PORT-AU-PRINCE, lundi 23 décembre 2024 – Selon une source judiciaire, l’ex-président du conseil d’administration de la Banque Nationale de Crédit (BNC), Pascal Raoul Pierre-Louis, ferait désormais l’objet d’un mandat international émis par le magistrat en charge de l’enquête sur un scandale de corruption de 100 millions de gourdes impliquant trois conseillers-présidents du Conseil Présidentiel de Transition (CPT).
En octobre 2024, un rapport accablant de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a révélé des échanges incriminants entre Pascal Raoul Pierre-Louis et Louis Gérald Gilles, indiquant qu’une somme de 100 millions de gourdes aurait été exigée pour garantir le maintien de Pierre-Louis à la tête de la BNC. Les preuves incluent des conversations WhatsApp entre les deux hommes, mettant en lumière des négociations sur des avantages financiers, notamment l’octroi de cartes de crédit.
Un événement central dans cette affaire est une réunion tenue dans la chambre 408 de l’hôtel Royal Oasis, organisée par Louis Gérald Gilles avec la participation de Lonick Léandre. Selon les investigations, les conseillers-présidents auraient demandé 100 millions de gourdes à Pascal Raoul Pierre-Louis pour soutenir sa reconduction à son poste.
Un procès-verbal rédigé par le juge de paix Fritz Veus, ainsi qu’une lettre datée du 24 juillet 2024 adressée par Pierre-Louis au Premier ministre Gary Conille, constituent des pièces maîtresses du dossier. Dans cette lettre, Pierre-Louis détaille les exigences financières des conseillers-présidents et accuse formellement ces derniers d’extorsion. Une analyse des communications téléphoniques a également révélé des échanges fréquents entre Pascal Pierre-Louis, Lonick Léandre et Louis Gérald Gilles.
L’enquête a par ailleurs mis en évidence l’utilisation présumée de fonds d’intelligence de la Présidence pour couvrir ces transactions, soulevant de sérieuses interrogations sur la gestion opaque des finances publiques.
Après la publication du rapport de l’ULCC, Pascal Pierre-Louis a été démis de ses fonctions et s’est réfugié à l’étranger, refusant de répondre aux convocations du juge d’instruction. Invoquant des raisons de sécurité, il a demandé, via son avocat, d’être entendu par visioconférence. Son absence répétée a conduit à l’émission d’un mandat international à son encontre.
Dans cette affaire, des mandats d’amener pourraient également être émis sous peu contre Louis Gérald Gilles et Smith Augustin, accusés d’abus de fonction et de corruption passive. Selon le rapport de l’ULCC, Pascal Pierre-Louis est, quant à lui, poursuivi pour corruption active et complicité. Des cartes de crédit préapprouvées d’une valeur totale de 20 000 USD pour les trois membres du CPT et de 13 500 USD pour Lonick Léandre auraient été émises par la BNC à leur demande. Ces cartes ont été activement utilisées jusqu’à l’ouverture de l’enquête.
Les accusés rejettent ces accusations, affirmant qu’il s’agit d’un complot politique visant à nuire à leur réputation. Louis Gérald Gilles, dans un communiqué, a déclaré : « Ces accusations ne sont qu’une machination politique. Nous sommes innocents. » Gilles a également récusé les magistrats du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, tandis que Vertilaire a interjeté appel, invoquant une juridiction spéciale en raison de leur statut de conseillers-présidents. Cette démarche a suscité de vives critiques de la société civile et de certains acteurs politiques, qui dénoncent une tentative de blocage de l’instruction. Plusieurs organisations ont d’ailleurs exigé leur suspension du CPT pour garantir un procès équitable.
Dans le cadre de l’instruction, l’ancien ministre du Commerce, Jonas Coffy, est convoqué au cabinet d’instruction le 27 décembre en qualité de témoin. Coffy a récemment déclaré à plusieurs médias que Smith Augustin lui aurait confié l’existence de négociations financières entre Pascal Pierre-Louis et les conseillers-présidents pour garantir le maintien de ce dernier à son poste.
Par ailleurs, le magistrat instructeur Benjamin Félismé a déjà auditionné Fritz William Michel, ancien Premier ministre désigné, et Éric Smarki Charles, en tant que témoins. Ces auditions visent à établir les responsabilités dans ce scandale qui secoue le Conseil Présidentiel de Transition.
Marie Myrtho Midy Louis, directrice des opérations de cartes de crédit à la BNC, également convoquée à témoigner, ne s’est pas présentée. Une source judiciaire a précisé que l’huissier chargé de sa convocation n’a pas pu localiser son adresse, entraînant l’émission imminente d’une nouvelle convocation.