PORT-AU-PRINCE, mercredi 16 octobre 2024– L’exercice du pouvoir en Haïti s’accompagne depuis des années de dysfonctionnements graves, où la légitimité constitutionnelle et populaire fait défaut. Ceux qui prétendent gouverner semblent davantage préoccupés par leurs querelles internes que par les défis immenses auxquels la nation fait face. Dans un contexte de déliquescence institutionnelle et de violences généralisées, comment peuvent-ils espérer récolter la gloire sans répondre aux attentes de la population?
La situation en Haïti est critique. La violence et l’insécurité dominent le quotidien des citoyens, où des gangs armés s’imposent comme les véritables maîtres de certaines régions du pays. Ce contrôle par des groupes criminels des grandes artères reliant la capitale au reste du territoire empêche toute fluidité économique et sociale, accentuant ainsi l’isolement de certaines régions. À cela s’ajoutent des infrastructures en ruine, des services de base qui ne sont plus assurés, et un système de santé à l’agonie, symbolisé par des hôpitaux qui fonctionnent à peine et un manque criant de médicaments et de personnel.
Le tableau est encore plus sombre quand on considère la situation économique. L’économie nationale est en lambeaux, avec une production nationale au plus bas. Le pays, déjà fragile, peine à répondre aux besoins fondamentaux de sa population, la plongeant davantage dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Les institutions publiques, elles, sont délabrées, ne jouant plus leur rôle de pilier dans le développement du pays. Celles qui devraient protéger, éduquer, et fournir des services essentiels, comme l’accès à l’eau potable ou à l’électricité, sont inopérantes.
Au milieu de cette débâcle, les dirigeants en place semblent totalement déconnectés de la réalité. La scène politique haïtienne se résume à un affrontement stérile entre différentes factions du pouvoir. Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le Premier ministre Garry Conille se livrent une guerre d’influence qui paralyse l’action gouvernementale. Au lieu de chercher à rétablir l’autorité de l’État, ils se complaisent dans des querelles d’ego et des jeux d’apparences, au lieu de se concentrer sur les besoins urgents de leur propre peuple. Comment peuvent-ils ignorer à ce point l’importance de l’État, ce qu’il représente, et les devoirs qui leur incombent? Connaissent-ils véritablement le sens de l’État et ce qu’il incarne?
L’État, tel qu’il est perçu dans sa forme la plus solennelle, est avant tout un garant de l’ordre, de la justice, et du bien-être collectif. Or, en Haïti, cet État est devenu synonyme de scandale et de désordre. Ceux qui prétendent gouverner n’incarnent pas l’autorité nécessaire pour redresser les institutions et garantir la sécurité des citoyens. Ils échouent à rétablir la verticalité du pouvoir, cette force qui permet de maintenir une certaine cohésion nationale, même en l’absence d’un cadre constitutionnel solide. Sans un leadership fort et légitime, la nation ne peut fonctionner. Et pourtant, la priorité des dirigeants semble être ailleurs, à la recherche d’une validation extérieure, notamment celle des États-Unis, comme si l’opinion de la communauté internationale était plus importante que la confiance du peuple haïtien lui-même.
Cette absence totale de résultat et de réponses aux problèmes majeurs finira par provoquer une réaction violente du peuple haïtien. Depuis longtemps déjà, le peuple est dans une posture de résignation, victime de la misère, de l’insécurité et de la corruption, mais cette apathie ne pourra durer éternellement. Comme dit le proverbe haïtien : “Tout bèt jennen mòde.” Ce proverbe résume bien la situation : la souffrance continue des Haïtiens ne peut que mener à un réveil brutal. La colère qui bouillonne dans la société finira par exploser. Et ce jour-là, ceux qui se sont accrochés à leur pouvoir sans résultats devront en assumer les conséquences.
L’histoire nous enseigne que les crises politiques, économiques et sociales de cette ampleur ne peuvent perdurer sans qu’il y ait un point de rupture. L’absence de légitimité, la mauvaise gouvernance, l’inefficacité des institutions, et le mépris des dirigeants pour les besoins du peuple mènent inévitablement à des révoltes. L’aveuglement de ceux qui sont au pouvoir en Haïti pourrait bien précipiter ce scénario. Au lieu de s’accrocher à des luttes intestines, ils devraient se concentrer sur la reconstruction de l’État, la réhabilitation des infrastructures, la sécurité publique et la relance économique. Il leur incombe d’agir, et rapidement, avant qu’il ne soit trop tard.
Mais pour que cela soit possible, il faut qu’ils comprennent que l’État n’est pas un simple appareil de pouvoir personnel ou de clientélisme. L’État est une institution au service du peuple, avec des devoirs à remplir, des droits à garantir, et des responsabilités à assumer. Les dirigeants actuels doivent cesser de se chamailler et prendre la mesure de la gravité de la situation. Sans cette prise de conscience, Haïti continuera de sombrer dans le chaos, et les générations futures hériteront d’un pays encore plus dévasté, si un sursaut ne survient pas rapidement.
Le défi est immense, mais une chose est certaine : si ceux qui sont au sommet de l’État ne changent pas de cap, le réveil du peuple haïtien sera inévitable et pourrait marquer la fin de leur règne chaotique. La responsabilité de l’avenir du pays repose entre leurs mains.