‘‘Gare à une intervention militaire provoquée : Quand l’artisan d’un malheur porte l’habit d’un sauveur ‘’…

photo: from CJ: Casques Bleus de l'ONU/image d'illustration

Dernière partie,

Par Evens Fils, Avocat, bâtonnier de Fort-liberté

 Ouanaminthe, samedi 15 octobre 2022– L’International a pris trop d’engagement avec le Gouvernement. Les ressources minières sont menacées.

  • Pourquoi les conventions, contrats ou accord signés avec Haïti ne sont pas rendus publics ? La Banque Mondiale, le FMI, les pays partenaires, ignorent-ils qu’il s’agit d’un Gouvernement de fait et que la signature du Conseil des Ministres est restreinte, que les contrats irréguliers peuvent être contestés par ceux qui en auront intérêts ? Comment les partenaires d’Haïti ont-ils pu financer les activités budgétivores à neuf chiffres de la MINUSTAH ? Pourquoi le projet de budget de la MINUSTAH en 2016 valait 865 313 000 dollars US3 contre 122.67 milliards gourdes, le budget d’Haïti4 ? Avec un taux de 62 gourdes pour un dollar américain, le budget de la MINUSTAH équivalait près de la moitié du budget de l’État haïtien Donc, ce que MINUSTAH dépensait représentait près de 50% du budget national.

D’où provenaient annuellement ces sommes colossales si Haïti ne pouvait pas s’autofinancer ?

  • Quid des mines ?

Aujourd’hui,  Haïti regorge de ressources naturelles. C’est un pays d’un riche sous-sol, ont clairement établi les rapports scientifiques officiels notamment: « INVENTAIRE DES RESSOURCES MINIERES DE LA REPUBLIQUE

D’HAITI », « Notice explicative de la carte du potentiel minier et énergétique d’Haïti ». En décembre 2012, le Bureau des Mines et de l’Energie (BME) a délivré les premiers permis d’exploitation à deux compagnies canadiennes (Eurasian Minerals et Ressources Majescor) et à une compagnie américaine (VCS Mining qui serait appartenue à la famille Clinton),  sans qu’aucune information ne soit divulguée sur leurs modalités, ni qu’aucun débat public n’ait eu lieu. Face au manque de transparence du BME, en février 2013, le Sénat a adopté une résolution demandant au pouvoir exécutif de surseoir toute activité minière d’exploration et d’exploitation.  Le Sénat, un obstacle pour l’International !

De nos jours, l’exploitation minière continue. De manière artisanale ou industrielle? On n’en ignore la nature réelle. Mais elle se fait à l’abri des regards. Le commerce de l’or est répandu au Mont-Organisé. J’en ai vu. Les photos sont disponibles. Comment expliquer cette coïncidence ? Des compagnies canadiennes et américaines avaient été autorisées à exploiter le sous-sol haïtien. Aujourd’hui, ce sont les Canadiens et les Américains qui se proposent de diriger l’intervention militaire dans un pays si pauvre. Les ressources minières en seront-elles la contrepartie ?

Pour notre part, j’espère que l’aide humanitaire ne se transformerait pas en crime humanitaire avec la multiplication des émeutes de la faim. Car les gangs en Haïti sont façonnés par les acteurs économiques et favorisés par la faim. La

 

https://reliefweb.int/report/haiti/haiti-la-cinqui%C3%A8me-commission-examine-le-projet-de-budget-annuel-de-la-minustah-dun#:~:text=Haiti-

HAITI%20%3A%20LA%20CINQUI%C3%88ME%20COMMISSION%20EXAMINE%20LE%20PROJET%20DE%20BUDGET%20ANNUEL,(AG%2FAB%2F3973) https://mef.gouv.ht/index.php?page=Lois%20de%20Finances

misère et la désorganisation sociale et institutionnelle sont de pires ennemis des Haïtiens qui ne peuvent être combattus par la force militaire. J’espère que les forces étrangères n’auront pas pour mission de protéger des sites et des convois de mines. De l’état actuel où l’arbre cache la forêt, j’espère que les Haïtiens ne seront pas décimés, les yeux arrachés, les femmes violées, les enfants brûlés comme les indiens de Quisqueya en 1492 et les nègres de Saint-Domingue en 1625. J’espère que l’intérêt cesse d’être le mobile de toute action humaine.

  1. L’International soutient le Gouvernement de Ariel Henry dans ses excès politiques et son opacité
    • Au fait, il est une vérité indéniable que le Gouvernement américain et le Gouvernement canadien supportent le Gouvernement de Ariel Henry. Ensemble, ils acceptent de perturber le pays. (Cette idée n’est pas mienne, mais celle d’un envoyé du Département d’État Américain). De manière inédite, l’émissaire américain en Haïti Daniel Foote, témoin oculaire de nos malheurs et mandataire du Gouvernement américain, condamne l’ingérence des États-Unis dans la politique haïtienne. Il affirme tout de go que ce sont  les Etats-Unis qui soutiennent le Premier ministre haïtien Ariel Henry. « Nos interventions politiques en Haïti n’ont jamais fonctionné. […] Je me sens responsable. Nous avons toujours priorisé la stabilité sur les causes profondes de l’instabilité […]5 »
    • A présent, une intervention militaire basée sur un pronostic de recrudescence du cholera semble loin d’être justifiée. Onze (11) cas de choléra en Haïti contre 200 morts au Cameroun et 107 décès en RDC et 6 692 cas suspects. Or, la famine dans les prisons haïtiennes est plus mortelle que tous les cas de choléra réunis. 2,6 millions d’Haïtiens ont besoin d’une assistance humanitaire sur une population d’environ 11 millions d’habitants en 2019 (CARE International, 2019; World Bank, 2019). Pourtant, on n’avait pas imaginé une intervention humanitaire signée de tous les Ministres pour résorber la famine.  Les sources officielles sont claires que l’ONU est à l’origine du cholera en Haïti. Pourtant, le Gouvernement haïtien sollicite le retour de l’ONU en Haïti à cause du retour du choléra en Haïti. Quel paradoxe grotesque !Cause-effet ou effet-cause ? « Sanble gen yon moun ki gen bokal Kolera a nan men’l. » Il est de principe que nul ne peut profiter de ses propres turpitudes. Il est insensé que ceux qui ont fabriqué ce chaos (ou pour le moindre favoriser) se présentent aux victimes comme leur solution.
    • Par quel pays, quelle banque transitent les millions de dollars ? Qui achètent les armes à feu qu’utilisent les gangs ?  Qui sont responsables des marchandises à bord des bateaux en provenance des Etats-Unis ?
    • Quelle était la responsabilité du président américain Bill Clinton ou de son Gouvernement quand il a affirmé, impunément et sans crainte, avoir sapé la capacité de production agricole en Haïti : « C’était une erreur. à laquelle j’ai contribué. Je dois vivre chaque jour avec les conséquences du fait qu’Haïti ait perdu la capacité de produire du riz pour nourrir sa population, à cause de ce que j’ai fait, moi et personne d’autre. » 6 Combien de millions a-t-il versé à Haïti en guise de réparation ? Au contraire, Bill Clinton a été trouvé si aimable qu’aucune suite ait été donnée à cette catastrophe.
    • Aujourd’hui encore, l’on se demande où est le rapport public de toutes les aides financières internationales reçues par la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), coprésidée par Bill Clinton en 2010 ? Haïti ne peut pas consommer tous les millions volatilisés (CIRH, fond Petrocaribe, produits pétroliers, franchises douanières, ressources minières, transfert de devises) où sont passés tous ces argents? Dans quelle banque étrangère sont-ils transférés ? Combien d’étrangers sont bénéficiaires de ces fonds disparus, détournés ?
  1. Il y a urgence d’un retour à la paix sociale
  1. Devant l’apathie d’un Gouvernement, nous devons mettre en déroute le triangle politique mortel: a) oligarques véreux/représentants de l’International ; b) les politiciens apatrides ; c) les gangs. Ces derniers sont les moins dangereux et sont parfois victimes des deux autres.
  2. Nous sommes d’accord qu’il faut mettre fin aux activités des gangs. Mais, nous sommes en désaccord sur la méthode. Au fait, la solution haïtienne se cristallisera si elle provient des Haïtiens. En voici des orientations : Identifier les gangs et leurs commanditaires ;

ii.Dénoncer, arrêter et juger les gangs, leurs commanditaires et ceux qui détournent les fonds publics;

iii.Non- distribution réelle des armes et des munitions dans les douanes, les ports et par les particuliers ;

iv.Reprise du contrôle par l’État de l’Energie, les franchises douanières, les ressources minières ;

v.Réforme et épuration du personnel judiciaire et policier. Il nous faut des hommes tissés de courage, d’intégrité et de compétence. Ils sont peu, mais il en existe ;

vi.Renforcement des capacités de la Police et de la Justice répressive ;

vii.Création de deux nouvelles prisons de haute sécurité;

viii.Entraide judiciaire, coopération internationale, assistance technique, expertise policière et militaire étrangère sous les auspices de la Justice et la Police (pour un nombre spécifique d’arrestations, de procès dans un temps X). Gel des avoirs des commanditaires et des responsables des Banques.  Le signal de la fin du règne de la corruption et de l’impunité aurait été donné.  Dans cette forme de coopération : a) Pas de vis-à-vis comme sujet de droit international ; b) Tout sera sous le contrôle de l’État Haïtien ; c) Les experts seront sous les ordres de la Justice et de la Police ; d) Les experts sont justiciables par devant les Cours et Tribunaux haïtiens ; e) Toutefois, il seront

 

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/journal-d-ha%C3%AFti-et-des-am%C3%A9riques/20210923-ha%C3%AFti-daniel-foote-d%C3%A9missionne-et-d%C3%A9nonce-la-politique-

humaine-des-%C3%A9tats-unis

Marie Redon and Raoul Petit-Bel, Cahiers d’outre mer, Dossier Géopolitiques du riz, « Réduire l’insécurité mais augmenter la vulnérabilité ? Assistance alimentaire et riziculture n Haïti », p. 143-161

tenus d’agir suivant les normes professionnelles, la loi et leur conscience ;  de dire toute la vérité envers et contre tous ; de dénoncer tout écart ou infraction d’un responsable par devant les instances nationales ou internationales ;

ix.Mesures urgentes d’amélioration des conditions sociales et économiques (subvention partielle du carburant et reprise de la vie économique). L’État jouera véritablement son rôle de régulateur en proportion suffisante et l’arène sera toujours disponible pour ceux qui font la course aux millions.

x.Mesures de transparence et de reddition de compte dans l’administration publique. Le pouvoir au peuple !

 

  1. Une position suggérée
  2. De tout ce qui précède, «l’exemple n’est pas la seule façon d’éduquer, mais l’unique », pour reprendre l’autre. On ne construit pas un pays en ressassant des discours séducteurs et rébarbatifs, mais par l’exemple dont les effets s’étendront sur plusieurs générations. Si la Justice et la Police ne sont pas renforcées, les procès emblématiques ne sont pas tenus, les coupables ne sont pas condamnés, si l’Energie et la Douane sont confiées aux caprices du lucre, si la transparence et la reddition de compte ne deviennent pas des lois en Haïti, alors, aux prochaines élections, le Président du Conseil Électoral Provisoire s’exclamera impunément: « celui qui est élu Président n’était qu’à la sixième place. Mais j’ai dû accepter à cause des pressions de la communauté internationale. » Alors, les gangs ressurgiront de plus belle et les interventions militaires reviendront à leur terre promise, Haïti chérie !.
  3. Quant aux décideurs politiques actuels, ils doivent s’infliger la responsabilité de l’échec Haïtien. Vous ne vous êtes pas acquittés de vos devoirs. Si un enfant meurt de faim, son parent est indigne de lui demander de refuser un plat contaminé de son voisin. Des deux côtés, le mal est infini. Aux jeunes d’aujourd’hui de créer une troisième voie : « je m’en donne à manger ». Ainsi sont nées les grandes nations qui ont frayé une voie dans le sentier de l’impossible.
  4. Quant aux ressources minières, je crois qu’il faut exploiter notre potentiel en faisant appel intelligemment aux experts. Cela se fera dans la transparence, dans l’intérêt public de la nation et suivant un document préalablement et minutieusement examiné et publiquement débattu. Mais l’entreprendre à l’abri des regards, le consacrer par une intervention militaire signifie qu’il n’existe plus de défenseurs publics en Haïti.
  5. Par ailleurs, il existe une conception erronée très répandue selon laquelle les étrangers ont des amis en Haïti  qui sont que des corrompus. Attention ! Les Américains, les Canadiens n’ont pas d’amis. Ils n’ont d’affection ni pour X honnête, ni pour Z malhonnête. Il n’ont ni amour, ni haine contre l’Haïtien. Ils n’ont formé ni projet heureux, ni projet malheureux sur Haïti. Détrompez-vous !  C’est la loi des intérêts qu’ils défendent normalement comme dans une jungle. Ils n’ont pas une vision politique unique du monde. Les Américains n’ont pas hésité à assassiner l’un des plus grands présidents américains, Abraham Lincoln. Que vous soyez heureux ou malheureux, seuls les intérêts américains priment.

Les Américains ont tellement de préoccupations mondiales (dissensions internes, impact de la guerre en Ukraine, Energie, Économie, Chine, Corée du Nord, la concurrence internationale, etc. ), un pays comme Haïti ne saurait être leur priorité. Peut-être, ils vont essayer pour satisfaire des manitous qui se cachent derrière le rideau, sous le contrôle de diplomates les moins capables. Mais ils  n’assumeront guère leur échec en Haïti. Au fait, ils n’échouent point lorsque leurs intérêts sont jalousement protégés et les coûts astronomiques des missions ne leur sont pas imputables.

  1. Au fait, le drame haïtien est fondamentalement économique, social et judiciaire. Il n’est pas armé. Il n’y a pas de bandes armées autonomes en Haïti. Elles sont payées par des hommes d’affaires et des politiciens afin de sauver leur quotidien affamé. Si la solution de la communauté internationale ou d’un pays ne prend pas en compte la nature réelle du conflit haïtien, elle va créer des conflits plus aigus au bout du compte. Toutes les nations de la terre ont un mode d’être unique et irremplaçable. Chaque peuple est habité inconsciemment par un instinct naturel et populaire : le concept de Volksgeist. Les Haïtiens ont un sens bien singulier de la communauté. Ils ne le choisissent pas.
  2. En définitive, la décision du Conseil des Ministres est arbitraire. C’est un violent excès de pouvoir. Le Conseil des Ministres ne doit pas engager le destin de la nation, ensuite, feindre un consensus dans le souci de conserver le statu quo indésirable. Seules les affaires courantes de l’État compètent à un Gouvernement de fait. Si le peuple a besoin d’une aide humanitaire, il le négociera  dans les conditions qui lui conviennent et dans le respect de sa souveraineté. Les conditions criminelles donnant lieu à une intervention militaire ont été générées par le comportement irresponsables des autorités haïtiennes sous le silence objectif de l’International. (Raretés artificielles, kidnappings simulés et réels, taux de change, franchises douanières, ressources minières, etc.). Les complices du malheur du peuple haïtien ne sauraient concourir à son bonheur sans une reddition de compte préalable assortie de l’imputation des responsabilités. Le peuple a compris le jeu sordide et

honteux d’un État défaillant qui se déleste de toute responsabilité. Mettons fin à notre autodestruction.

  1. En vérité, de notre lâcheté collective, l’international a contribué au malheur de notre pays. « Se sòt ki bay, enbesil ki pa pran ». Mais, au fait, c’est nous qui en sommes les véritables responsables. A présent, pensons collectivement solution qui résultera de la volonté réelle et engagée des acteurs sous les auspices de leaders désintéressés et compétents. Dans notre impasse constitutionnelle, reconstruisons le pays suivant les principes généraux de droit et la légitimité populaire. Que disparaissent nos intérêts individuels pour que ceux du pays prévalent. Si nous refusons de trouver un accord, bon gré mal gré, un accord sera trouvé contre nous. Et le déshonneur que nous craignons sera notre quotidien.