PÉKIN, mardi 4 février 2025- Pékin a annoncé ce mardi l’imposition de droits de douane ciblés sur certaines importations américaines et a placé plusieurs entreprises, dont Google, sous surveillance pour d’éventuelles sanctions. Cette réponse mesurée intervient après la décision du président Donald Trump d’imposer de nouvelles taxes douanières sur l’ensemble des exportations chinoises vers les États-Unis.
L’incertitude demeure quant à un éventuel échange entre Trump et son homologue chinois Xi Jinping, un dialogue qui pourrait s’avérer crucial pour désamorcer la situation. Le conseiller économique de la Maison-Blanche, Peter Navarro, avait laissé entendre que les deux dirigeants devaient se parler dans la journée, une déclaration qui avait brièvement rassuré les marchés et entraîné une hausse des cours boursiers et des prix du pétrole. Toutefois, le Wall Street Journal a rapporté qu’un responsable américain avait démenti toute conversation prévue entre Trump et Xi pour ce mardi.
En imposant un tarif supplémentaire de 10 % sur toutes les importations chinoises, Washington a placé Pékin dans une position délicate. L’administration chinoise, plutôt que d’opter pour des représailles de grande ampleur, a choisi d’appliquer des mesures limitées, laissant ainsi une porte ouverte aux négociations. Selon la société de recherche britannique Capital Economics, les nouveaux droits de douane chinois concerneraient environ 20 milliards de dollars d’importations annuelles en provenance des États-Unis, alors que les mesures de Trump toucheraient environ 450 milliards de dollars de produits chinois.
Julian Evans-Pritchard, expert en économie chinoise chez Capital Economics, a qualifié ces contre-mesures de “modérées” et destinées avant tout à “envoyer un message” à Washington. La Maison-Blanche a récemment suspendu la menace d’une taxe de 25 % sur les importations en provenance du Mexique et du Canada, accordant un sursis de 30 jours en échange de concessions sur la sécurité frontalière et la lutte contre la criminalité transnationale. Cette décision a donné l’espoir que la Chine pourrait également négocier une exemption.
L’Union européenne se prépare également à une confrontation avec Washington. Donald Trump a suggéré dimanche que l’Europe pourrait être la prochaine cible de ses politiques tarifaires, sans toutefois préciser de calendrier. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré que Bruxelles serait prête à des négociations difficiles tout en insistant sur la nécessité de préserver une relation commerciale équilibrée avec les États-Unis. Elle a affirmé que l’UE resterait “ouverte et pragmatique” dans ces discussions, tout en défendant ses intérêts avec fermeté.
Parmi les nouvelles mesures chinoises annoncées figure une taxe de 15 % sur le charbon et le gaz naturel liquéfié (GNL) américains, ainsi qu’un tarif de 10 % sur le pétrole brut, certains équipements agricoles et une sélection de véhicules, notamment des camions et des berlines à gros moteur importés des États-Unis. Pékin a également lancé une enquête pour pratiques anticoncurrentielles visant Google et a placé la holding PVH Corp, propriétaire de Calvin Klein, ainsi que la société de biotechnologie américaine Illumina sur une liste d’entreprises pouvant être sanctionnées.
Dans un communiqué, PVH a exprimé sa “surprise” et sa “profonde déception” face à cette décision, affirmant respecter scrupuleusement les réglementations en vigueur. Illumina a également déclaré être en conformité avec toutes les lois et régulations des pays où elle opère. Google, quant à lui, n’a pas souhaité commenter l’ouverture de l’enquête chinoise.
Pékin a par ailleurs annoncé l’imposition de restrictions à l’exportation sur certains métaux stratégiques, notamment le tungstène, utilisé dans l’industrie électronique, l’armement et les panneaux solaires. Cette décision pourrait perturber certaines chaînes d’approvisionnement mondiales.
Une taxe de 10 % sur les camions électriques américains pourrait notamment affecter le Cybertruck de Tesla, modèle que la firme d’Elon Musk promeut activement en Chine. Tesla n’a pas encore réagi à cette annonce. Toutefois, ces nouvelles taxes ne prendront effet que lundi prochain, laissant une courte fenêtre de négociation aux deux pays pour tenter d’éviter une nouvelle escalade commerciale.
Ce bras de fer s’inscrit dans la continuité de la guerre commerciale entamée lors du premier mandat de Donald Trump, qui avait conduit à une série de représailles tarifaires affectant les chaînes d’approvisionnement mondiales et pesant sur l’économie mondiale. L’institut Oxford Economics a estimé que cette nouvelle salve de sanctions augmentait la probabilité d’autres taxes à venir et a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour la Chine.
Trump a par ailleurs menacé d’intensifier encore les sanctions si Pékin ne prenait pas des mesures concrètes pour stopper l’exportation de fentanyl vers les États-Unis. La Chine, qui considère cette crise comme un problème interne aux Américains, a dénoncé ces accusations et a annoncé son intention de contester ces nouvelles taxes devant l’Organisation mondiale du commerce. Pékin a également averti qu’il prendrait d’autres mesures de rétorsion tout en restant ouvert aux négociations.
Malgré l’intensification des tensions, certains observateurs estiment que les deux parties pourraient parvenir à un compromis dans les semaines à venir. Gary Ng, économiste senior chez Natixis à Hong Kong, a déclaré que “même si un accord partiel est conclu, il est probable que les tarifs douaniers continueront d’être utilisés comme un outil de pression, ce qui alimentera une volatilité persistante sur les marchés”.
Alors que le Mexique et le Canada ont temporairement évité la tempête en acceptant de renforcer leur coopération avec Washington sur le contrôle des frontières, l’Europe se prépare à entrer dans la bataille commerciale. Le commissaire européen au commerce, Maros Sefcovic, a exprimé sa volonté d’engager des discussions rapides avec l’administration américaine afin d’éviter l’imposition de nouvelles taxes douanières. Il a insisté sur la nécessité d’un “engagement constructif” pour éviter une confrontation ouverte avec Washington.