CATATUMBO, (Colombie), samedi 25 janvier 2025– En Colombie, la région du Catatumbo, située à la frontière avec le Venezuela, est devenue le théâtre d’un conflit meurtrier entre des groupes armés. Depuis plusieurs semaines, les affrontements entre la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) et des dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont plongé la région dans le chaos. Le bilan humain et social est alarmant : plus de 100 morts, 36 000 déplacés, et des communautés entières terrorisées. Face à cette situation critique, le gouvernement colombien a décidé de passer à l’offensive militaire pour tenter de reprendre le contrôle de ce territoire stratégique.
L’armée colombienne, forte de 9 000 soldats déployés dans cette région, a reçu pour mission de repousser l’ELN et de sécuriser les zones affectées. Le ministre de la Défense, Iván Velásquez, a confirmé que des affrontements directs avaient déjà eu lieu, marquant une étape cruciale dans cette opération militaire. « L’ordre est de prendre le territoire », a-t-il déclaré depuis Cucuta, une ville frontalière. Les autorités espèrent ainsi contenir les violences qui ravagent cette région marquée par la culture de la coca et le trafic de cocaïne, dont la Colombie reste le premier producteur mondial.
Le président Gustavo Petro, pourtant élu sur une promesse de paix, a dû faire un choix difficile en suspendant les négociations avec l’ELN, lesquelles n’avaient plus avancé depuis plusieurs mois. Les mandats d’arrêt contre une trentaine de chefs de cette guérilla ont été réactivés, marquant un revers important pour sa politique de réconciliation. Les violences perpétrées par l’ELN contre les civils dans le Catatumbo ont brisé tout espoir immédiat de dialogue. Cette rupture, selon des analystes comme Yann Basset, professeur de sciences politiques à l’université du Rosario, était devenue inévitable face à l’impasse des discussions.
La situation géopolitique complique davantage le conflit. Les services de renseignements colombiens accusent le Venezuela de servir de refuge à plusieurs dirigeants de l’ELN. Cette proximité géographique et politique rend les opérations militaires délicates. Le ministre Velásquez s’est entretenu avec son homologue vénézuélien, le général Vladimir Padrino, pour évoquer la sécurité transfrontalière, mais la méfiance entre les deux pays persiste. Le gouvernement colombien n’a jamais reconnu officiellement la réélection de Nicolás Maduro, renforçant la tension diplomatique entre Bogotá et Caracas.
Dans cette région, la population civile est prise au piège. Les combats ont provoqué des déplacements massifs, des villages entiers étant désertés sous la menace des armes. Des camps de fortune ont vu le jour dans le nord de Santander, où des familles, dont de nombreux enfants et personnes âgées, survivent dans des conditions précaires. L’ONU a exprimé son inquiétude face à cette crise humanitaire et a exhorté les parties au respect du droit international humanitaire. Son représentant en Colombie, Carlos Ruiz Massieu, a encouragé le gouvernement à continuer d’explorer des solutions de dialogue, tout en protégeant les communautés locales.
Le Catatumbo est depuis longtemps une zone convoitée pour sa position stratégique et ses ressources liées au narcotrafic. La région est aussi le reflet des luttes internes de la Colombie pour atteindre une paix durable. Malgré l’accord de paix signé en 2016 avec les FARC, des dissidents refusent de déposer les armes et s’affrontent aujourd’hui avec l’ELN, ajoutant une couche supplémentaire de complexité au conflit. Cette dernière tente de s’imposer en maître dans cette région, où convergent les intérêts économiques liés à la drogue et les rivalités entre factions armées.
La communauté internationale observe avec préoccupation l’évolution de la situation. L’accord de paix colombien de 2016, souvent cité en exemple, semble vaciller face aux défis posés par l’ELN et les dissidences armées. Les pays membres de l’ONU ont appelé Bogotá à ne pas abandonner ses efforts pour préserver cet accord historique, tout en dénonçant les attaques contre les civils et les ex-combattants désarmés.
Pour le président Petro, cette crise est une véritable épreuve. Bien qu’il reste attaché à l’idée d’une paix négociée, la brutalité des récents événements a montré les limites de la diplomatie face à des acteurs armés qui ne respectent pas leurs engagements. Le ministre des Affaires étrangères, Luis Gilberto Murillo, a défendu la suspension des négociations en soulignant que « la paix doit pouvoir se négocier dans les deux sens ».
L’offensive militaire en cours n’est cependant qu’une partie de la réponse. Les experts estiment qu’une stratégie à long terme est indispensable, combinant dialogue, prévention et protection des communautés. Mais pour l’instant, le Catatumbo reste un champ de bataille, où l’urgence est de sauver des vies et de restaurer un semblant de stabilité. Cette crise illustre les défis complexes auxquels la Colombie est confrontée, entre ambitions de paix et nécessité d’agir face à une violence qui menace de tout ravager.