Divergences profondes entre Trump et Macron sur l’Ukraine alors que Starmer se prépare à le rencontrer et que la reconstruction du pays nécessite 524 milliards de dollars…

Emmanuel Macron, president de France et Donald J. Trump, president des EtatsUnis...

WASHINGTON, mardi 25 février 2025-Réunis à Washington à l’occasion du troisième anniversaire de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie, Donald Trump et Emmanuel Macron ont affiché une cordialité de façade tout en révélant des désaccords majeurs sur la guerre et ses enjeux. Selon le New York Times, « les deux présidents ont semblé éviter une rupture ouverte en s’échangeant des compliments lors d’une rencontre conviviale à la Maison-Blanche. Mais ils ont divergé de manière significative sur les causes de la guerre, le rôle de chaque partie dans le conflit et sa possible résolution. » Pendant que les discussions avaient lieu, un affrontement diplomatique opposait les États-Unis et la France aux Nations unies. Washington a rejeté une résolution condamnant l’agression russe, s’alignant sur la position de Moscou, de la Corée du Nord et de la Biélorussie.

Le Wall Street Journal s’est indigné de ce basculement historique : « C’est un triste jour pour les États-Unis à l’ONU. La résolution, parrainée par l’Ukraine et les pays européens, n’était même pas très contraignante. Elle se contentait de constater “avec inquiétude que l’invasion massive de l’Ukraine par la Fédération de Russie” a eu “des conséquences dévastatrices et durables” et appelait à “une cessation rapide des hostilités”. Apparemment, c’était une réprimande trop sévère pour Vladimir Poutine pour que le président Trump puisse la tolérer alors qu’il cherche à négocier la fin de la guerre en Ukraine. Les États-Unis avaient soutenu ces résolutions depuis le début du conflit, mais, soupire encore le Wall Street Journal, ils votent désormais avec les États-voyous plutôt qu’avec leurs alliés. »

Le Temps, à Genève, souligne l’échec de Macron dans sa tentative de convaincre Trump d’adopter une ligne plus ferme face à Moscou : « Emmanuel Macron repart les mains vides de Washington. S’appuyant sur sa bonne relation avec Donald Trump, il a tenté de l’infléchir sur l’Ukraine. » Mais Trump reste inébranlable, obsédé par l’accès aux minerais stratégiques ukrainiens et désireux de négocier un accord économique avec Moscou. Le Monde précise que « la grille de lecture de Trump a semblé limitée à trois points : un accord économique avec l’Ukraine, tournant pour l’essentiel autour des ressources minières ; un cessez-le-feu entre belligérants, pour mettre fin au “bain de sang”, dont il refuse de rendre Vladimir Poutine responsable ; enfin, un engagement européen, financier et militaire, pour assumer la sécurité du continent. »

Cette posture américaine inquiète Londres, alors que le Premier ministre britannique Keir Starmer se prépare à rencontrer Trump. The Times s’interroge : « Comment notre Premier ministre devra-t-il gérer cette situation ? En cherchant à mettre fin à la guerre en Ukraine en faisant des concessions rapides à la Russie, Trump est en passe de faire une erreur historique. Le lui faire savoir clairement risque de le brusquer. Ne pas le lui faire savoir clairement risque de nous précipiter dans le chaos. » Le journal suggère que Starmer rappelle à Trump une phrase de Churchill qu’il dit admirer : « La croyance selon laquelle la sécurité peut être obtenue en jetant un petit État aux loups est une illusion fatale. »

Dans ce contexte tendu, Keir Starmer a annoncé une augmentation significative des dépenses de défense du Royaume-Uni, les portant à 2,5 % du PIB d’ici 2027, soit une enveloppe supplémentaire de 13,4 milliards de livres sterling par an. Devant le Parlement, il a dénoncé Vladimir Poutine comme un « tyran » et souligné que de tels régimes « ne répondent qu’à la force ». Il a justifié cette hausse en rappelant les cyberattaques russes contre le NHS, l’attaque chimique de Salisbury en 2018 et les incursions de Moscou dans l’espace aérien britannique. Cette décision, perçue comme une volonté de rassurer Washington et de renforcer la position du Royaume-Uni dans l’OTAN, suscite toutefois des critiques. Lord Malloch Brown, ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, a mis en garde contre le financement de cette hausse par une réduction de l’aide au développement, qui pourrait affaiblir la « puissance douce » britannique.

Pendant ce temps, la guerre en Ukraine continue de ravager le pays. Une attaque de drones russes a blessé quatre personnes et causé des dégâts dans plusieurs régions. L’armée ukrainienne a affirmé avoir intercepté six missiles et 133 drones sur un total de 213 lancés par la Russie. Face à l’escalade, certains parlementaires britanniques insistent sur la nécessité d’une dissuasion militaire crédible. Le député conservateur Sir Bernard Jenkin a déclaré que seule « une force de frappe militaire crédible » pouvait contenir la menace russe.

Dans ce contexte, la reconstruction de l’Ukraine représente un défi colossal. La Banque mondiale, les Nations Unies, la Commission européenne et le gouvernement ukrainien estiment que le coût total atteindra 524 milliards de dollars, soit près de trois fois la production économique prévue du pays en 2024. Ce chiffre marque une augmentation de 7 % par rapport à l’évaluation précédente. Le Premier ministre ukrainien Denys Shmyhal a souligné que les besoins de reconstruction ne cessent d’augmenter en raison des attaques russes continues. Pour 2025, l’Ukraine a alloué 7,37 milliards de dollars à la reconstruction avec l’aide de ses partenaires internationaux, mais un déficit de financement de près de 10 milliards subsiste.

Les secteurs les plus touchés sont le logement (84 milliards de dollars), les infrastructures de transport (78 milliards), l’énergie et les mines (68 milliards), le commerce et l’industrie (64 milliards) et l’agriculture (55 milliards). Rien que le coût du déblaiement et de la gestion des débris s’élève à 13 milliards de dollars. Antonella Bassani, vice-présidente de la Banque mondiale pour l’Europe et l’Asie centrale, a néanmoins salué les efforts de l’Ukraine en matière de redressement économique, de réformes et de reconstruction.

Alors que l’Europe tente de stabiliser la situation, Donald Trump poursuit ses efforts pour conclure un accord avec la Russie. Lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron, il a affirmé qu’un règlement de paix pourrait être trouvé en quelques semaines. Reste à voir si Keir Starmer parviendra à infléchir sa position ou si l’Ukraine devra composer avec une paix dictée par les intérêts stratégiques de Moscou et Washington.