L’Importance d’un Ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger pour le développement d’Haïti…

Centre Culturel Haitien ''Little Haiti''

Editorial:

MIAMI, mardi 11 juin 2024 – Depuis plusieurs décennies, Haïti fait face à des défis socio-économiques majeurs qui poussent une partie significative de sa population à chercher des opportunités à l’étranger. Les Haïtiens vivant à l’étranger (HVE) jouent un rôle crucial dans le soutien économique de leur pays d’origine. Chaque année, ces expatriés envoient plus de quatre milliards de dollars en Haïti, un montant qui dépasse largement l’aide internationale reçue par le pays. Ce phénomène soulève une question essentielle : comment Haïti peut-il mieux canaliser et optimiser les contributions de sa diaspora pour stimuler son développement ?

Le Ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger : Un pont entre la diaspora et le développement national

Créé en 1994, le Ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger (MHAVE) visait à formaliser les relations entre Haïti et ses communautés expatriées. Cependant, malgré son potentiel, ce ministère n’a pas pleinement réalisé les attentes placées en lui. Sa suppression serait une erreur stratégique majeure.

Un ministère dédié aux Haïtiens de l’étranger, qui représentent une population de plus de 4.5 millions d’habitants selon la Banque mondiale, joue un rôle crucial dans la mobilisation des ressources et des compétences de la diaspora pour le développement d’Haïti. Voici comment ce ministère peut renforcer son impact :

Canaliser les ressources financières

Les transferts de fonds de la diaspora représentent une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles haïtiennes. Le ministère peut mettre en place des mécanismes pour transformer ces transferts en investissements productifs, tels que des programmes de développement local, des fonds de soutien à l’entrepreneuriat ou des projets d’infrastructure. Par exemple, la création de coopératives agricoles financées par la diaspora pourrait revitaliser l’économie rurale et améliorer la sécurité alimentaire.

Mobiliser les ressources humaines

Avec plus de 87% des cadres formés vivant à l’étranger, il est impératif de créer des incitations pour les inciter à retourner au pays ou à contribuer à distance. Des initiatives telles que des conférences, des programmes de mentorat ou des collaborations entre universités haïtiennes et étrangères pourraient être envisagées. Un programme de retour temporaire permettrait aux professionnels de la santé formés à l’étranger de travailler dans les hôpitaux locaux pour des périodes déterminées, améliorant ainsi la qualité des soins tout en partageant leurs connaissances avec leurs collègues haïtiens.

Promouvoir l’engagement civique et politique

La diaspora haïtienne pourrait jouer un rôle plus actif dans la gouvernance et la prise de décision nationale. Un ministère pourrait faciliter la participation politique des HVE, par exemple en leur permettant de voter aux élections nationales ou en créant des conseils consultatifs de la diaspora. Ces conseils pourraient offrir des perspectives précieuses sur les politiques publiques et les initiatives de développement, tout en renforçant le sentiment d’appartenance et de responsabilité envers le pays d’origine.

Contributions de la Diaspora dans l’Éducation

La diaspora haïtienne joue un rôle crucial dans le soutien et le développement de l’éducation en Haïti. De nombreuses organisations communautaires et philanthropiques de la diaspora ont investi dans la construction d’écoles en Haïti. En plus de la construction d’écoles, la diaspora envoie régulièrement des fournitures scolaires essentielles telles que des livres, des cahiers, des stylos, des uniformes et du matériel pédagogique. Les bourses d’études constituent une autre forme d’aide substantielle, offrant aux élèves méritants la possibilité de poursuivre leurs études dans de meilleures conditions.

Depuis le 15 juin 2011, le gouvernement haïtien a institué des prélèvements sur les transferts d’argent et les appels internationaux pour financer le Fonds National de l’Éducation (FNE). Ce mécanisme vise à canaliser les contributions de la diaspora vers un effort national structuré pour améliorer le système éducatif. Chaque transfert d’argent envoyé vers Haïti est soumis à une taxe de 1,50 USD, générant des fonds substantiels pour le FNE. Les fonds recueillis sont destinés à plusieurs initiatives éducatives, notamment la construction et la rénovation d’écoles, la formation des enseignants, l’achat de matériel pédagogique, et la mise en œuvre de programmes de scolarisation gratuite pour les enfants défavorisés.

 

Investissements et création d’emplois durables

L’un des principaux rôles d’un ministère des HVE serait de promouvoir et de faciliter les investissements de la diaspora dans des projets créateurs d’emplois durables. Actuellement, de nombreux Haïtiens de l’étranger investissent dans des petites entreprises locales. Toutefois, ces investissements pourraient être considérablement augmentés et mieux orientés avec un soutien institutionnel adéquat.

Le ministère pourrait établir des zones économiques spéciales offrant des incitations fiscales et un soutien logistique pour les investissements de la diaspora. Par exemple, la création de parcs industriels financés par des fonds de la diaspora pourrait attirer des entreprises manufacturières, créant ainsi des milliers d’emplois. De plus, le ministère pourrait offrir des services de conseil pour aider les entrepreneurs expatriés à naviguer dans le climat des affaires en Haïti.

Exemples internationaux

Plusieurs pays ont mis en place des ministères similaires avec des résultats concrets :

Mexique : Le programme “3×1 para Migrantes” multiplie les fonds envoyés par les migrants par trois, grâce à des contributions de l’État et des gouvernements locaux, pour financer des projets de développement communautaire.

Inde : Le ministère des Indiens d’Outre-Mer facilite les investissements de la diaspora en Inde, notamment dans les secteurs technologique et éducatif.

Philippines : La Commission des Philippins d’Outre-Mer a mis en place des programmes d’épargne et d’investissement qui encouragent les Philippins à l’étranger à investir dans des projets locaux.

La diaspora haïtienne constitue un réservoir inestimable de savoir, de compétences et de ressources financières. Un ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger bien structuré et dynamique pourrait servir de catalyseur pour canaliser ces ressources vers des projets de développement durable. Une politique éclairée et inclusive envers la diaspora est essentielle pour l’avenir d’Haïti. En mobilisant les ressources financières et humaines de ses expatriés, Haïti pourrait se doter des moyens nécessaires pour surmonter ses défis et bâtir un avenir prospère et durable.

Réformes Nécessaires

Bien que les ressources financières haïtiennes soient très limitées, rien ne justifie la suppression du MHAVE. Des réformes au niveau de l’administration publique sont indispensables, mais elles doivent viser à rendre les institutions étatiques plus efficaces et productives. Si l’on devait supprimer le MHAVE pour cause d’improductivité, il faudrait en faire de même pour le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) qui chapeaute la diplomatie haïtienne pour les mêmes raisons. En fin de compte, une politique éclairée et inclusive envers la diaspora ne serait pas seulement bénéfique, mais essentielle pour l’avenir d’Haïti.