La passion du Christ, miroir fidèle de la détresse haïtienne

Sonet Saint-Louis, Avocat

Par Me.Sonet Saint-Louis,

Tout a commencé par la trahison d’un homme, Juda, l’un des disciples de Jésus. Une traîtrise qui a permis au Christ d’expérimenter la méchanceté humaine. Ce jour de crucifixion, l’humanité n’a pas seulement fait l’expérience de la méchanceté suprême de l’Homme mais aussi de l’amour infini de Dieu pour son peuple que, malgré ses fautes, il n’a pas livré à la destruction.

La mort du Christ n’est pas un évènement insensé. Elle n’est pas la fin d’une espérance. Au contraire, cet épisode douloureux confère au comportement de Jésus une transcendance. Son sang versé sur la croix n’est pas une défaite mais un acte de sacrifice et d’amour. Aimer son peuple et sa patrie signifie pouvoir accepter de se sacrifier pour lui. Jésus l’a fait pour le peuple juif et l’humanité entière. Un exemple de patriotisme et d’amour concret.

Vu l’état actuel de délabrement d’Haïti, ce symbolisme de la croix devrait interpeller les élites haïtiennes, notamment les chrétiens. Il devrait les pousser à se demander comment par un sacrifice exceptionnel redonner au peuple haïtien sa dignité originelle.

Tout le monde est d’avis que pour sauver Haïti, il faut une alliance entre les différentes élites et le peuple. Cette entente doit comporter la solidarité afin de colmater les brèches, c’est-à-dire réparer les injustices des générations passées. Faire du passé table rase et le remplacer par un présent salvateur et modernisateur. Ce nouveau deal ne devrait plus être en faveur de ceux qui ont mis toute une nation à genoux mais de ceux qui ont été jusqu’ici marginalisés. Les nouveaux dirigeants progressistes doivent, à la manière du Christ, jeter leur sort dans la balance de la rédemption nationale, la reconstruction et la justice sociale.

La plus grande force d’une élite, c’est son amour pour son pays, cette patrie pour laquelle elle doit avoir, comme disait Louis-Joseph Janvier, de fructueuses amours. Le patriotisme est une puissance extraordinaire. Dieu est parole. Dans cette situation de malheur dans lequel est plongé Haïti, les citoyens ont soif d’une parole légitime et décisive, celle d’une élite responsable à même de guérir le peuple tout entier. Ce ne sont pas les masses rurales et urbaines marginalisées qui ont tant souffert qui doivent donner leur sang pour le pays mais l’élite. Elle doit désormais faire quelque chose pour qu’Haïti puisse renaître et trouver la voie de la rédemption.

Une élite nationale, a écrit mon ami Jackson Joseph, est une muraille de protection pour son pays et son peuple. C’est donc elle qu’on doit vaincre avant que son peuple tombe en captivité. Christ l’a compris. Le sang du peuple haïtien a coulé depuis longtemps et continue de couler dans l’indifférence des élites. Ce comportement peu empathique les rend impropres à parler d’Haïti. Cette catégorie sociale inique est frappée de déchéance. Le peuple haïtien n’a pas choisi ce parcours douloureux, comme Christ, qui lui, l’a fait de son propre gré.

Les masses opprimées ne doivent pas perdre l’espoir ! La détresse haïtienne est une porte ouverte sur une humanité plus juste. Au lieu d’abandonner la lutte pour le changement de leur pays, les Haïtiens, et particulièrement les chrétiens d’Haïti, doivent trouver au cœur de cette détresse une nouvelle raison de croire et d’espérer. En ce temps pascal, face à ces malheurs qui frappent en permanence notre pays, il y a donc un impératif de changer la vie en Haïti. Il est nécessaire de porter un regard sur ceux qui sont décapitalisés à cause de la criminalité organisée et de l’absence de normes mais aussi sur les faibles et les défavorisés, ceux qui ont vu leur vie brisée.

*L’absence du sens de la beauté*
La douleur, la détresse, la dégradation humaine, toutes ces expériences négatives peuvent forger le caractère de notre peuple. Ayant vécu en permanence dans un monde souvent injuste, cruel et impitoyable envers lui, ce peuple a tendance à se résigner et même à développer un sentiment de complicité à l’égard de ses bourreaux. C’est pourquoi, aujourd’hui, il est inactif face à tant de malheurs qui l’accablent et a tant de mal à y mettre fin.

Un peuple qui, pendant toute son existence, n’a pas connu la beauté aura tendance à ignorer cette dernière. Il n’aura pas non plus le réflexe de la rechercher et sera davantage enclin à opter pour la laideur. Par sa méconnaissance du beau, du vrai et l’excellence, il tuera la qualité qu’il ignore. Dès lors il n’est guère étonnant qu’il donnera, par son suffrage, le pouvoir de décider dans notre République à des âmes animales. C’est le cas de rappeler les propos d’un diplomate américain en fin de mission qui soulignait cette semaine que la République d’Haïti mérite des acteurs responsables. Ce n’est pas pour la première fois qu’un étranger s’adresse de cette manière aux membres de l’élite haïtienne. Les diplomates étrangers en poste en Haïti ont toujours pointé du doigt la responsabilité des élites haïtiennes dans la débâcle de leur pays. Une gifle pour cette dernière car cette classe d’hommes qu’ils qualifient de « répugnantes » sont pourtant indispensables à la mise en œuvre de leur politique de brutalité et de domination envers Haïti.

Ce rappel constant est saisissant et montre l’incapacité évidente des élites locales à évoluer. En effet, la responsabilité, disait Hegel, c’est la destination suprême de l’homme. Seul l’animal est irresponsable. Ce diplomate voulait-il dire, comme d’autres avant lui, que là où il s’ attend à trouver des hommes, il ne découvre que des animaux humains?

Une fois de plus, j’en appelle à la responsabilité des élites haïtiennes, celle du savoir, du pouvoir et de l’avoir. Je les convie à prendre conscience de la nécessité urgente d’une solidarité objective. Elles doivent comprendre qu’en dehors du patriotisme et de l’intégrité, il n’existe point de salut pour le pays. L’avenir du pays est à ce prix, même si elles ne voient pas tout de suite l’intérêt d’un changement.

Qui aurait pu imaginer la destruction des églises Notre Dame du perpétuel du Nazaréen au cœur du Belair, celle du Pasteur Senopha Point-du-Jour logée à la rue St Martin?  Pensez à la situation de Bolosse aujourd’hui au cœur de Martissant ! Tout est caducité et échec. Nous avons tous aujourd’hui le devoir de nous demander pourquoi nous en sommes arrivés là et qui en porte la responsabilité ?

Du point de vue de gestion politique, le pays a connu trois occupations militaires en un siècle, deux en moins de dix ans, la systématisation de l’insécurité, la médiocrité et la corruption au plus niveau de l’État. Nos maux sont à mettre sur le compte de l’irresponsabilité, de la trahison et l’indécence des élites nationales. Comme c’est par un seul homme que le péché a été introduit au monde, donc, c’est par un homme ou une femme que viendra la délivrance d’Haïti. L’heure a donc sonné, un homme et une femme doit venir. La nation entière attend ce jour où le pays sera définitivement lavé de sa honte. Cette personnalité providentielle que le pays attend de tous ses vœux devrait avoir une vraie vision et une bonne équipe compétente et engagée pour entreprendre des actions efficaces pour changer les choses dans le sens du bien commun national.

*La puissance de l’amour*
Si une élite se sent responsable, elle ne devrait pas être ailleurs quand le désespoir atteint sa terre natale?

La diaspora intellectuelle et politique d’Haïti n’entend-elle pas le cri de son peuple qui gémit? Qu’est ce que cela signifie: réussir soi-même, avec sa famille, ses partisans, son clan alors que son pays se meurt? Haïti n’a pas besoin de la charité internationale, qu’elle soit authentique ou non. Notre pays a besoin a besoin de développer son économie, de proumouvoir la croissance, de créer des emplois décents et durables. Le peuple a besoin de gouvernants qui le protègent du danger.

Christ est un martyr. Son nom est éternel comme le sont ceux qui ont nous laissé cette patrie en héritage. Son royaume est fondé sur la justice et l’équité dans lesquelles s’intègre la puissance de l’amour. Sa mort a une valeur. Elle est celle du juste. Elle vaut par excellence. Qui est est prêt à porter sur lui cette valeur sacrificielle pour sauver Haïti de l’indignité et de l’opprobre ?

Je profite de la fête de pâques pour rappeler que le sang de Jésus est l’unique remède aux détresses humaines. Accepter Christ, c’est accepter la lumière. C’est dire non aux ténèbres qui nous rendent cupides, sans état d’âme et médiocres.

Fortifiez vous ! Soyez déterminés par vos actions à changer les choses en Haïti ! Dieu nous indiquera le chemin de la renaissance spirituelle, éthique, intellectuelle et politique d’Haïti. Le destin d’Haïti, comme celui du monde, sera ce que nous voulons qu’il soit, à condition que Dieu nous aide à assumer pleinement notre destin de peuple.