WASHINGTON (D.C.), mercredi 22 janvier 2025- Au lendemain de la signature par Donald Trump d’un décret exécutif visant à abolir le droit du sol, un groupe de procureurs généraux démocrates de 22 États, a intenté une action en justice pour bloquer cette décision, qualifiée d’inconstitutionnelle.
« Ce que le président a fait hier est illégal, inconstitutionnel, et nous ne le laisserons pas passer », a déclaré Matthew Platkin, procureur général du New Jersey. « Nous sommes un État d’immigrants. Des millions de personnes dans notre État ont obtenu leur citoyenneté grâce au droit du sol. C’est l’histoire de notre État, c’est l’histoire de l’Amérique, et cela est inscrit dans notre Constitution pour une raison. »
Adopté le 9 juillet 1868, le 14e amendement est une réponse directe aux injustices de l’esclavage et au besoin d’accorder des droits civiques aux Afro-Américains récemment affranchis après la guerre civile. Sa section première, clé de cet amendement, stipule clairement :
« Toutes les personnes nées ou naturalisées aux États-Unis, et relevant de leur juridiction, sont des citoyens des États-Unis et de l’État dans lequel elles résident. Aucun État ne fera ou n’appliquera de loi qui restreindra les privilèges ou immunités des citoyens des États-Unis ; aucun État ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens, sans procédure légale régulière ; ni ne refusera à une personne relevant de sa juridiction l’égale protection des lois. »
Ce texte fondamental a été conçu pour garantir la pleine citoyenneté des anciens esclaves et pour établir une protection juridique égale pour tous, sans distinction. C’était une réponse aux tentatives des anciens États confédérés de limiter les droits des Afro-Américains à travers les codes noirs et d’autres lois discriminatoires.
Le 14e amendement a marqué un tournant dans l’histoire des droits humains aux États-Unis. Il a confirmé que tous les individus nés sur le sol américain étaient des citoyens à part entière, quelles que soient leur origine ou la condition de leurs parents. Pour les Afro-Américains, il a représenté une victoire contre des siècles de marginalisation et d’injustice.
Cependant, son importance va bien au-delà des droits des anciens esclaves. Pendant plus d’un siècle, cette disposition a été interprétée comme garantissant le droit à la citoyenneté pour toutes les personnes nées aux États-Unis, qu’elles soient issues de familles immigrantes en situation régulière ou irrégulière. Ce principe, souvent appelé “droit du sol”, incarne les valeurs d’inclusion et d’égalité qui sous-tendent l’idéal américain.
En signant ce décret exécutif, Donald Trump cherche à redéfinir la portée du 14e amendement. Il affirme que la clause « relevant de leur juridiction » exclut les enfants de parents immigrés en situation irrégulière ou temporaire. Lors de la signature, il a déclaré : « Nous sommes le seul pays au monde à faire cela, comme vous le savez. » Cette affirmation est toutefois incorrecte : des pays comme le Canada et le Mexique offrent également des formes de citoyenneté automatique à la naissance.
Face à cette tentative, les procureurs généraux démocrates de 18 États, de New Jersey à Californie, ainsi que les villes de San Francisco et Washington, D.C., ont déposé une plainte en justice pour bloquer ce décret. Lors d’une conférence de presse, Rob Bonta, procureur général de Californie, a qualifié le décret d’« attaque frontale contre les valeurs fondamentales de notre nation ». Il a ajouté : « J’ai un message clair pour le président Trump : nous vous verrons au tribunal. »
L’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a également intenté une action en justice. Anthony D. Romero, directeur exécutif de l’ACLU, a dénoncé cette mesure comme étant une « répudiation imprudente et impitoyable des valeurs américaines ».
Le décret de Trump reflète une interprétation conservatrice croissante du 14e amendement, mais il divise profondément le pays. Si ses partisans, comme Dan Stein de la Fédération pour une réforme de l’immigration américaine, affirment que le droit du sol affaiblit le contrôle de l’immigration, même certains soutiens de cette politique admettent que ce décret sera probablement invalidé par la Cour suprême.
Le 14e amendement reste un rempart essentiel contre les discriminations et les abus de pouvoir. En ciblant le droit du sol, Trump remet en question un principe fondamental de la Constitution et met en péril des décennies de progrès en matière de droits civiques. Pour les opposants à ce décret, cette bataille juridique dépasse la question de l’immigration : elle concerne l’identité même des États-Unis et leur engagement envers l’égalité et la justice pour tous.
Le sort de cette mesure se jouera dans les tribunaux, mais pour beaucoup, le 14e amendement demeure intouchable, un garant des libertés fondamentales et de l’inclusion au cœur de la société américaine.