Haïti/Etats-Unis : La bêtise et le prix

Himmler Rébu, Dirigeant du GREH

Par Himmler Rébu,

Lieutenant-colonel

Professeur de Tactique et des opérations spéciales

 Port-au-Prince, dimanche 19 décembre 2021- Depuis plus d’une dizaine d’années les Etats-Unis se sont engagés dans une honteuse spirale politico-financière en Haïti. Le tremblement de terre de 2010 en a été le point de départ. La gestion de la manne qui allait en découler avait besoin d’âmes et de mains impures pour permettre au couple Clinton de sortir du dénuement économique après avoir quitté la maison blanche. La fin de mandat du président Préval allait permettre à l’ancienne première dame de venir se mouiller directement le maillot pour mettre en place l’infrastructure humaine indispensable à la réussite de l’opération.

De Obama à Joe Biden en passant par le détestable Mister Trump, le machin a bien fonctionné. En Haïti aussi. Le miel a si bien coulé dans les deux sens, et à visière levée, que les précautions minimales ont été mises au rencart. Jamais le pouvoir n’a été autant important. Les méthodes pour le garder ont conduit à la systématisation de l’insécurité par les propres responsables de l’état. Sur un autre plan le marché de la vente des armes et munitions est devenu plus que florissant pour les américains. Généralement dans une telle ambiance, la drogue n’est jamais bien loin. Ce désordre a cumulé à l’assassinat du Président Jovenel Moïse et…à la prise d’otages du 16 octobre 2021.

Là, enfin, les américains se sont rendus compte qu’il y avait un problème en Haïti.

Et, ils s’en mêlent mes pinceaux. Désagréablement !

Doctrines et communication dans le domaine de la guerre et des opérations spéciales

La propagande est un élément fondamental de la guerre. La guerre sur le plan classique. Elle vise généralement à préparer les esprits pour justifier l’action militaire en ayant l’assentiment de la population et des fois sa contribution à l’effort de guerre. Elle est, des fois utilisée pour justifier un acte de guerre déjà réalisé et chercher à obtenir sinon l’adhésion de la population du moins sa neutralité. La libération d’otages est dans la catégorie des OPÉRATIONS SPÉCIALES. Toute communication A PRIORI dans ce domaine (donnant des assurances et garanties sur la vie des otages) relève de la théorie de l’exploitation d’un succès  donc…d’une opération déjà réalisée.

Pour comprendre le phénomène, il faut se référer aux axes doctrinaux des nations sur la question.

RUSSIE

Par exemple, la doctrine dans la Russie de Vladimir Poutine est 0 négociation avec des preneurs d’otages. Scellé dans du béton. C’est si vrai qu’aucune garantie est donnée aux parents des otages. Les forces spéciales Russes interviennent et tuent TOUS les ravisseurs. Elles ne se portent garantes de la vie des otages pendant l’opération. Souvent ils sont éliminés par les ravisseurs pendant l’intervention. La doctrine Russe assume la mort potentielle des otages.

FRANCE

La France a une doctrine plus nuancée sur la question.  Elle vise toujours la garantie, à tout prix de la vie des otages quitte à utiliser les couloirs du renseignement et du contre renseignement hors de toute propagande a priori ou a posteriori. En tout cas, elle n’assume jamais la négociation avec des ravisseurs. Elle agit en dehors de toute propagande.

Les USA

Aux USA la doctrine est, PAS DE RANÇON aux ravisseurs mais la vie des otages doit être sauvegardée. Contradictoire dans sa nature, cette doctrine protège l’état américain contre l’installation du rapt comme moyen de soutirer de l’argent au système américain. En même temps le gouvernement américain ne peut, politiquement, déclarer faire fi de la vie des otages. Ce choix aux fonctionnalités contradictoires, nous renvoie à la pratique de la sous-traitance. Aucune exploitation socio politique ne peut se faire hors d’une victoire scellée. La propagande, dans ce genre de cas, vise à renforcer dans l’imaginaire des populations LA GRANDEUR, L’INVINCIBILITÉ DE L’AMÉRIQUE.

A la vérité les USA ont développé une telle puissance après la 2ème guerre mondiale, qu’elle n’est plus apte à faire la guerre sur le plan classique. D’ailleurs, ils n’ont gagné aucun des conflits dans lesquels ils se sont engagés après la 2ème guerre mondiale. La dernière débâcle en Afghanistan en témoigne. Donc, toutes les déclarations concernant les otages américains et canadien relèvent de la propagande post opération victorieuse politiquement exploitée. Toute opération ultérieure relève de la stratégie du COVER-UP.

Une question d’honneur

L’annonce faite le 26 octobre 2021 par le conseiller à la sécurité nationale du Président américain concernant l’option de libérer les otages en utilisant les forces spéciales  était une erreur “de jeunesse”. Elle a juste retardé ce qui va se passer après que le rideau soit tombé sur l’épisode des mercenaires. Elle plonge le Pentagone dans le plus terrible des embarras. Comment ne pas réagir quand le prestige du président américain a été si stupidement engagé ? Comment réagir en évitant des pertes dans les rangs américains ainsi qu’un reprochable carnage sur population civile servant de bouclier, sans consentement, aux gangs ?

Respectueux de l’histoire et de la culture haïtienne, les Etats-Unis réfléchissent toujours avant d’envisager une action impliquant ses forces armées en Haïti. La réunion internationale convoquée par le département d’État vise au justificatif des événements à venir savoir laver l’affront des 400 mawozos en même temps que cette verrue du désordre politico-sécuritaire d’Haïti sur la face de la grande Amérique.

Avez-vous remarqué l’enchaînement des news ces dernières 72 heures ?

New York Times, Washington post, missionnaires “abandonnés” au morne à cabris, réunion internationale sur Haïti, CNN qui parle de rançon sans pouvoir affirmer quoique ce soit. Autant de signes avant-coureurs d’événements majeurs tant sur le plan politique que sécuritaire.

L’administration Biden a une terrible soif d’affirmation avant les élections du midterm mandat. Les circonstances actuelles peuvent être utilisées pour mettre un frein aux “désirs surprenants” de réélection, déjà exprimés, par le locataire de la maison blanche.

Bien conscient de ce qui va se passer le docteur Ariel Henry a poussé un “soft anmweyy” à la cérémonie de graduation des nouveaux policiers à l’académie de police. “Nous n’avons pas besoin de soldats”. Le gros déficit, aujourd’hui en Haïti c’est que les actuels dirigeants haïtiens n’ont pas les interlocuteurs capables de poser les bases techniques pour une solution endogène à la crise sécuritaire. Ceci éviterait le piège et pour Joe Biden et pour le docteur Henry.

Le prix

Les trouveront certainement des pays à s’engager dans cette galère, par pour leurs beaux yeux…et au prix fort. Comme ils sont radins, ils vont faire main basse sur les avoirs cachés par ceux-là qui ont pillé Haïti ces dernières années. Nombre d’inconscients seront probablement mis sous les verrous pour soutenir, en direct, financièrement, la guerre qu’ils ont provoquée.

Le temps est, désormais, à la pluie. Si les grands sont partis à la recherche d’une ombrelle, les petits gagneraient bien à se trouver des parapluies.