Un éditorial du Washington Post qui décrit le chaos qui règne en Haïti et suggère une intervention en Haïti pour résoudre la crise où les gangs criminels imposent leur loi. L’auteur estime qu’aucun groupe sur le terrain n’a de solution viable a ce qui se passe en Haïti et relève que des élections ne sont possibles dans le contexte actuel…
Washington, lundi 1e novembre 2021– Face à l’agonie d’Haïti, l’insouciance de l’administration Biden et des Nations Unies est déraisonnable.
Avec plus d’un tiers des 11 millions d’habitants d’Haïti ayant déjà besoin d’une aide alimentaire, des gangs criminels endémiques ont paralysé les livraisons de carburant, sans lesquelles l’activité économique – et la disponibilité de nourriture et de soins médicaux – s’est arrêtée. Le gouvernement est une coquille vide et souvent de mèche avec les gangs qui ont pris le contrôle de quartiers entiers et de routes critiques. Une épidémie d’enlèvements – dont les victimes comprennent 17 missionnaires, tous américains sauf un, actuellement détenus contre rançon – s’est propagée sans contrôle.
S’opposer à l’intervention, c’est être complice du chaos et de la souffrance qui en résultent.
Les contours du chaos actuel en Haïti étaient prévisibles après l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet. Il a présidé un pays avec des institutions déjà faibles et s’est appuyé sur des gangs comme exécutants. Sa mort a déclenché un effondrement de ce qui passait pour l’ordre et l’autorité gouvernementale. Aujourd’hui, personne n’est aux commandes, à l’exception de bandes armées violentes dont le champ d’action se concentre autour de la capitale, Port-au-Prince.
La société civile haïtienne, son réseau dynamique d’organisations sociales, sanitaires et politiques, est désarmée, divisée et impuissante. La police, longtemps vilipendée comme corrompue et imprudente, est sous-armée. Les massacres, les viols collectifs et les incendies criminels violents dans les quartiers sont largement rapportés.
Personne ayant une connaissance passagère de l’histoire haïtienne ne peut douter que les interventions passées ont laissé des cicatrices, et que les troupes qui les ont exécutées ont fait des dégâts. Mais quelles sont les alternatives aujourd’hui, alors que la chute d’Haïti s’accélère, pour arrêter l’effondrement ? Ceux qui citent les lacunes des interventions passées comme justification pour s’opposer à une nouvelle n’ont pas de réponse viable à cette question.
Il est impossible de prédire avec précision ce qui va suivre en Haïti, mais il n’y a pratiquement aucun scénario dans lequel les nouvelles s’amélioreront. Les élections sont impossibles dans un tel désordre, il n’y a donc aucune perspective d’établir un gouvernement avec une once de légitimité politique.
Les gangs dirigés par des hommes forts pourraient continuer à combler le vide du pouvoir. Un chef de guerre particulièrement puissant, manœuvrant ouvertement pour s’emparer du pouvoir, encourage le pandémonium et interrompt l’approvisionnement en carburant dans l’espoir de renverser le gouvernement. Qu’il réussisse ou échoue, aucun des deux scénarios ne fournit un plan pour rétablir l’ordre ou la fourniture de nourriture et de fournitures médicales dans une crise humanitaire en spirale.
À la suite de l’assassinat de Moïse en juillet, le comité de rédaction du Post a appelé à une intervention internationale pour empêcher ce que nous considérions comme une urgence prévisible. Cette urgence est maintenant arrivée, avec des conséquences prévisibles désastreuses. Le monde continuera-t-il à détourner les yeux et à donner des excuses pour l’inaction ?