Par Daly Valet,
Port-au-Prince, 29 juin 2020- La Constitution haïtienne a aboli les décrets-lois. Les transferts de compétences et de prérogatives, fussent-ils temporaires, sont ainsi interdits dans la loi mère. Il nous reste à abolir les décrets dans notre prochaine réforme constitutionnelle.
À défaut d’une abolition totale, la nouvelle Constitution devra définir et préciser les circonstances exceptionnelles dans lesquelles un décret pourra être adopté. Ce seront des décrets spécifiques dans des contextes d’urgence ou d’exception extraordinaires induits, entre autres causes collectivement admises, par l’absence non provoquée d’un Parlement fonctionnel. Les champs d’intervention de l’Exécutif, en sa capacité à imposer des décrets, devront être délimités et expressément circonscrits à des domaines précis. Une République cesse d’être une démocratie pour s’inscrire dans les paramètres du crypto-autotarisme et de l’illibéralisme quand il ne reste qu’un seul pouvoir d’État debout, et quand un pouvoir orchestre le démembrement
d’autres pouvoirs, neutralise et phagocyte les contre-pouvoirs.
De Preval à Jovenel, nos présidents se sont arrangés pour ne pas organiser d’élections selon les échéances constitutionnelles et provoquer ainsi la caducité du Parlement. C’est justement à la faveur de ce vide au niveau du pouvoir législatif que l’Exécutif s’octroie les pleins pouvoirs pour abuser de ses prérogatives constitutionnelles l’habitant à adopter des décrets. Ce sont ces prérogatives qu’il nous convient d’abolir ou du moins encadrer dans leur exercice. Nos présidents ne sauraient continuer à organiser impunément la faillite de nos institutions et profiter en même temps de leurs propres défaillances et malices.
La Constitution est à reformer coûte que coûte. Elle comporte trop de brèches qui favorisent la paralysie, le dysfonctionnement institutionnel et les abus de pouvoir. La Constitution se révèle être sa propre fossoyeuse. Les dérives autoritaires, les dévoiements institutionnels, notamment présidentiels et parlementaires, ont pour sources les silences, les incohérences et contradictions internes de la Constitution.
Au moins, avec les décrets-lois, le pouvoir exécutif a pour obligation de les soumettre au Parlement pour réexamen et sanction une fois les parlementaires revenus de vacances. Par contre, dans le cas des décrets, le pouvoir exécutif décide en première et dernière instance sans possibilité de réexamen parlementaire. Vous comprendrez, dès lors, pourquoi nos présidents aiment tant opérer en mode _pneu tubeless_ . Donc sans Chambres.
Réformer la Constitution, c’est surtout neutraliser le président de la République et le Parlement dans leur capacité à abuser de leurs pouvoirs.