« A la place de l’institution CSPJ, nous distribuerons de l’argent aux magistrats pendant un peu de temps, le piège sera irrésistible. Alors, nous pourrions faire ce que … » Si quelqu’un accepte de diriger sans Pouvoir Judiciaire, sans Cassation, sans Arbitre, ses dérives auront-t-elles une limite ?
Par Thony Desauguste, av.,
Cap-Haitien, ce 22 septembre 2021- Le PM ne veut pas de l’installation du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). (Attention ! Pourtant il berne tout le monde en chuchotant : « Le CSPJ sera installé. Aidez-moi à voir comment). Mais, en vérité, le PM Ariel Henry ne concourra pas à installer le CSPJ pour les raisons suivantes :
Le PM veut installer/garder un pouvoir absolu sur tout le pays. Le fonctionnement des institutions réduira son pouvoir. Donc, bloquer le CSPJ, bloquer la justice se révèle un mode de gouvernance, un moyen efficace pour entretenir un pouvoir absolu et unique sur le système judiciaire. En vérité, chez presque tous les dirigeants haïtiens, il existe cette manie alimentée par une obsession du pouvoir : « Le chaos social et l’instabilité institutionnelle détruiront tout le monde, sauf moi qui suis à la commande ». Dans leur imaginaire débridé et inculte, le Pouvoir étant un bien privé, inné et éternel, le dirigeant haïtien s’en fout. Ce PM qui refuse d’installer les institutions républicaines sera le premier, lorsqu’il sera chassé malhonnêtement du pouvoir, à crier : « je veux justice ».
Le PM remplacera les neuf (9) membres du CSPJ (organe indépendant et autorégulé) par le pouvoir concentré et absolu d’un seul Secrétaire Technique (ST) au sein du CSPJ. Quand l’illogique devient la règle, un secrétaire est revêtu de tous les pouvoirs financiers lorsque son bureau est dysfonctionnel, ses supérieurs non encore installés. Ce Secrétaire Technique n’aura de compte à rendre qu’au Premier Ministre. L’intérêt du PM c’est le secrétaire auquel il passera des ordres directement et non les membres élus. Au lieu de concourir à l’installation des membres du CSPJ, le PM va inventer un artifice illégal : faire du Secrétaire Technique du CSPJ un ordonnateur afin de pouvoir signer toutes les dépenses au nom du Premier Ministre et en absence des neuf (9) membres déjà élus selon le vœu de la loi, mais non installés par la volonté contraire du PM. Celui-ci refuse de publier l’arrêté nommant les neuf (9) membres du CSPJ. En distribuant de l’argent et des cartes de débit aux magistrats, le PM croit pouvoir fermer la bouche de ces derniers qui veulent entrer en revendication si le CSPJ n’est pas installé avant le 4 octobre 2021. Quant aux nominations/mandats des magistrats qui doivent être renouvelés, « sa pa gade l ». Le PM compte créer une Commission à la place du CSPJ à condition que les magistrats lui prêtent allégeance et supportent son accord politique.
Ce faisant, le Premier Ministre attire les magistrats dans un piège à l’aide de son appât de pouvoir financier octroyé au Secrétaire Technique. Car, si les magistrats entrent dans la logique de fonctionnement sans institution, peu de temps après, ce sera ce même Premier Ministre, par un arrêté criminel, qui mettra la totalité des magistrats à la retraite ou les révoquera pour avoir accepté le jeu malin du PM qui se dresse sournoisement contre toute institution. Et le peu de dignité qui restait aux magistrats ne sera plus. D’ailleurs, l’insécurité de la fonction de magistrat a atteint son sommet au milieu de la tyrannie qui se dessine. La carrière d’un magistrat devient trop précaire lorsqu’un chef peut décider souverainement de couper les vivres à un magistrat sans raison et sans recours. Car les arbitres ne sont plus. A rappeler : le dernier recours exercé par des magistrats humiliés et révoqués est bloqué en Cassation. Car celle-ci est dysfonctionnelle.
On espère que le Secrétaire aura le Premier Ministre à ses côtés quand il devra répondre de ses forfaits quelques années plus tard pour avoir dépensé l’argent de l’Etat simplement sous les ordres d’un Premier Ministre et en dehors de toutes les formalités légales et administratives existantes. La Cour Supérieure des Comptes va-t-elle assumer cette source de corruption à l’instar du CEP ? Ce PM a plus de pouvoir qu’un Président de la République. Le Premier Ministre et ses conseillers qui font de toutes les institutions leurs premiers ennemis, veulent consacrer l’inexistence du CSPJ, la disparition de la Cour de Cassation afin d’imposer leur CEP sans prestation de serment. Les institutions constituent des contraintes énormes pour ceux qui n’ont jamais eu le sens de l’intérêt général. Pas de CSPJ, pas de Cassation, le CEP est libre pour donner le Président longtemps prédestiné. D’où l’intérêt majeur des dirigeants pour éliminer les institutions ou les garder enterrées. Si la volonté d’un homme est la mesure de toute chose, l’impossible devient possible.
Le PM se croit plus intelligent que tout le monde. Il veut embourber toute l’intelligentsia haïtienne. Il fait venir tous les secteurs à la Primature, demande aux visiteurs de signer une feuille de présence pour prouver au « Blanc » qu’il accomplit sa mission de dialogue et d’un accord inclusif. Puis, il dira : « La majorité des secteurs (sa majorité) était d’accord avec ma décision. Seule une minorité « zwit » n’est pas d’accord ». Le PM veut projeter l’image d’un bon père de la nation qui veut voir fonctionner les institutions. Mais au bout du compte, tout ce qu’il veut faire c’est maintenir le statu quo et inventer des alibis pour claironner qu’il ne peut pas appliquer X loi, il faut consulter Y et avoir l’accord de Z.
Mais quand les intérêts de ses bailleurs sont en jeu, il invente et viole la loi illico au lieu de faire respecter le minimum dont nous disposons au bord du gouffre. Pour plaire aux forces cachées et souterraines qui gouvernent la nation, le PM fera ce que l’entendement humain ne peut pas imaginer. Seul le respect de l’intérêt général et institutionnel lui est impossible. L’Histoire n’est-elle pas le juge impitoyable qui tranche toujours équitablement ? Hélas, les fanatiques et les conseillers trompeurs ne seront pas là au jour du jugement.