réussite et de bonheur pour ces fils et filles que dans ces voies et non dans la persistance à vouloir revenir en arrière. Nous avons perdu plus de 35 ans déjà sur chemin, qui est définitivement ‘yon chimen pèdi tan’.
Ainsi, comme intellectuel, nous nous sommes évertués depuis 2011 à prôner dans l’espace public des idées, des pensées qui pourraient certainement contribuer à certains changements nécessaires et mêmes salutaires pour sortir Haïti de la crise, et apporter un certain développement au pays. Mais, une fois de plus nous avons constaté que le changement est plus que difficile en Haïti. Les secteurs possédants les moyens suffisants pour les impulser au-devant de la scène et leur donner une chance d’application au pays ont toujours fait défaut. Je veux parler des instances de recherches, les universités, fondations, des médias, des organisations patronales et culturelles, en Haïti et dans la diaspora, etc. Serait-il possible qu’il n’existe nulle part parmi les élites haïtiennes quelques personnes vraiment préoccupées par ce qui arrive au pays ? Et qui serait prêt à investir un peu de leurs moyens dans les idées qui peuvent changer la situation en Haïti ?
En dernier lieu, actuellement dans le cadre des activités du Mouvement Renaissance-Haïti, nous prônons l’unité d’une large frange de la population haïtienne derrière un plan, un programme de développement d’Haïti qui tient compte des grandes mutations susmentionnées comme solution qui pourrait répondre à la dimension de la crise actuelle. Cette unité seule pourrait fournir la force nécessaire pour faire face a la main mise de l’internationale et des milieux mafieux sur la vie politique du pays. Quel écho aura cette nouvelle idée ou pensée dans la société ? L’avenir seul le dira !
Jhonny ESTOR
Sociologue de formation
Fondateur et Coordonnateur Générale
Du mouvement Renaissance-Haïti
E-mail : estor.johnny@gmail.com