PORT-AU-PRINCE, vendredi 31 janvier 2025– Le président colombien Gustavo Petro a appelé ses compatriotes travaillant sans statut légal aux États-Unis à quitter leur emploi et à revenir en Colombie dès que possible.
“La richesse n’est produite que par les travailleurs”, a-t-il déclaré dans un message publié tôt ce matin sur la plateforme X. “Construisons la richesse sociale en Colombie.”
Le chef d’État a annoncé que son gouvernement mettrait en place un programme de prêts pour aider ceux qui accepteraient son appel et souhaiteraient créer une entreprise dans leur pays d’origine.
Cette déclaration intervient dans un contexte de tensions diplomatiques avec Washington, exacerbées par une crise migratoire qui a failli provoquer une guerre commerciale entre les deux pays. Le week-end dernier, Petro a vivement critiqué l’administration de Donald Trump, dénonçant le traitement réservé aux migrants en situation irrégulière, qui sont menottés et expulsés à bord de vols militaires vers l’Amérique latine. La situation s’est envenimée lorsque Petro a refusé l’atterrissage de deux vols de déportation, suscitant la colère du président américain.
Face aux pressions des investisseurs qui craignaient que la position de Petro ne nuise à l’économie colombienne, fortement dépendante des exportations vers les États-Unis, les deux gouvernements ont fini par négocier une trêve.
Selon l’organisation Witness at the Border, qui suit les vols de déportation, la Colombie a accepté 475 vols de retour forcé en provenance des États-Unis entre 2020 et 2024, se classant au cinquième rang derrière le Guatemala, le Honduras, le Mexique et le Salvador. Rien qu’en 2024, 124 vols ont été enregistrés.
Un document publié en novembre 2024 par le Service des douanes et de l’immigration des États-Unis (ICE) révèle qu’à la fin de l’année dernière, 27 388 Colombiens en situation irrégulière étaient inscrits dans le dossier des non-détenus de l’ICE avec des ordres définitifs d’expulsion.
Toutefois, l’ICE n’a pas précisé les raisons spécifiques pour lesquelles ces migrants n’ont pas encore été expulsés. L’agence a souligné que certains d’entre eux ont demandé une protection contre l’expulsion, comme l’asile, la suspension du programme d’expulsion ou encore la protection en vertu de la Convention internationale contre la torture. Par ailleurs, le programme “Catch and Release”, mis en place sous l’administration Biden, a permis à de nombreux migrants de rester libres en attendant leur audience devant les tribunaux de l’immigration.
Pour ceux qui restent susceptibles d’être expulsés, l’ICE dépend de la coopération des autorités colombiennes, notamment via la délivrance de documents de voyage connus sous le nom de “visas d’urgence” et l’acceptation du retour physique des migrants sur des vols commerciaux, charters ou militaires.
Si les États-Unis décidaient d’expulser immédiatement les 27 388 migrants colombiens en attente, le processus prendrait au moins six mois. Un avion militaire pouvant transporter entre 84 et 100 personnes, et un avion commercial environ 120 passagers, cela représenterait environ 274 vols. À raison d’un vol par jour, il faudrait plus de six mois pour expulser tous les migrants concernés.
Entre 2020 et 2024, les États-Unis ont expulsé 28 645 Colombiens sans papiers, dont 14 268 rien qu’en 2024.
Après avoir accueilli ses trois premiers vols d’expulsés des États-Unis, l’armée de l’air colombienne (FAC) a estimé que chaque vol coûtait environ 733 millions de pesos colombiens (environ 176 000 dollars), soit 1 760 dollars par migrant.
Si la Colombie devait financer le retour des 27 388 migrants figurant sur la liste de l’ICE, la facture dépasserait 200 milliards de pesos (environ 48 millions de dollars).
Si les États-Unis continuaient de financer ces expulsions, le coût serait encore plus élevé. Selon The Economist, un vol de 12 heures à bord d’un C-17 ou d’un C-130E, utilisés pour les “rapatriements de migrants” par le Pentagone, pourrait coûter entre 816 000 et 852 000 dollars.
Récemment, Tom Homan, nouveau “tsar des frontières” de l’administration Trump, a déclaré que la mise en œuvre d’une expulsion massive nécessiterait un financement de 86 milliards de dollars, reconnaissant que l’opération serait “coûteuse” mais, selon lui, “nécessaire”.
L’appel du président Petro à un retour volontaire des migrants s’inscrit donc dans un contexte complexe, mêlant tensions diplomatiques, enjeux économiques et coûts logistiques élevés, alors que des milliers de Colombiens restent en attente d’une décision sur leur avenir aux États-Unis.