Par Me. Sonet Saint-Louis,
Le rôle du Secrétariat général de la présidence en l’absence du Président de la République
Sur requête de sénateurs, la Cour des comptes et du contentieux administratif a affirmé que le Secrétariat de la présidence a embauché plus de 400 personnes. Le Conseilleur juridique au Secrétariat général de la Présidence, Me Sonet Saint-Louis, tient à y apporter un démenti tout en définissant le rôle de cet organe d’État._
Le secrétariat général de la présidence n’a pas signé 429 nouveaux contrats, contrairement à ce qu’a affirmé la Cour des comptes et du contentieux administratif sur requête du tiers du Sénat de fait. Une information fallacieuse qui a tourné en boucle sur les réseaux sociaux. Cet organe d’État n’a fait que renouveler les contrats de service qui étaient en cours d’exécution. Une formalité que cette structure accomplit chaque année, à la fin de chaque exercice fiscal.
Comme on le sait, c’est au début du mois de décembre 2021 que Me Josué Pierre-Louis a pris fonction en qualité de secrétaire général de la présidence. Pour répondre aux exigences actuelles, et pour faire fonctionner les services du Palais national dans le cadre la continuité de l’État et des services publics, une trentaine de contrats ont été ajoutés à la liste existante. Le but est de suppléer aux absences temporaires dues aux problèmes de sécurité publique auxquels sont exposés certains contractuels affectés à plusieurs services au Palais national.
La majorité de ces personnes font partie du personnel de soutien. Certains d’entre elles travaillent au Palais depuis plus de quinze ans avec un salaire de vingt mille gourdes. Leur situation est le lot de tous les contractuels de l’administration publique haïtienne. Qui pis est, ils ne sont pris en charge par aucun système de retraite. Une telle situation constitue une violation grave des droits des humains. C’est cette injustice criante que le Dr Josué Pierre-Louis a, au cours de sa première réunion statutaire, soulevée avant de prendre l’engagement de s’y attaquer tout en promettant de professionnaliser les différents services du palais et de mettre l’édifice en état de recevoir le nouveau président élu.
La diffusion de ces informations erronées poursuit sans nul doute un objectif de machination politique ou d’intoxication de la conscience collective à un moment où les ressources de l’État ont considérablement diminué et que celui-ci est confronté à des problèmes évidents pour faire face à ses missions de service public.
Dans un souci pédagogique, nous profitons de cette attaque pour apporter deux précisions de taille sur le fonctionnement du Secrétariat général de la présidence considéré comme le prolongement de la bureaucratie de l’État au Palais national et répondre à quelques interrogations qui font débat dans la société haïtienne.
Le Secrétaire général ne disparaît pas avec le président*
‘Dans un palais sans président, y a-t-il besoin d’un secrétaire général, s’interrogent nos concitoyens? La même question se poserait pour une primature sans Premier ministre ou encore une Chambre des députés sans députés. Pour cette dernière, c’est le Secrétaire général de la Chambre des députés qui, en l’absence des membres de ce corps, s’occupe de l’administration de celle-ci. Pareil en ce qui concerne la primature. Pourquoi les services dont dispose la présidence doivent cesser parce qu’il n’y a pas un président au palais? Pourquoi cette critique ne s’adresse qu’au secrétariat du Palais national et non à la Chambre des députés ?
Avec l’absence d’un président de la République, les activités de ce secrétariat sont certes un peu réduites mais cela n’affecte en aucun cas le personnel qui y est engagé.
Le Secrétariat général de la présidence est prévu et organisé selon le décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’Administration centrale de l’État. Ce texte a été amendé et remplacé par le décret du 1er février 2016.
En tant que prolongement de la bureaucratie étatique, le secrétariat général de la Présidence est l’organe chargé de l’action administrative de la présidence et de la coordination des différents services qui en dépendent. Six services au Palais national fonctionnent sous sa dépendance dont la direction de sécurité qui compte au moins un millier de policiers, la direction des affaires administratives, le département communication, le service de protocole. C’est au Palais national que se tient le Conseil des ministres sous l’autorité du Premier ministre Ariel Henry depuis la brutale exécution du chef de l’Exécutif haïtien alors que les élections pour élire son successeur tardent encore à venir.
Selon ce texte de 2016, l’ordonnateur au Palais national est le secrétaire général et non le Président de la République de qui il a reçu légalement son autorité. En l’absence du Chef de l’État, il relève directement du Premier Ministre de fait, le Dr Ariel Henry, qui remplit avec le Conseil des ministres toute la fonction exécutive. L’absence des habituels contre-pouvoirs est une situation exceptionnelle qui doit contraindre les autorités actuelles à diriger le pays de manière satisfaisante, en attendant que les Haïtiens trouvent le consensus nécessaire pour doter le pays d’autorités légitimes issues du suffrage universel.
Le secrétariat général de la présidence est responsable de la transmission des documents officiels, légaux, y compris ceux concernant les entreprises, les fondations et les ONG au journal officiel, « Le Moniteur » pour être publiés conformément à la loi. Donc, le palais ne loge pas seulement le bureau de la présidence mais aussi l’administration de l’État, incluant les services préposés aux citoyens, notamment aux avocats qui s’y rendent régulièrement pour faire publier au journal officiel leurs documents.
Les employés publics relèvent d’un statut de droit public, donc non soumis au droit commun du travail. Le contrat administratif de droit public est différent de celui du droit privé. Dans l’administration de l’État, il n’ y a pas de contrat à durée déterminée ou indéterminée, comme c’est le cas dans le privé. Les agents publics qui travaillent au Secrétariat général de la Présidence ne sont pas nommés pour une institution bien déterminée. Ils sont recrutés pour fournir leurs services à l’administration de l’État selon leurs aptitudes. Par exemple, un comptable public affecté au palais peut être transféré au ministère de l’éducation ou à n’importe autre institution de l’État. Ce changement d’affectation d’un cadre ou un agent public peut être opéré pour les besoins de l’administration.
Dans le cas des contractuels, ils sont liés à l’État, non au gouvernement par un droit relevant du droit privé. L’obligation de réserve et la neutralité politique ne s’appliquent pas à leur sens civique et patriotique. Le contractuel a le droit d’avoir une opinion sur les affaires politiques de son pays ou de faire partie d’une organisation sociale ou politique.
La CSCCA est partie prenante
En raison du contrôle financier que la Cour des comptes et du contentieux administratif exerce sur le budget de l’État (art 223 de la Constitution), la loi lui fait obligation de donner son avis sur tout contrat à incidence financière auquel l’État est partie. À cet effet, tout contrat de service doit être vérifié par la Cour avant avant d’être exécuté ou mis application. Cela doit se faire chaque année. Il n’y a pas de renouvellement tacite.
Soulignons toutefois que les 429 contrats signés par le Secrétariat général de la présidence ont été tous validés par la Cour. Ce qui signifie qu’il n’y a pas eu dépassement de crédits : les demandes produites par le Secrétariat de la présidence sont conformes à son budget. Aucune irrégularité n’y a été relevée. Les contrats envoyés à la Cour avant d’être approuvés par celle-ci sont des propositions. Donc les contrats signés par le Secrétariat général de la présidence sont en application parce qu’ils ont été sanctionnés ou autorisés par l’institution de contrôle.
Comment faire comprendre aux citoyens que même s’il n’y a pas président comme c’est le cas présent, le Palais national doit rester fonctionnel ? Comment peut-on aspirer à diriger l’État si on ne connaît pas son fonctionnement ni en théorie ni dans la pratique?
Dans certains pays développés, on organise des séminaires pour les membres du gouvernement et les parlementaires vu qu’on n’est pas toujours sûr que ceux qui nous gouvernent ont toute la compétence pour faire fonctionner l’administration. C’est précisément dans le but d’éviter des défaillances nuisibles que ce genres d’activités éducatives sont importantes. En attendant qu’une telle initiative soit engagée chez nous, je conseille aux autorités d’organiser des journées portes ouvertes pour que les citoyens, notamment les responsables politiques, puissent comprendre le fonctionnement de nos institutions, notamment celui du Palais national. Et pourquoi ne pas ouvrir les portes de cette demeure à nos étudiants à la recherche de stages?
Dans une société démocratique, les citoyens ont le droit d’exiger une gestion transparente des affaires de l’État. La Banque mondiale a écrit que sans contrôle et sans transparence, il n’y a pas d’éthique gouvernementale. La Cour des comptes et du contentieux administratif est une institution républicaine, et c’est dans l’intérêt de la bonne gouvernance de l’État qu’elle doit accomplir son travail de contrôle.
En même temps, les citoyens doivent être informés de chaque décision politique mise en œuvre par les gouvernants. C’est la manière la plus honnête de relier le pouvoir au peuple. Un pouvoir, qu’il soit de fait ou légitime, a les mêmes responsabilités devant les citoyens. Communiquer avec les citoyens est une exigence moderne. Avec les nouvelles technologies de l’information, le pouvoir change et son exercice devient plus compliqué. La communication peut être vite pervertie. On le voit avec les réseaux sociaux et Twitter : en quelques minutes, on peut perdre une notoriété construite pendant des années.
En écrivant ce texte, je voulais faire un travail intellectuel et citoyen de nature pédagogique mais surtout pour répondre à un twitt concernant la réalité des contrats dans l’administration publique. La dictature de l’urgence imposée par les réseaux sociaux est un facteur aggravant souvent commandée. Entre le lynchage et l’impunité, la facture est lourde.