Port-au-Prince, le 9 octobre 2020 (RHInews)- Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a mis en circulation le 7 octobre 2020 son rapport annuel 2019/2020 sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien.
Ce rapport a mis à nu les faiblesses et l’inertie quasi-totale de l’appareil judiciaire, avec pour toile de fond scandales et corruption.
Le RNDDH a rappelé que le bilan de l’année judiciaire 2019/2020 n’a eu aucun impact positif sur la détention préventive illégale et arbitraire. De septembre 2019 à septembre 2020, le taux de détenus en attente de jugement est passé de 72,37% à 78,67%, tandis que le taux des condamnés a diminué en passant de 27,62% à 21,32%.
Plus loin, dans ce document de 27 pages, le RNDDH a précisé que 33 nouveaux juges viennent grossir la liste des magistrats en attente de reconduction de leur mandat par l’Exécutif haïtien. Le mandat de d’une soixantaine de juge n’a pas été renouvelé depuis plusieurs années en dépit du fait que le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ait soumis une liste de juges dont le mandat à expiré.
“L’année judiciaire 2019/2020 qui s’est démarrée sur fond de crise socio-politique, s’est achevée sur l’assassinat du bâtonnier de l’Ordre des Avocats de la capitale, Me. Montferrier Dorval, prouvant ainsi que la situation sécuritaire du pays s’est aggravée et que la justice a failli à son rôle dissuasif “, a écrit cet organisme de défense des droits humains, plaidant, par ailleurs, pour le renforcement de l’inspection judiciaire du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) en lui octroyant des moyens nécessaires de travail.
Au cours de l’année 2019, plusieurs tribunaux de paix et palais de justice ont été incendiés, lors des commotions sociales et mouvements anti-gouvernementaux, a rappelé le RNDDH. Au nombre desquels figurent, les tribunaux de paix de Jacmel, de Petit-Goâve, de la Section est de Port-au-Prince, les Palais de justice d’Aquin, de Saint-Marc, les tribunaux de première instance des Gonaïves et ceux des sections sud et nord.
En ce qui a trait à l’organisation des audiences criminelles sans assistance de jury dans 11 des 18 juridictions judiciaires du pays, sur 179 cas fixés, 130 ont été entendus et 40 renvoyés.
Concernant les arrêts de travail observés dans le système, il est á rappeler la grève du 11 février au 1er mars 2020, de l’Association Nationale des Magistrats haïtiens (ANAMAH) contre l’insécurité et l’Association Nationale des Greffiers Haïtiens (ANAGH) et le Syndicat des Greffiers Haitiens (SYGH), le 28 juillet 2020.
Ce rapport a pris en compte également de nombreuses agressions dont faisaient l’objet plusieurs juges entre le 9 mars 2020 et le 19 juin 2020. Sur cette liste figurent, le doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, Me Bernard Saint-Vil, le juge Durin Duret Junior, le magistrat Jean Bellot Donissaint, le substitut du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Fritz Gérald Cerizier, Me. Jean Etienne Mercier, juge d’instruction au tribunal de première instance de Port-au-Prince. Et finalement, Me. Jacques Lafontant, ex-commissaire du gouvernement de Port-au-Prince (30 juillet 2020) et Me. Monferrier Dorval (28 août 2020).
Les dossiers de l’arrivée au pays du chef du FRAPH, Emmanuel Toto Constant et de l’arrestation de l’ancien député Arnel Bélizsaire ont été passés au crible dans ce rapport qui relate également de nombreux scandales, notamment le dossier de détournement de fonds par les chefs de juridiction de Fort-Liberté, la disparition des corps du délit au Décanat de Port-au-Prince et l’agression physique à l’encontre de la greffière Yolette Florent du tribunal de paix de Thomonde.
L’assassinat du journaliste Néhémie Joseph et du père Joseph Simoly ont a été également relaté, ainsi que le dossier de corruption au sénat, du parlementaire-questeur Onondieu Louis.
Parallèlement, le RNDDH a signalé le fait que le Ministère de la justice et de la Sécurité Publique a organisé plusieurs rencontres avec des chefs de parquets des 18 tribunaux de première instance en vue de leur passer des instructions formelles pour sévir contre les bandits.
Le RNDDH a recommandé des enquêtes sur le fonctionnement des décanats du pays, notamment celui de Port-au-Prince et également sur le comportement des doyens des 18 juridictions de première instance du pays. En plus de cela, il a estimé nécessaire de se pencher sur les conditions dans lesquelles fonctionnent les tribunaux de paix du pays, en leur fournissant des matériels de fonctionnement, en fonction des besoins spécifiques de chacun.