PORT-AU-PRINCE, lundi 3 février 2025-Dans une correspondance datée du 31 janvier 2025 adressée à Me Lufrantz Dort, conseiller de l’Ordre des avocats du Barreau de Saint-Marc, Me Samuel Madistin a affirmé avec force que la Cour d’appel de Port-au-Prince ne peut, sur le seul appel de la partie civile, remettre en question une ordonnance de non-lieu obtenue par les membres du conseil d’administration de la Unibank. Il soutient que « la partie civile ne peut exercer aucun recours contre une ordonnance de non-lieu non contestée par le représentant du ministère public ».
Selon Me Madistin, cette position est confortée par une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui rappelle que le droit pénal est un droit strict où chaque partie agit en fonction de ses intérêts spécifiques. « La partie civile et la partie civilement responsable interviennent pour leurs intérêts civils, la partie prévenue pour la défense de ses droits et de sa liberté, et le ministère public défend l’action publique, donc l’intérêt général », précise-t-il.
Il cite l’article 10 de la loi du 29 juillet 1979 sur l’appel pénal, qui permet à la partie civile de faire appel de l’ordonnance du juge d’instruction, mais souligne que l’exercice de toute action en justice repose sur quatre éléments essentiels : le droit, l’intérêt, la capacité et la qualité. « Si un seul de ces éléments manque, l’action du justiciable est irrecevable en justice », tranche-t-il.
Me Madistin appuie son argumentation sur deux arrêts de la Cour de cassation. Le premier, rendu le 16 mai 2007 dans l’affaire Adeline Adolphe contre Sanon Bastien, a établi que « seul le ministère public, qui a le monopole de l’exercice de l’action publique, est habilité à exercer un pourvoi contre une ordonnance de non-lieu ». La partie civile n’a donc pas qualité pour contester une telle décision. Cette jurisprudence a été confirmée dans un arrêt du 23 mai 2011 concernant le pourvoi des sieurs Joe Arnaud Desile et Déus Dérilus. La Cour avait alors statué que « la cour d’appel de Port-au-Prince ne peut, sans violer la règle de non-cumul de la poursuite et de l’instruction, ouvrir une instruction contre un inculpé déjà renvoyé hors des liens de la prévention ».
Dans le cadre du dossier de l’assassinat de Jovenel Moïse, Me Madistin rappelle que deux de ses clients ont bénéficié d’un non-lieu en première instance et que, faute d’appel du ministère public, cette décision est devenue définitive. Il explique que « le commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince a mis ces inculpés en liberté et a ordonné à la DCPJ de leur restituer les objets saisis lors des perquisitions ». Il souligne que même en appel, le parquet n’a pas convoqué ces personnes, car il est conscient que l’appel des parties civiles et des inculpés ne saurait donner lieu à de nouvelles inculpations.
Me Madistin ironise sur l’attitude de Me Caleb Jean-Baptiste, à l’origine du recours, estimant que ce dernier tente d’instrumentaliser la procédure judiciaire sans fondement juridique valable. « Il peut continuer à faire son cirque. Le ridicule ne tue pas », lance-t-il, ajoutant que toutes les actions de Me Jean-Baptiste contre la banque sont vouées à l’échec. Il conclut en affirmant que le jeune avocat, qui le considère comme un mentor, est en train de recevoir une leçon de procédure judiciaire : « Il va faire son stage avec moi dans le cadre de ce procès. Il doit apprendre cette leçon pour le reste de sa vie ».
“Cette position, fondée sur une jurisprudence constante et une analyse rigoureuse du droit pénal haïtien, rappelle la primauté du ministère public dans l’exercice de l’action publique et confirme que le non-lieu non contesté demeure inattaquable.”