Des organisations socio-politiques haïtiennes dénoncent un ‘‘génocide silencieux’’ piloté par l’ONU et Washington en Haïti…

Symboles des Nations-Unies et des Etats-Unis...

Lettre ouverte aux membres du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies pour solliciter un Examen de la responsabilité de l’ONU et de Washington dans la dégradation systématique  de la situation des droits de la personne en Haïti à l’occasion de la quarantième session de  l’Examen Périodique Universel (EPU)   

 Port-au-Prince, vendredi 4 février 2022– Nous, citoyens–citoyennes d’Haïti, Etat-membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU), ayant participé à la commission donnant naissance à la DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME du 10 décembre 1948, saisissons l’occasion de la tenue de la quarantième session de l’Examen Périodique Universel (EPU)   pour  vous exposer le tableau grimaçant de l’intervention onusienne-étasunienne en Haïti ; et vous éclairant sur les conséquences désastreuses des agissements de l’ONU et de Washington sur le présent et l’avenir du peuple haïtien. Nous saisissons également l’occasion pour vous exhorter, au nom de la citoyenneté mondiale, à ÉLEVER LA VOIX POUR DIRE NON AU GÉNOCIDE INSTITUTIONNEL ET PHYSIQUE ORCHESTRÉ PAR LES NATIONS UNIES ET WASHINGTON CONTRE LE PEUPLE HAÏTIEN.

Le tableau grimaçant de l’ONU au niveau institutionnel :

Première manœuvre

Le 9 juillet 2004, le représentant de l’ONU a paraphé un accord avec le Premier ministre haïtien pour la présence de troupes onusiennes sur le sol national tandis qu’aux termes de l’article 139 de la Constitution alors en vigueur en Haiti, un Premier ministre n’est pas qualifié ou autorisé à signer ni traité ni accord à cachet international. Cette prérogative revient uniquement au président de la République. Ce qui est une violation de l’article 14 de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités, car, « c’est l’ordre constitutionnel de chaque État qui définit la répartition des compétences entre les autorités nationales dans le processus de conclusion de traités. Seul son respect strict reflète le consentement de l’État à se relier juridiquement au traité ; une condition sine qua non pour l’efficacité juridique du traité. »

  Deuxième manœuvre  

La constitution haïtienne exige que tout accord signé par le président de la République soit soumis pour ratification au Parlement. Or, du 9 juillet 2004 à date, soit depuis plus de 17 ans, cet accord n’a jamais été ratifié par l’instance concernée, ce qui, de fait, l’invalide. Car, « Comme tout acte juridique, la validité est une condition incontournable. L’existence d’un vice de consentement (que ce soit l’incapacité des représentants de l’État à conclure un traité ou une ratification imparfaite) conduit à la nullité de l’acte » (Convention de Vienne, article 6, paragraphe 1). En conséquence, outre la précédente mission de stabilisation MINUSTAH, l’actuelle mission onusienne BINUH est scandaleusement inconstitutionnelle et viole de fait les dispositions de la Convention de Vienne.

Troisième manœuvre  

A travers une résolution (Rés.20 septembre 2011),  le Sénat haïtien eut à déclarer la MINUSTAH illégale et inconstitutionnelle réclamant ainsi son départ ordonné à conclure le 15 octobre 2012. Pourtant, c’est sans aucune décence que l’ONU introduit par la suite des soldats de la MINUSTAH dans la logistique électorale qui s’emploient à  transporter, entre autres, les bulletins de candidats-sénateurs.  Des représentants de la MINUSTAH au plus haut niveau ont même franchi librement l’enceinte du Parlement haïtien pour des rencontres.

Par ailleurs, faisant fi de la résolution du Sénat haïtien, les membres du Conseil de Sécurité approuvent un plan de consolidation de la MINUSTAH pour la période allant de 2013 à 2016.

 Quatrième manœuvre  

L’Organisation des Nations Unies dont la mission annoncée en 2004 était de contribuer à la stabilisation du pays a plutôt, en complicité avec des dirigeants locaux, marionnettes, contribué à la désinstitutionalisation et à la déstabilisation de notre pays. En effet, la Constitution haïtienne dispose que les élections doivent être tenues sous l’administration d’un Conseil Electoral Permanent. Pourtant, scrutin après scrutin, les Nations Unies ont approuvé et validé sans réserve des Conseils Electoraux Provisoires. Autrement dit, durant une présence de près d’une vingtaine d’années avec des missions renouvelées de l’ONU, les élus haïtiens sont de fait, à l’issue de chaque scrutin, des élus inconstitutionnels indécemment légalisés. Aucun d’eux ne peut saluer un quelconque apport stabilisateur de l’ONU en ce qui a trait à la conformité progressive du pays à ses normes constitutionnelles établies.

Cinquième manœuvre  

Au fil des scrutins défilent des dirigeants téléguidés à la présidence  avec la complicité de L’ONU et Washington. A noter la déclaration choc d’un ex-titulaire du Conseil Electoral Provisoire révélant à la presse haïtienne en juillet 2015 que pour la présidence « Les résultats publiés pour les élections de 2010 n’étaient pas ceux du Conseil Electoral ».

Sixième manœuvre 

L’ONU et Washington se sont souvent enorgueillis de contribuer loyalement au financement des élections en Haïti. Toutefois, au regard de ce qui précède, ils n’ont fait qu’utiliser les contributions financières des Etats membres et citoyens-citoyennes étasuniens à une entreprise malhonnête de déstructuration constitutionnelle permanente d’Haïti.

Septième manœuvre

Le 8 juillet 2021, l’ONU assène un nouveau camouflet à l’ordre constitutionnel haïtien en recevant à une réunion spéciale du Conseil de Sécurité un Premier ministre de facto, mal nommé, inconstitutionnellement installé.

 Huitième manœuvre   

Le Conseil de Sécurité de l’ONU n’entend pas se contenter d’un seul Conseil Régional, à savoir le CORE group. Désormais, il faudra compter avec le CORE group no 2 piloté depuis 2021 de l’autre côté de la frontière par la République dominicaine qui tient des rencontres ici et là et s’engage à pousser d’autres Etats Latino-Américains à voter pour des opérations militaires, évidemment, en vue de “sauver” Haïti et bien entendu la “stabiliser” c’est-à-dire stabiliser ou augmenter la misère, l’insécurité, le kidnapping, l’instabilité politique, l’ingérence, la possibilité de fédérer les bandes armées qui terrorisent la population…  .

Neuvième manœuvre   

L’ONU siège au cœur d’une ville étasunienne, New-York, distante de moins d’une heure de vol de la capitale, Washington. L’organisation n’a pas manqué d’être informée sur les propos insultants lancés à l’encontre d’Haïti par l’ancien locataire de la Maison blanche, Donald Trump.

Ce dernier, a traité notre pays de «  shithole ». Est-ce que l’ONU a jugé utile de dénoncer aussitôt ce comportement offensant et deshumanisant envers Haïti, un Etat-membre fondateur de l’organisation depuis 1945 ?

Il est aussi stupéfiant de constater l’incohérence de Washington, qui, suite à ces propos, n’a pas rappelé son personnel diplomatique préférant plutôt laisser ses citoyens-diplomates patauger jusqu’au cou dans le « shithole » !

Dixième manœuvre  

Washington, à intervalles réguliers, place le pays sur une échelle signifiant que l’espace haïtien est hautement insécuritaire. N’est-ce pas là un aveu d’échec de la prétendue stabilisation puisque la MINUSTAH avait pour mandat d’aider le gouvernement haïtien à mettre en place un environnement sûr et stable, à garantir le processus politique et la promotion des droits de l’homme, de sécurité citoyenne, le renforcement du système judiciaire, du système pénitentiaire,  du système électoral, le renforcement de l’État de droit… ? En même temps, Washington s’active depuis 17 ans sur le dossier d’Haïti  à travers ses représentants au Conseil de Sécurité de l’ONU, à  l’Organisation des Etats Américains (OEA) et au sein du CORE Group. Une question interpelle : Si Haïti est devenue sous leur regard la propriété des gangs armés, qui kidnappent, volent, violent, blessent et tuent sans oublier qu’ils créent une  masse silencieuse d’enfants, de jeunes et de vieillards blessés par balles et psychologiquement devenus du jour au lendemain des personnes à handicaps au niveau physique et mental,. qui sont les vrais responsables de ce désastre?

Une deuxième question s’impose donc : A quoi servent le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’OEA et le CORE GROUP si après 17 ans, le pays est devenu plus insécuritaire et invivable qu’avant leur présence soi-disant stabilisatrice ? Quel est le rôle fondamental joué par Washington et l’ONU dans la fabrication de cette situation hautement insécuritaire actuelle ? Et enfin, à quand la réparation due à Haïti au nom des 30 mille morts et les 800.000 infectés, victimes du choléra introduit par la mission onusienne MINUSTAH ? Ricardo Seitenfus met l’accent sur l’irrespect manifesté par l’ONU en ce qui concerne les victimes du choléra, questionne une telle attitude et interroge les violations qu’elle charrie. Il precise:”En plus de témoigner d’un manque de respect vis-à-vis des victimes et de leurs proches, l’attitude des Nations Unies est un affront aux principes juridiques les plus élémentaires des relations internationales. L’ONU est la gardienne des principaux instruments qui protègent les droits de l’homme. Comment, dès lors, comprendre et accepter que dans ces conditions elle s’exempte elle-même des effets de ses actes et de ses omissions ?

Distingués membres du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies,

Longtemps sur cette terre d’Haïti, nous avions appris à pratiquer une haute humanité. Déjà, l’Haïtienne Claire Heureuse Félicité Bonheur Dessalines s’employait avant 1804, à cacher des soldats français ennemis blessés pour les soigner. Ce comportement empreint de citoyenneté mondiale la plaçait ainsi en avance de plus d’un siècle sur la Convention internationale relative au traitement réservé aux blessés de guerre adoptée à Genève en 1949.

En cette quarantième session de  l’Examen Périodique Universel (EPU) concernant notamment notre pays, nous, citoyens-citoyennes de cet Etat-membre fondateur de l’ONU, vous exhortons à examiner en particulier le niveau de responsabilité de l’ONU et de Washington dans la fabrication de cette situation insécuritaire et insupportable de notre pays et à  agir pour les aider à sortir de leur sous-humanité dans le dossier d’Haïti, seul pays des Caraïbes et de l’Amérique latine sous tutelle en cette période même de la décennie des personnes d’ascendance africaine.

Oui ! Au nom de la Citoyenneté mondiale,

OSEZ DIRE NON AU GÉNOCIDE SILENCIEUX PILOTÉ PAR LES NATIONS UNIES ET WASHINGTON !!!

Suivent les signatures :

Camille Chalmers/ Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) <chalmerscamille6@gmail.com>

Ivito Mackandal, ReZo Oganizasyon Zòn Lwès

Guy Numa/ Konbit Oganizasyon Politik Sendikal ak Popilè yo (KONBIT) <guynuma2001@yahoo.fr>

Kerby Joseph/Reseau des Organisations du Nord-Ouest

Cilien Luxenat / Komite Mobilizasyon Lekòl Nòmal  Siperyè

David Oxygène/Mouvement de Liberté, d’Egalité des Haïtiens pour la Fraternité (MOLEGHAF)

Paul Andre Garconet/ Rigaud Velumat /Latibonit Kanpe pou Ayiti ( LAKAY)

Josué Mérilien /Union Nationale des Normaliens/nes d’Haiti ( UNNOH)  <merilien2001@yahoo.fr>