Miami, 23 décembre 2020– Il est clair que les violons ne s’accordent plus entre le gouvernement américain et Jovenel Moïse. Récemment, le Département du Trésor des États-Unis n’a fait aucun usage de jargon diplomatique pour s’en prendre à des lieutenants du pouvoir de Jovenel Moïse pour leur implication dans le massacre de La Saline. Il s’agit de Jimmy Chérizier alias Barbecue l’actuel commandant du G9, l’ancien directeur général du ministère de l’intérieur Fednel Monchéry et Pierre Richard Duplan l’ancien délégué départemental de l’Ouest.
Un début d’une longue traversée pour certains membres du pouvoir PHTK s’annonce…
En Haïti, le Core Group n’a pas tardé à attirer l’attention sur les deux récents décrets de Jovenel Moïse. Il les a jugés non conformes aux principes fondamentaux de la démocratie et de l’état de droit. Une telle démarche qui aurait pu être considérée comme un début de divorce puisque Jovenel Moïse n’en est pas à son premier coup d’essai dans ses dérives dictatoriales.
Bref, si Jovenel Moïse s’en fout, les diplomates ne sont pas dupes.
La victoire du candidat démocrate aux élections présidentielles américaines du mois de novembre dernier incarne une différente approche dans le cadre d’un nouvel élan politique. La position du Président élu Joe Biden à l’égard d’Haïti est claire. Tout au long de sa campagne présidentielle jusqu’à son élection, il a toujours préconisé le principe du respect des droits humains. Ce qui constitue un déficit total pour l’administration de Jovenel Moïse car les rapports des organismes des droits humains ne sont pas favorables au gouvernement haïtien en ce qui a trait au respect des droits de la personne humaine… Les massacres de La Saline, du Bel-Air, l’assassinat de Me Monferrier Dorval, pour ne citer que ceux-là, ne rendent absolument aucun service au président Jovenel Moïse…
Il est clair que Jovenel Moïse a de quoi s’inquiéter.
Si Donald Trump avait une grande admiration pour le dictateur Nord-Coréen, ce dernier ne l’aurait pas avec Joe Biden à partir du 20 janvier prochain. Ne connaîtront-ils pas le même sort ceux qui ont choisi de balayer les droits de leurs citoyens pour se maintenir au pouvoir ?
De toute façon, le 20 janvier prochain marquera un nouveau tournant décisif dans le cadre des relations internationales entre les États-Unis et le reste du monde. Par conséquent, Haïti peut s’attendre à une relance de la mobilisation politique pour forcer le président Jovenel Moïse à respecter l’article 134-2 qui justifie la fin de son mandat le 7 février 2021. Des membres du congrès américain Andy Levin, Gregory Meeks et Albion Sires vont dans le même sens et sont prêts à travailler avec la nouvelle administration Biden pour soutenir une transition politique en Haïti avec l’option de poursuites judiciaires.
Jovenel Moïse a un seul choix de suivre les traces de son mentor l’ancien Michel Martelly qui, en dépit des allégations de corruption contre lui et ses proches, a fait preuve d’homme d’état d’avoir évité au pays de sombrer dans la violence aveugle et d’avoir choisi, de préférence, de quitter le palais national le 7 février 2016 au lieu du 14 mai 2016 en vue du respect de ce même article 134-2 de la constitution haïtienne amendée pour assurer la continuité de la normalité constitutionnelle.
Donc, si Michel Martelly a respecté l’article 134-2 et pourquoi Jovenel Moïse ne veut-il pas en faire autant?
L’article 134-2 est clair et se lit comme suit : “L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel.
Le président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection.”
C’est vrai que l’élection a eu lieu après le 7 février 2016 et Jovenel Moïse est entré en fonction le 7 février 2017. Cependant, selon l’article, peu importe la date de l’entrée en fonction, le mandat de Jovenel Moïse est censé avoir commencé le 7 février 2016 ; avec 2016 comme étant l’année de l’élection. Donc, le mandat du président Jovenel Moïse touche à sa fin le 7 février 2021.
Cependant, si le président choisit de rester au pouvoir au-delà du 7 février 2021, il sera considéré comme un président de facto ou inconstitutionnel et un usurpateur de titre. Une telle violation est condamnée par la législation haïtienne. Dans ce cas, aucune autorité ne doit lui obéir puisqu’il n’est plus président et, par conséquent, il peut être arrêté et poursuivi par la loi.
Les états démocratiques qui se respectent et font partie des pays amis d’Haïti ne vont pas avoir affaire à un président dont le mandat arrive à terme.
C’est fini !
Monsieur le président, la table est desservie !
En dépit de ses bavures politiques graves, Jovenel Moïse ne doit pas être considéré comme un ennemi.
Cependant, il devra s’adresser à la nation pour une sortie honorable le 7 février 2021 s’il veut que le peuple haïtien se souvienne de lui et ait pitié de lui.
Hugues Montoban, BLS, MPA.
Analyste politique