Jean Garry Denis
Directeur Exécutif INHOPP
CAP-HAÏTIEN, jeudi 15 février 2024-Le silence de la presse internationale sur le niveau de violence (sexuelle, incendies, pillages, assassinats) et massacres à répétition à Port-au-Prince, réalisés par les gangs avec la complicité des autorités publiques, nous pousse à reprendre les mots du 1er récipiendaire noir du prix Nobel de Littérature en 1986, l’écrivain nigérian Wole Soyinka, dans une visite en Haïti en février 2018 : « Haïti est oubliée par l’Humanité ».
Il y a plus d’un an, j’ai dénoncé dans la presse nationale et internationale qu’Haïti marche sous les pas d’un génocide silencieux. Les leçons de celui du Rwanda en 1994 ont été bien apprises pour éviter les bruits et les scandales au niveau de l’opinion publique internationale.
Le Docteur Jean William Pape, professeur d’universités et directeur d’un centre de recherche sur les épidémies, les infections et les maladies tropicales, déclarait sur Radio France Internationale en date du 9 mars 2023 : « Il y a un génocide qui se prépare ici et on laisse la situation pourrir, tout le monde à ce moment-là sera à genoux, et je crois qu’il est préférable d’éviter justement ce massacre, qui s’aggrave pratiquement tous les jours ».
Malheureusement, le Dr Pape a subi dans sa chair les revers de cette violence généralisée puisqu’il a eu un des membres de sa famille kidnappé.
En plus, il y a lieu de parler du génocide civil par la grande vague de migration due à l’insécurité et au dépeuplement causé par les programmes de migration mis en place par le Canada et les États-Unis.
Même l’ONU, avec des chiffres très conservateurs qu’on qualifierait de goutte d’eau dans un océan, dénonce ces violences. Selon les rapports du Bureau Intégré de l’ONU en Haïti, plus de 2,237 personnes ont été tuées durant le dernier trimestre de l’année 2023. Pour le mois de janvier 2024, 1108 personnes ont été tuées. Pour le Haut Commissariat des droits de l’Homme à Genève, le mois de janvier 2024 constitue le mois le plus violent depuis deux ans.
Selon ce même rapport, avec des chiffres très en deçà de la réalité, 310,000 personnes sont déplacées. Nous savons que plus de 80% du territoire de Port-au-Prince, certaines zones du pays et des voies stratégiques de circulation de vies et de biens se trouvent sous le contrôle des gangs.
Des massacres avec leurs cohortes de morts et de blessés constituent le lot quotidien des habitants de Port-au-Prince. Ce lundi 13 février, les habitants des Zones de Carrefour et de la Plaine se sont réveillés sous les feux croisés des gangs rivaux avec un bilan partiel de centaines de maisons incendiées, de milliers de déplacés et de plus d’une trentaine de morts.
Sous le silence déshumanisant de la presse internationale qui a coupé les micros et les caméras sur Haïti, les témoignages dans la presse locale et les réseaux sociaux sont poignants, les horreurs sont inimaginables : de jeunes filles violées sous les yeux de leurs parents, des femmes réduites en esclaves sexuelles, des enfants assistant à l’exécution de leurs parents, des têtes coupées pour le juteux trafic d’organes, des exécutions sommaires, etc. En effet, une jeune fille a été lâchement assassinée pour avoir refusé de coucher avec un chef de gang, etc.
La Complicité de la Communauté Internationale :
Dans ses périples dans la Presse Locale, le Chargé d’Affaires de l’Ambassade Américaine admet de manière implicite la responsabilité de son pays dans le chaos que vit Haïti actuellement. Il a argué que la communauté internationale ne veut pas continuer à refaire les mêmes erreurs d’ingérence en Haïti et se positionne pour une solution haïtienne. Malheureusement, elle continue avec les mêmes réflexes en combattant les propositions de consensus entre les parties prenantes nationales et en fournissant un soutien sans faille à un régime criminel au-delà de toute logique.
Dans une logique capitaliste, on a toujours cru que les États-Unis et la communauté internationale ont plus d’intérêt à la stabilisation d’Haïti. Il s’agissait de dynamiser une révolution de la croissance, renforcer l’économie, promouvoir la création d’entreprises, réduire le chômage dans la perspective d’un marché porteur en lien avec le marché mondial. C’est un point que j’ai toujours défendu dans les relations avec nos voisins dominicains, n’en déplaise aux positions traditionnelles rétrogrades des secteurs ultranationalistes dans ce pays.
Quel est l’intérêt de ce chaos orchestré par l’International?
Pour la grande majorité des Haïtiens, les puissances occidentales, spécialement la France et les États-Unis, n’ont jamais pardonné à Haïti la Révolution de 1804 qui a détruit le système d’oppression esclavagiste en cours dans le monde de l’époque. À rappeler, les États-Unis ont aboli l’esclavage en 1865 et le Brésil en 1888.
L’ONU cherche toujours une justification de son existence dans le chaos des pays pauvres pour placer des fonctionnaires en quête d’emploi bien rémunéré. Depuis plus de 30 ans, ses missions budgétivores n’ont fait qu’aggraver la situation. Nous devons toujours rappeler que la diplomate américaine des Nations Unies, Madame Helen Lalim, a joué un rôle prépondérant dans la construction de ce chaos par son apologie devant le Conseil de Sécurité d’une fédération de Gang en juillet 2020.
En plus, les diplomates se trouvant dans la hiérarchie supérieure des Nations Unies, sous le prétexte du chaos, aspirent toujours à la tête de la direction d’un pays, naturellement en faisant fi du principe d’élection, si cher aux Nations Unies. De fait, la Nouvelle Présidente du Conseil d’Administration d’Haïti, Maria Isabel Salvador, fait tout pour entrer Haïti dans une nouvelle aventure d’occupation sans tenir compte de l’actuelle gouvernance de désastre qui s’allie aux bandits pour se pérenniser au pouvoir.
La Gouvernance de catastrophe :
Les liens de cette gouvernance avec la violence en Haïti ne sont plus un secret pour personne. Ces liens sont souvent dénoncés par les organisations de droits humains et par de grandes personnalités américaines, tant dans la diplomatie qu’au niveau du Sénat.
À chaque rendez-vous international de ce régime, on assiste toujours à une remontée spectaculaire de la violence. Drôle de coïncidence, le massacre du 12 février 2024 de plus d’une trentaine de personnes à Carrefour et La Plaine s’est coïncidé avec la visite du Ministre de la Justice et du Chef de la Police à New York pour une rencontre de travail pour justifier l’intervention étrangère des forces Kenyanes en Haïti.
Paradoxe déconcertant, pendant que les forces de Police démontrent leur inefficacité et leurs grandes faiblesses pour venir à bout des bandits, parallèlement, elles se montrent très efficaces dans la lutte contre les opposants du régime d’Ariel Henry. Durant les grandes protestations de la semaine dernière, ils ont massacré 5 agents de la brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP), arrosé les manifestants de l’opposition de gaz lacrymogènes, bastonné des journalistes, effectué des tirs nourris sur la population civile, etc.
Le grand consensus
Malheureusement, c’est ce pouvoir que les États-Unis et l’ONU imposent au pays pour organiser des élections. Avec Ariel Henry, c’est le chaos assuré et la poursuite du plan de génocide. L’heure est au ralliement, au consensus des forces politiques, sociales et économiques pour doter le pays d’une nouvelle gouvernance responsable, réaliser les grandes réformes, organiser de nouvelles élections et stopper le génocide en cours.