Par Jean Garry Denis,
DIRECTEUR Exécutif INHOPP
CAP-HAITIEN, jeudi 2 mai 2024– Dans une déclaration au niveau du Conseil de Sécurité en date du 19 avril 2024, le Chancelier Dominicain, Roberto Alvarez, exige que les financiers du Climat de Violence en Haïti soient poursuivis. . Les financiers des gangs criminels peuvent faire dérailler le processus politique délicat auquel Haïti est confronté. En effet, cette déclaration constitue une nouvelle orientation de la diplomatie dominicaine et aurait du trouver un écho favorable dans l’opinion publique en Haïti.
L’histoire est toujours le résultat de processus antérieurs. L’actuel chaos que vit Haïti est le cumul de tout un processus historique de destruction qui s’est aggravé depuis 2010 avec le pouvoir de Michel Martelly. Les faits saillants suivants constituent les paramètres de la politique haïtienne :
- L’élite économique pratique une économie de comptoir et est incapable d’orienter l’économie vers le développement. C’est la loi de la jungle dans le monde des affaires. La violence constitue le principal vecteur de compétition entre les acteurs économiques. Cette élite se caractérise par ses pratiques de monopole et la capture des pouvoirs publics pour accaparer toute la richesse nationale et façonner cette société d’exclusion et d‘apartheid silencieux.
- Une classe politique majoritairement corrompue qui s’allie à l’oligarchie économique. Dans cette arène politique, le leadership politique est proportionnel à la capacité de violence des acteurs. Les élections considérées comme une fête démocratique dans tout pays constituent de vastes opérations financières pour l’achat de votes, la négociation des résultats et le financement de la terreur des gangs. Le lendemain d’un processus électoral s’accompagne toujours de la création et de la consolidation de nouveaux foyers de bandits dans les zones d’influence de ces chevaliers de l’apocalypse.
- Durant ces 20 dernières années, la communauté internationale n’a fait que supporter des élections frauduleuses pour imposer les plus corrompus et les moins capables au pouvoir. Malgré les dérives, elle avait choisi de maintenir Ariel au pouvoir. Dans l’économique, le Fonds Monétaire International vient toujours au chevet des gouvernants pour accorder sa bénédiction malgré un contexte de corruption généralisée et une économie en déclin. C’est la diplomatie du chaos et Haïti doit être maintenue dans l’Humanitaire.
Les mesures que prendra le Gouvernement dominicain démontreront la profondeur et la sincérité de Monsieur Alvarez. Après les Etats-Unis, la RD constitue la deuxième destination des capitaux volés ou mal acquis provenant d’Haïti. Ceux qui nous ont foutu dans cette merde par leur cupidité et leurs complicités avec les gangs sont bien ancrés dans les plus hautes sphères sociales et politiques en RD. En plus les sanctions adoptées par les dominicains contre les créateurs du chaos en Haïti ont épargné les vrais coupables.
Pour une diplomatie autonome sur Haïti :
Nous avions toujours encouragé les dirigeants dominicains à s’écarter de la ligne destructrice du reste de la communauté internationale en vue d’une position plus autonome et plus stratégique dans la crise, non pas par amour pour Haïti, mais par rapport a leurs intérêts supérieurs de nation. De par sa proximité, la RD est le premier affecté par les soubresauts de la politique haïtienne.
Pendant que les Etats-Unis refoulent des immigrants illégaux haïtiens, ils exigent à la RD d’accueillir des migrants haïtiens sur son sol. Deux poids, deux mesures ! Ce comportement témoigne de l’arrogance des Etats-Unis, mais leur position de ne pas assumer les conséquences de leurs échecs en Haïti.
La solution ne se réside pas dans l’attitude isolationniste de la diplomatie dominicaine sur Haïti, ni non plus dans les positions des ultranationalistes sur fond de racisme tropical. La propagande ultranationaliste se basant sur l’hypothèse de fusion de l’Ile n’a aucun sens, les haïtiens sont de loin plus opposés a une logique de fusion que les dominicains. Mais les deux pays doivent s’entraider mutuellement en vue d’une prospérité partagée sur l’ile entière.
De ce fait, les secteurs progressistes en RD doivent encourager leurs dirigeants à s’écarter de cette ligne de chaos de l’ONU et des Etats-Unis, envers Haïti. C’est un chaos destructeur pour Haïti, mais qui affectera négativement la RD. Aujourd’hui les bases de ce chaos sont en train de se renouveler après l’installation du Conseil Présidentiel.
L’opportunité de la déclaration de Alvarez :
Malgré la profondeur de cette crise et les sanctions internationales contre les chevaliers de l’apocalypse, les mêmes reflexes de corruption persistent. Ils sont devenus plus agressifs après l’installation du Conseil Présidentiel. Avec leurs représentants au Conseil, Ils ont dégagé une majorité pour imposer le représentant du collectif de l’accord du 30 janvier dans lequel se trouve le parti de Michel Martelly comme Président du Conseil. Ils ont voulu imposer en totale violation du consensus un Premier Ministre pour écarter les autres membres du Conseil.
Ces derniers jours des dénonciations se faisaient à longueur de journée dans la presse et dans les réseaux sociaux sur l’entrave des forces de corruption pour soudoyer certains membres du Conseil Présidentiel en vue du contrôle de la transition. La Société souhaite vivement qu’une enquête soit diligentée en temps et lieu pour que la justice puisse faire toute la lumière sur cette affaire.
De toute façon, le Consensus de la CARICOM était architecturé pour permettre a un collectif de corrompus, sanctionnés par des gouvernements étrangers, et impliques dans l’assassinat de Jovenel Moise de prendre le Contrôle du Conseil. A un certain moment la CARICOM avait même voulu éjecter des secteurs progressistes dont l’accord de Montana de ce consensus. Quoique minoritaire, les secteurs progressistes considèrent ce Conseil comme un espace institutionnel pour exiger la réalisation des procès contre les crimes financiers, dénoncer la mainmise de l’oligarchie sur l’économie, contribuer a la mise en œuvre d’un processus électoral crédible, etc., au-delà de la stratégie de contestations permanentes.
Le véritable enjeu pour ce collectif sulfureux concerne l’impunité de ceux qui sont les bras intellectuels et financiers de la violence des gangs, qui ont dévalisé le fonds Petrocaribe, les Institutions Publiques, le Ministère des Affaires Etrangères et celui de l’Intérieur.
De ce fait, la position exprimée par Monsieur Roberto Alvarez au nom de l’Etat Dominicain est très opportune dans cette conjoncture précise. La justice dominicaine a toutes les cartes en main pour matérialiser cette déclaration. Les financiers tout comme les exécutants de ce génocide silencieux doivent être mis hors d’état de nuire pour une résolution durable de cette crise.
Pour qu’enfin Haïti renaisse, les fils indignes de la patrie qui nous ont conduits à ce génocide doivent passer à la caisse de l’histoire !