“Quand On Brûle Radio Télé Caraïbes, Peut-on Tuer la Vérité ? “

Hugues Celestin, Sociologue et ancien depute de Quartier-Morin...

QUARTIER-MORIN, (Nord), vendredi 14 mars 2025- D’un souffle ardent, tu portais la voix,

Vibrant d’échos de lutte et de foi,

Dans la brume des temps, droite, sans faille.

Caraïbes, tu menais la grande bataille!

Rue Chavannes, Port-au-Prince, 1949. Dans une Haïti encore en quête de repères, dans un pays où chaque mot portait en lui une soif de justice, naissait une voix. Une voix qui allait traverser les décennies, s’inscrire dans l’âme du peuple, devenir l’écho vivant de ses souffrances et de ses rêves. Cette voix, c’était Radio Caraïbes.

Sous les regards vigilants de la famille Moussignac, cette station ne tarda pas à s’imposer comme un phare dans la tempête, un tambour résonnant aux rythmes des luttes populaires. Elle était bien plus qu’un média; un sanctuaire où les mots trouvaient refuge lorsque la peur régnait, un rempart contre le silence imposé par les régimes autoritaires successifs.

De la rue Chavannes, elle s’éleva, grandit, et devint ce géant des ondes que tout Haïtien reconnaissait. Pendant plus de sept décennies, Radio Télé Caraïbes incarna cette flamme que l’on croyait inextinguible, cette voix qui jamais ne trembla, même face aux pires tempêtes. Ses micros ont accueilli les cris des révoltés, les espoirs des opprimés, les analyses des sages. Ses ondes ont transporté les souffrances et les rêves, les chansons de résistance et les mots d’espérance.

Elle était là dans les grands moments de l’histoire. Elle fut le témoin attentif des révoltes, des bouleversements politiques, des répressions sanglantes et des courtes parenthèses d’espoir. Fidèle à sa mission, Radio Caraïbes ne courba jamais l’échine, refusant de devenir un simple instrument du pouvoir.

Mais Radio Caraïbes, c’était aussi une maison de résonance culturelle et sociale. Sport, musique, conseils santé, politique, culture, éducation, débats, reportages, théâtre radiophonique et émissions interactives; tout trouvait son rendez-vous sur Caraïbes. C’était là que les grandes voix du journalisme haïtien se forgeaient, que les débats enflammés trouvaient un espace pour éveiller les consciences. C’était un repaire pour ceux qui croyaient en la force de la parole et du savoir, un lieu où chaque émission était une brique posée sur l’édifice fragile de la liberté d’expression en Haïti.

Puis vint cette nuit funeste, du 12 au 13 mars 2025. Les flammes ont déchiré le ciel de Port-au-Prince, et dans leurs bras destructeurs, elles ont emporté cette maison mythique. Incendiée par la barbarie, détruite par ceux qui craignent la vérité, Radio Télé Caraïbes a vu ses murs endommager, ses micros se taire, ses archives partir en fumée. Mais peut-on vraiment éteindre une voix qui a tant donné ?

Non. Car, si les cendres recouvrent aujourd’hui la rue Chavannes, si les ondes sont momentanément muettes, l’esprit de Radio Télé Caraïbes, lui, demeure intact. Il vit dans le cœur de chaque Haïtien qui, un jour, a tendu l’oreille pour entendre une vérité interdite. Il résonne dans chaque mémoire où subsistent les échos de ses émissions inoubliables. Il flambe encore dans la conscience collective, dans cette soif perpétuelle de liberté, de justice et de dignité.

Radio Télé Caraïbes n’est pas qu’une station, elle est un symbole. Un symbole d’un journalisme debout, d’une parole libre, d’une Haïti qui refuse de se plier aux atrocités des gangs-milices. Et tant que le peuple haïtien se souviendra, tant qu’il portera en lui cette flamme de résistance, alors Radio Télé Caraïbes continuera d’exister, invincible et immortelle.

Car une voix qui a tant parlé pour le peuple ne peut être réduite au silence. Elle renaîtra, sous une autre forme, dans une autre fréquence, sous un autre ciel si nécessaire. Et elle continuera à être ce qu’elle a toujours été; le souffle indomptable d’une Haïti qui, malgré toutes les tempêtes, refuse de mourir.

Vous l’avez brûlée, mais pas la mémoire,

Ni les idées, ni l’éclat de l’histoire.

Vous avez soufflé des braises et du vent,

Mais la vérité luit dans le tourment.

Croyez-vous que le feu peut tout détruire ?

Les rêves fuient-ils sous les feux du pire ?

Toujours, au cœur des ruines fumantes,

S’élèvent des voix plus fulgurantes.

Radio Caraïbes debout ! L’édifice,

Se reconstruira avec sacrifice.

Ils ont frappé ! Nous réduire au silence ?

Jamais ! Ô ! L’espoir renaîtra immense.

Hugue CÉLESTIN

Grand Pré, 13 Mars 2025