Par Etienne Jean-Sylvio,
À cause du contexte de la cherté de la vie, de l’insécurité, du kidnapping, de l’existence des zones de non-droit et de la violence généralisée dans le pays, le gouvernement dirigé par Ariel Henry a décidé de reporter la rentrée des classes, prévue préalablement au 5 septembre, au 3 octobre 2022 (Haïti: Report de la rentrée des classes pour l’année académique 2022–2023 – Constant Haïti (constanthaiti.info). Ce décalage de temps devrait être profitable pour le gouvernement afin de favoriser une rentrée scolaire sécuritaire. Au contraire, la situation s’est plutôt empirée tout au long de ce mois de septembre 2022. Ce qui amène, les écoliers, les élèves, les universitaires et les parents à se demander si la réouverture des classes pour l’année scolaire 2022-2023 n’est pas un rêve imaginaire?
PORT-AU-PRINCE, mardi 27 septembre 2022– Selon un article de l’ONU (https://news.un.org/fr/story/2022/07/1123942) en date du 16 juillet
2022, l’organisation est inquiète de l’aggravation de la violence en Haïti. De janvier à fin juin 2022 l’ONU a recensé 934 meurtres, 684 blessés et 680 enlèvements dans la capitale haïtienne Port-au-Prince. Les défis, devenant chaque jour plus difficiles, laissent certains analystes politiques perplexes quant à la volonté réelle des autorités de pacifier le pays. Par exemple, en ce mois de septembre 2022, selon ce que rapportent plusieurs journaux, les ambassades de plusieurs pays se ferment les unes après les autres à cause de la situation d’insécurité qui se dégrade chaque jour. C’est le cas de la République dominicaine, le Canada, la France, le Mexique, l’Espagne qui ont fermé provisoirement leurs portes (https://www.journaldemontreal.com/2022/09/15/plusieurspays–ferment–leurs–ambassades–en–haiti–1).
La sortie sud du pays (martissant) est coupée du reste du pays depuis plus de 12 mois par les bandits armés. Le sous-commissariat de police de martissant n’a pas de présence policière dans son enceinte. Les passagers des transportations publiques et des voitures privées qui osent traverser cette voie publique, sans payer le droit de passage, se font parfois mitrailler à mort par des bandits armés. Est-ce que nos enfants pourront traverser martissant pour aller recevoir le pain de l’instruction, se demande-t-on? De plus, la majorité des rues sont jonchées de toutes sortes d’immondices; ce qui pourrait nuire à la santé lors du passage à pied ou en transport public.
La période de décalage pour la réouverture des classes est fragilisée avec la décision du
gouvernement de mettre l’essence sur le feu en augmentant le prix de l’essence sur le marché (https://haitieconomie.com/le–prix–de–lessence–a–plus–que–double–ariel–henry–joue–avec–le–feu/). Le pouvoir n’a pas profité l’initiative du report de ce rendez-vous de la jeunesse estudiantine pour instaurer un climat d’apaisement social. Dans un contexte où le prix de l’essence poursuit sa tendance à la baisse dans plusieurs pays voisins durant le mois d’aout et de septembre, la décision d’Haïti d’augmenter le prix de ce produit semble être une provocation à la population où plus de 50% des personnes vit avec moins de 1US$ par jour et font face à une situation difficile pour manger. De fait, plusieurs membres de la population exposent des barricades un peu partout afin d’empêcher la circulation des engins à moteur ainsi que des piétons tout en réclamant la démission du 1er ministre Ariel Henri.
Dans cette calamité, la jeunesse haïtienne et les familles se questionnent en se demandant: qu’estce qui a été mis en place par le gouvernement pour faciliter une belle réouverture des classes? Estce que nos jeunes vont reprendre le chemin de l’école d’ici le 3 octobre prochain comme prévu? Une semaine avant la rentrée scolaire (soit du 26 au 30 septembre), trois journées de grèves sont annoncées et qui seront suivies par la suite par des manifestations, selon une association syndicale
(Grève : 5 nouvelles journées de “villes mortes” annoncées en Haïti – Le Facteur Haïti
(lefacteurhaiti.com). Est-ce que c’est dans cette situation pernicieuse que les autorités gouvernementales veulent accueillir nos enfants pour reprendre le chemin de l’école. Les jeunes sont inquiets du retard déjà accumulé dans leurs cursus scolaires. Les risques de retards additionnels sont évidents, toutes choses restantes égales.
Les autorités gouvernementales et les leaders politiques sont-ils conscients du tort qu’ils font à la jeunesse estudiantine d’Haïti? Sont-elles conscientes comment elles ont mis les familles mains et pieds liés dans un contexte de chômage, de cherté de la vie et de récession économique? Quant à ce dernier paramètre, il faudra noter que le PIB en terme réel a chuté considérablement de -1.7% en 2019, -3.3% en 2020 et -1.8% en 2021 selon les données de l’IHSI. Selon les perspectives de plusieurs économistes analystes, dont Kesner Pharel, Haïti va enregistrer pour la quatrième année consécutive un taux de croissance négatif, elle ne pourra donc pas sortir de la récession économique. Il a expliqué que « l’extrême pauvreté, la misère s’abattront sur le pays dans les jours à venir » (https://lenouvelliste.com/article/237682/kesner–pharel–lextreme–pauvrete–la–miseresabattront–sur–le–pays–dans–les–jours–a–venir).
La reprise des classes dans la région
La plupart des pays voisins d’Haïti font face aussi à la cherté de la vie parce que le contexte mondial, dominé par la pandémie de la covid-19, a laissé des impacts négatifs sur la production mondiale qui s’est ralentie. Plusieurs de ces pays ont pris des mesures pour soutenir les groupes et les personnes les plus affectées, ainsi que des politiques économiques susceptibles de ralentir l’inflation tout en soutenant la reprise de la croissance économique dans leurs pays respectifs. Ils ont surtout pris des mesures pour que l’école fonctionne en ligne ou en présentiel selon la situation qui se présente.
Par exemple, dans la province du Québec et plusieurs autres provinces du Canada, la réouverture des classes a été réalisée au début du mois de septembre. Pour une entrée scolaire sécuritaire, le gouvernement fédéral accorde deux milliards de dollars aux provinces et territoires (Rentrée scolaire : « Le besoin est réel et criant », justifie Trudeau | Radio–Canada.ca). À la réouverture des classes, les patrouilles de la police se sont intensifiées et sillonnent aux alentours des écoles et un peu partout pour garantir la sécurité des enfants.
Aux États-Unis d’Amérique, en République dominicaine et dans plusieurs autres pays de la région, les écoles s’étaient ouvertes au début de septembre. Écoliers, élèves et étudiants, ils poursuivent tous en ce moment leur cycle de formation scolaire et académique. La plupart de ces pays, même lorsqu’ils connaissent l’insécurité et la hausse du coût de la vie, l’école et les universités fonctionnent. Les apprenants et le personnel enseignant sont assez protégés.
Est-ce qu’on peut dire la même chose en Haïti? Combien d’enfants se font kidnapper par des voyous au sein ou au-devant même de leurs établissements. Combien d’enfants pourront traverser martissant en toute quiétude d’esprit pour aller recevoir le pain de l’instruction?
Des mesures de politiques économiques pour récompenser les comportements non vertueux
Au lieu de penser à des politiques sociales pour rétablir la sécurité et diminuer la souffrance des personnes les plus vulnérables, le gouvernement a préféré injecter 150 millions de dollars américains dans les Banques commerciales. L’économiste chevronné et professeur Carly Dolin, dans son article du 26 aout 2022 sur rezonodwes.com, a jugé cette approche thérapeutique inefficace d’injection superflue de billets, aux effets placébo pour stabiliser le paquebot national.
Dans l’une de ses émissions sur les réseaux sociaux, Fouco semblerait poser la question suivante: pourquoi ne pas investir ces 150 millions de dollars dans l’économie sociale du pays en ciblant les projets des petites et moyennes entreprises dans nos sections communales pour soutenir les agriculteurs; ce qui pourrait aider le pays à sortir de son cycle de récession économique depuis tantôt 3 ans.
Par exemple, il n’y a aucune présence de banques commerciales dans la commune des Irois du département de la Grand-Anse ni à Pestel. C’est le même cas de figure dans les communes des autres départements où les paysans doivent parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant d’atteindre une succursale de banque commerciale dans les grandes villes. Il n’y a aucune politique attractive de crédits via ces banques pour accoter la production locale. On aurait pu renforcer financièrement les délégations et les vice-délégations départementales pour soutenir cette population vulnérable au moyen des petits projets à impacts rapides dans leurs communautés. De cette manière, les parents pourraient voir la lumière au bout du tunnel pour envoyer leurs enfants à l’école; car, les dépenses des fournitures classiques, d’uniformes, d’écolage mensuel, de transports et de nourritures sont très dispendieux pour les familles en région.
Certains citoyens pensent que ces 150 millions seront rapidement épongés par une frange de personnes privilégiées et les résultats attendus en termes de maitrise d’inflation et de stabilité de la gourde ne seront pas atteints à moyen et long terme. Ces dollars injectés ne seront pas forcement investis dans la production locale.
L’urgence de 150 millions de dollars pour soutenir la propreté des rues et la baisse de l’insécurité
Dans une perspective de créer les conditions sécuritaires pour que l’école ainsi que les autres secteurs d’activités fonctionnent bien, le gouvernement devra intensifier sa responsabilité de trouver une stratégie pour rétablir la sécurité de manière à ce que tout le monde puisse vaquer à leurs occupations en toute quiétude sans penser au kidnapping et aux bals assassins. Que peut-on faire avec 150 millions de dollars? Le renforcement de la Police nationale d’Haïti ainsi que les Forces armées d’Haïti pour maintenir la sécurité des vies et des biens? La consolidation et le contrôle strict des douanes et des ports pour empêcher l’arrivée des armes illégales et des minutions à destination des particuliers et des secteurs ayant la franchise? L’identification d’une stratégie pour que le gouvernement et la police soient présents auprès des jeunes qui sont armés dans les bidonvilles afin d’acheter leurs armes? Le financement des travaux à haute intensité de main d’œuvre pour nettoyer les rues de Port-au-Prince et des villes de provinces.