Le Premier Ministre Ariel Henry doit laisser le pouvoir…

Jean-Garry Denis, directeur executif de l'INHOPP...

Par Jean Garry Denis

Directeur Exécutif INHOPP

 

CAP-HAÏTIEN, le samedi 10 février 2024 – Le 7 février 2024 coïncide non seulement avec la commémoration des 30 années de dictature des Duvalier Père et Fils, mais aussi avec la date fixée par l’accord du 21 décembre 2022 pour que le Premier Ministre désigné par les Ambassadeurs du Core Group, le Docteur Ariel Henri, puisse laisser le pouvoir en réalisant la transmission à un Président élu.

Ayant pris le pouvoir le 21 juillet 2021, soit moins d’un mois après l’assassinat du Président Jovenel, le 1er Ministre Henri avait déjà précédemment réalisé un accord le 13 septembre 2021 avec les mêmes acteurs de l’accord de décembre 2022. Ces accords devraient assurer une bonne gouvernance de la période de transition et conduire le pays à la stabilité et à la réalisation d’élections acceptables.

Malheureusement, le PM Ariel n’a respecté aucun de ces accords qui se terminent toujours par un cycle interminable de violations et de dénonciations sous le regard passif et complice des Ambassadeurs du Core Group, spécialement des Nations Unies et de l’Ambassade Américaine. À chaque fois, ces ambassadeurs se comportent comme de véritables agents marketing pour démarcher ces accords auprès de différents Acteurs politiques et de la Société Civile.

L’ère des diplomates Militants Ces diplomates poussent toutes les limites de l’indécence, de l’ingérence et du droit de réserve pour se comporter comme de véritables activistes politiques. Leurs actions dans cette conjoncture précise consistent à assurer la défense de ce pouvoir destructeur et criminel en dépit d’une part de signes inquiétants de guerre civile et de renforcement du chaos et, d’autre part, de l’absence totale de résultats de ce gouvernement.

Ils ne se gênent pas pour se rendre de médias en médias dans leurs croisades contre la démocratie et la stabilité pour soutenir un pouvoir accusé par des organisations de défense des droits humains de corruption, de massacres dans les quartiers populaires et de forts liens avec les gangs. L’ingérence de ces diplomates va tellement loin que le Mega Star haïtien, Wyclef Jean, s’est vu dans l’obligation de produire une chanson très virale sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’ingérence intolérable du Chargé d’Affaires Américain, M. Eric Stromayer, avec sa formule inquisitoire prise dans la culture locale : Kreyòl pale, Kreyòl Konprann (https://www.youtube.com/watch?v=grvMNdN1K80&t=100s).

Ces diplomates ont toujours manifesté une aversion contre d’honnêtes citoyens et des secteurs progressistes à la direction de l’État. Ils ont fait le choix de boycotter les propositions de solutions crédibles de différents secteurs crédibles de la société, spécialement ils ont combattu l’accord de Montana avec l’aide de puissantes personnalités du secteur des affaires. L’objectif consiste à maintenir ce pouvoir irresponsable, légitimer des dirigeants antinationaux à travers de fausses élections comme en 2011 et finalement renouveler un nouveau cycle de chaos.

Pour ces diplomates, la démocratie se résume uniquement à l’organisation d’élections, c’est une simple formalité procédurale, la qualité importe peu.

L’intervention militaire armée dans les conditions que nous avions connues depuis 30 ans constitue la toile de fond de ce stratagème de destruction. Avec ce pouvoir corrompu et cette police contrôlée par des secteurs mafieux qui constitueront les principaux partenaires des forces d’occupation, il est légitime de penser que l’intervention armée des forces kenyanes produirait une situation pire que celle que le pays a déjà connue. C’est un maillon fondamental dans le processus de stabilisation de chaos.

Le mouvement de résistance populaire La résistance a toujours été au rendez-vous durant toute l’histoire de vie du peuple haïtien. Dans le cadre de cette conjoncture, la plus triste de son histoire, le peuple haïtien fait montre d’une résistance sans pareille pour déjouer le plan de chaos de la communauté internationale et des élites locales dans leur support au pouvoir autocratique du PM Ariel Henri. Depuis plus de deux semaines, des centaines de milliers d’Haïtiens occupent les rues de différentes manières pour exprimer leur désapprobation contre ce projet international visant la pérennisation d’Ariel Henry au-delà de la date fatidique du 7 février 2024.

Malheureusement, le populisme dans la conjoncture actuelle constitue un passif extrêmement lourd et dangereux dans le mouvement de résistance actuel. Face à cette misère noire et cette mer de violence dans lesquelles la population est soumise, le populisme constitue une réponse suffisamment attractive pour semer la confusion, le doute et le discrédit sur l’alternative qui conviendrait le mieux à la grave crise structurelle que connaît le pays depuis plus d’un demi-siècle. Les formules révolutionnaires à l’emporte-pièce, les promesses de changements séduisantes, faciles et rapides… tout est galvaudé à l’autel du populisme.

De fait, l’alternative ne peut émaner des corrompus, des populistes, de la grande famille Tetkale du régime de Martelly, ni non plus de l’oligarchie corrompue qui a accouché de cette violence systémique. Ce mouvement de résistance doit poser les véritables enjeux sociaux, politiques et économiques. Haïti doit rompre aussi avec le schéma du capitalisme humanitaire dans lequel on veut nous réduire, on doit embrasser le modernisme du progrès à travers la production de richesses, la création d’opportunités pour tous et la formation d’une économie de prospérité partagée.

Aujourd’hui, le 7 février 2024, 38 ans après la fin de la dictature des Duvalier, la présence du Docteur Ariel Henry à la tête du pays avec la complicité de l’international est la pire situation que connaît le pays dans son histoire. Le défi qui nous est imposé consiste à aller au-delà de la personnalité individuelle du 1er Ministre Ariel Henry comme nous avions l’habitude de le faire. Mais de toute façon, pour que cesse la violence dans les quartiers, pour que des officiels cessent de financer les gangs, pour que le sourire revienne sur les joues de nos enfants, pour que nos filles ne soient plus l’objet de viols quotidiens dans les zones à risques, pour que la paix revienne dans les familles, pour que les déplacés puissent retrouver leurs toits, pour que cesse l’ingérence outrancière des diplomates étrangers en Haïti… pour qu’enfin vive la nation haïtienne, Ariel Henri doit partir.