Par Yvener Adam, MPA-IO,
WEST PALM BEACH, (FL), dimanche 19 novembre 2023– La résolution 2699, votée le 2 Octobre 2023, par le conseil de sécurité des Nations Unies, a autorisé une mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dont un pays prendra la tête, en coopération et coordination étroites avec le gouvernement haïtien, pour une période initiale de douze mois. Cette résolution demande aux États membres et aux organisations régionales de fournir d’urgence du personnel, du matériel et des moyens financiers et de logistiques nécessaires à la mission.
Les Raisons Évoquées
Les Nations Unies condamnent l’augmentation des violences, des activités criminelles et des violations des droits humains et des attentes à ces droits, qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité en Haïti et dans la région, notamment les enlèvements, la violence sexuelle et fondée sur le genre, la traite des personnes et le trafic des migrants, les homicides, les exécutions extrajudiciaires et la contrebande d’armes.
Le conseil de sécurité a souligné qu’il convient d’instaurer, en Haïti et dans la région, un environnement sûr et sécurisé qui permette de faire respecter les droits humains, en particulier les droits des femmes, et de protéger les enfants, qui favorise l’État de droit, le bon fonctionnement des institutions et une justice efficace et qui facilite l’acheminement, dans le cadre humanitaire, de l’eau, du carburant, de la nourriture et des fournitures médicales indispensables à la survie.
Les Réserves Concernant la Résolution 2699
Les haïtiens vous diront qu’ils savent à l’avance les résultats que va produire la MMAS. En effet, qu’elle soit force d’une seule nation ou de plusieurs nations, aucune force d’intervention n’a aidé Haïti à résoudre ses problèmes sociaux ou du moins un de ses problèmes sociaux. Gilles Rivard, ancien ambassadeur du Canada en Haïti, estime que les haïtiens ont raison d’être amers contre une force multinationale étant donné « ça fait 25 ans que la communauté internationale fait la même chose et ça n’a donné aucun résultat. » D’autres experts pensent que : « envoyer une force internationale en Haïti pourrait soulager momentanément la population étranglée par les gangs, mais une nouvelle mission étrangère n’a que peu de chances de sortir durablement le pays du chaos sans solution politique. » (Bottollier-Depois, 2022).
Les Racines de l’Insécurité en Haïti
Les Commerçants
L’insécurité qui sévit en Haïti est totalement manipulée, donc politique. En effet, la classe possédante haïtienne, qui finance les élections et donc contrôle le pouvoir politique, gagne son argent en faisant du commerce. Et puisque l’élite économique haïtienne ne produit presque rien, les commerçants haïtiens exportent presque tout de l’étranger. Ainsi, leur statut d’exportateurs et leur désir de devenir rapidement riche les portent à vouloir monopoliser le marché, dédouaner leurs marchandises sans payer d’impôt, et d’extorquer le peuple qui a le privilège d’être le canal par lequel passe l’argent de transfert de la diaspora haïtienne. Il convient de rappeler ici que le « Haitian Times » a rapporté que la diaspora haïtienne a transféré $ 2.5 milliards en Haïti pour l’année 2019. Cet argent, toujours selon le journal, représentait 26.5% du Produit Intérieur Brut (PIB) haïtien pour cette année. (Bojardi, 2019).
Les Politiciens
Ces crimes financiers que commettent les commerçants étaient possible grâce à la main mise sur l’appareil étatique. Leur modus operandi consistait à financer des candidats avec l’argent volé. Le candidat, une fois élu, devenait un véritable vendu, au service du patron financeur de son élection. Ainsi, le commerçant dans l’ombre nomme les directeurs de la Direction Générale des Impôts (DGI) et des Douanes et les ministres de Commerce, de Justice, et des Finances. Dans ce pillage des recettes de l’État, l’Élu est confortable. D’ailleurs, il est un grand vassal du système féodal haïtien, déguisé en capitalisme. L’Élu est responsable de tout. Il décide quoi donner, quand donner, et à qui donner. Alors pour garder cette position de chef qui lui tient à cœur, l’Élu veut se faire réélire indéfiniment. Cependant, il n’a pas assez de ressources pour satisfaire l’ensemble de son électorat, il se retourne donc vers la violence pour étouffer dans l’œuf toute tentative d’opposition à sa politique. Ainsi, il devient le leader charismatique puisqu’il est le seul leader de la place. Par ailleurs, la violence organisée par l’Élu est aussi au service du patron financier qui, au besoin, peut intimer l’ordre à l’Élu de mettre sa « structure de gang » à sa disposition soit pour concurrencer déloyalement un autre commerçant ou s’assurer que ses marchandises arrivent à destination.
La Jeunesse
Une troisième partie prenante de cette violence organisée est la jeunesse haïtienne qui fournit la main d’œuvre nécessaire à cette malsaine entreprise. En effet, cette jeunesse qui représente 67% de la population haïtienne n’a pas accès à l’éducation et la formation (80% des jeunes en Haïti n’ont pas de diplôme certifié qui permet d’avoir accès à un emploi décent.) (Jerry Registe, Le Centre Muse Haïti, as cited in RFI, 2022). Cette jeunesse délaissée fournit « des soldats » au plus de 200 structures de gangs s’installant au pays. Haïti comporte plus de 600 000 armes de guerre en circulation. (Jean Marie Théodat, as cited in RFI, 2023). Les gangs kidnappent, violent collectivement, et massacrent. Ce climat de terreur, entretenu par des jeunes armés, empêche la libre circulation des personnes et des biens. Les écoles, les hôpitaux et entreprises sont forcés de rester fermés.
L’Exemple Américain de Solution de Crimes
La Criminalité et la Commission
Durand les années 1960, le taux élevé des crimes violents aux États-Unis préoccupa considérablement les autorités. Les criminels s’adonnèrent, entre autres, aux viols, agressions sexuelles, vol à mains armées, et meurtres. Ainsi, en 1965, Président Lyndon Johnson déclara la « guerre contre la criminalité. » (war on crime). Sans perte de temps, le Président nomma des Avocats, des Éducateurs, des Officiers de police, des Travailleurs sociaux, et d’autres professionnels afin de constituer une commission devant trouver une formule pour lutter contre la montée vertigineuse du taux de la criminalité dans le pays. Cette commission connue sous l’épithète de « President’s Commission on Law Enforcement and Administration of Justice » fut secondée par 63 employés et des centaines de consultants et de conseillers. Elle a collecté des données allant de la délinquance juvénile jusqu’aux crimes organisés et a analysé ces données sur une période de 18 mois. (Corley, 2017).
Le Rapport et Recommandations
Au bout de 24 mois, soit en Février 1967, la commission a publié son rapport. Le rapport fut titré ; « The Challenge of Crime in a Free Society » (Le Défi de la Criminalité dans une Société Libre). La commission a présenté les résultats de leur investigation du système de justice pénale Américain. Elle a trouvé un système de justice malade, mais elle était convaincue qu’il existe de « médecins » dans la société américaine capable de réduire le taux de la criminalité dans le pays. En plus de proposer un programme pour contrôler la criminalité, la commission a plaidé en faveur des changements radicaux dans les services de police, les tribunaux et les services correctionnels. (Katzenbach, 1967).
Recommandations de Solution de la Criminalité en Haïti :
Haïti n’a pas à réinventer la houe. Une force multinationale sera un palliatif, mais pas un remède. Comme l’a suggéré la commission du Président Johnson, « la criminalité ne peut pas être contrôlée sans l’intérêt et participation des écoles, business, organisation sociales, groupes sociaux, et les citoyens eux-mêmes. » Ainsi, je recommande la création d’une commission composée de professionnels haïtiens et étrangers dont le travail consistera à investiguer les racines de la criminalité, passer en revue les systèmes de police, de tribunaux, et de pénitenciers, et proposer un plan complet de prévention et de contrôle de la criminalité en Haïti.
Yvener Adam, MPA-IO
Références:
Amélie Bottollier-D. (25 octobre 2022). Scepticisme autour d’une force d’intervention internationale en Haïti. Récupéré le 29 Octobre 2023 de https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/767275/scepticisme-autour-d-une-force-d-intervention-internationale-en-haiti
Bojardi S. (Apr. 17, 2019). Struggling economy weakens impact of Diaspora remittances. Récupéré October 27, 2023, de https://haitiantimes.com/2019/04/17/struggling-economy-weakens-impact-of-diaspora-remittances/#:~:text=Last%20year%20alone%2C%20Haitians%20living%20abroad%20sent%20nearly,of%20Haiti%E2%80%99s%20GDP%2C%20the%20World%20Bank%20has%20reported
Cheryl C. (Oct. 6, 2017). President Johnson’s Crime Commission Report, 50 Years Later. Récupéré le 28 Octobre 2023, de https://www.npr.org/2017/10/06/542487124/president-johnson-s-crime-commission-report-50-years-later
Mikaël P. (21/12/2022). «La jeunesse haïtienne constitue une bombe démographique.» Récupéré le 28 Octobre 2023, de https://www.rfi.fr/fr/podcasts/journal-d-ha%C3%AFti-et-des-am%C3%A9riques/20221221-la-jeunesse-ha%C3%AFtienne-constitue-une-bombe-d%C3%A9mographique
Nicolas deB. Katzenbach ( February, 1967). The Challenge of Crime in a Free Society. Récupéré de https://s3.documentcloud.org/documents/3932081/Crimecommishreport.pdf
Stefanie S. (03/01/2023). Haiti à la recherche de perspectives pour 2023. Récupéré le 28 Octobre 2028, de https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230103-ha%C3%AFti-%C3%A0-la-recherche-de-perspectives-pour-2023