NEW-YORK, jeudi 13 mars 2025– Les attaques systématiques d’Israël contre la santé sexuelle et reproductive à Gaza sont qualifiées « d’actes génocidaires » par une Commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, selon un rapport publié le 13 mars.
La Commission affirme que les autorités israéliennes ont détruit une partie de la capacité des Palestiniens à Gaza à avoir des enfants en ciblant les infrastructures de soins de santé sexuelle et reproductive. Cette destruction systématique, selon le rapport, correspond à deux catégories d’actes génocidaires définis par le Statut de Rome et la Convention sur le génocide : l’infliction délibérée de conditions de vie visant à entraîner la destruction physique d’un groupe et l’imposition de mesures destinées à empêcher les naissances.
D’une manière plus large, le rapport met en évidence un recours accru à la violence sexuelle et aux violences basées sur le genre contre les Palestiniens, s’inscrivant dans un effort visant à saper leur droit à l’autodétermination. Ce constat émane de la Commission internationale indépendante d’enquête de l’ONU sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et sur Israël.
Les enquêteurs de l’ONU rappellent qu’un génocide est défini comme un crime visant à détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Parmi les cinq catégories d’actes pouvant constituer un génocide, la Commission estime que deux s’appliquent à la situation à Gaza : les mesures entravant les naissances et l’imposition de conditions de vie entraînant la destruction physique d’un groupe.
La Commission a également recensé des cas où des femmes et des jeunes filles, y compris des patientes en maternité, ont été délibérément prises pour cible, ce qui constitue, selon le rapport, un crime contre l’humanité et un crime de guerre.
L’un des éléments majeurs du rapport concerne le ciblage des infrastructures de soins de santé reproductive. Des attaques directes ont visé des maternités ainsi que la principale clinique de fécondation in vitro (FIV) de Gaza, al-Basma. En décembre 2023, cette clinique, qui conservait des milliers d’embryons et fournissait des services médicaux à des milliers de patients chaque mois, a été détruite par les forces de sécurité israéliennes. Lors de cette attaque, près de 4 000 embryons ainsi que 1 000 échantillons de sperme et d’ovules non fécondés ont été anéantis. La Commission considère cette destruction comme une tentative explicite d’empêcher les naissances palestiniennes à Gaza, ce qui, selon elle, constitue un acte génocidaire.
Au-delà des infrastructures détruites, le rapport souligne que les violences sexuelles et sexistes ont atteint un niveau inédit dans le territoire palestinien occupé. La Commission affirme que ces violences font partie d’une stratégie de guerre visant à dominer et à détruire le peuple palestinien.
Parmi les formes spécifiques de ces violences figurent le déshabillage et la nudité forcés en public, le harcèlement sexuel, y compris des menaces de viol, ainsi que des agressions sexuelles. Des soldats israéliens auraient filmé ces actes et publié les vidéos en ligne, humiliant délibérément des femmes palestiniennes en raison de leur sexe et de leur appartenance ethnique.
Le rapport documente également des actes de violence sexuelle commis à l’encontre d’hommes palestiniens lors d’opérations militaires, notamment aux points de contrôle et durant les évacuations à Gaza et en Cisjordanie. Ces actes incluent la nudité publique forcée, le déshabillage imposé et diverses formes de harcèlement et d’abus sexuels. La Commission affirme que ces violences ont été commises soit sous ordre explicite, soit avec l’encouragement implicite des hauts responsables civils et militaires israéliens.
En Cisjordanie, la Commission souligne que les colons israéliens bénéficient d’une impunité totale concernant les crimes sexuels et sexistes, qui visent à terroriser la population palestinienne et à la forcer à quitter ses terres.
Face à ces accusations, Israël a catégoriquement rejeté le rapport, le qualifiant de biaisé et critiquant la méthodologie employée par la Commission. Selon la Mission permanente d’Israël auprès de l’ONU à Genève, la Commission « se contente délibérément d’un degré de corroboration moindre » et inclut des informations « provenant de sources de seconde main, uniques et non corroborées », ce qui, selon Israël, va à l’encontre des normes de vérification de l’ONU.
La publication du rapport s’est accompagnée de deux jours d’auditions publiques à Genève les 11 et 12 mars, au cours desquels des victimes, des témoins, du personnel médical, des juristes et des experts ont été entendus.
Enfin, la Commission rappelle qu’un précédent rapport publié en juin 2024 avait également mis en cause des groupes armés palestiniens pour des crimes de guerre commis lors de l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël. Ce document mentionnait notamment des violences sexuelles perpétrées contre des femmes israéliennes.