Par Jacques Kolo,
Port-au-Prince, 10 décembre 2020- (RHInews)– “Mon engagement dans le secteur des droits humains depuis une trentaine d’années est comme une vocation sacerdotale à laquelle je me suis attaché jour et nuit , à titre de citoyen de la cité”, a déclaré Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau Haïtien de Défense des Droits humains (RNDDH), dans la foulée de la journée des droits de l’homme, ce 10 décembre.
Qualifié de” défenseur dans l’âme”, Pierre Espérance n’a pas voulu faire de comparaison entre la situation des droits humains en Haïti prévalant entre 2001/2004 et celle de février 2017 à nos jours.
‘’Sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide (2001/2004), la National Coalition Human Rights (NCHR) a répertorié, selon lui, un seul massacre, celui de la Sirie à Saint-Marc.’’
Tandis que le régime de Jovenel Moïse (fév. 2017 à nos jours) qui institutionalise les gangs armés et instrumentalise la justice et la police avec le support d’une partie du secteur privé haïtien, a déjà à son actif dix (10) massacres sanglants à répétition perpétrés dans les quartiers populaires, à motif politique et électoraliste, a poursuivi Pierre Espérance.
Regrettant la disparition la semaine dernière de Me. Gérard Gourgue, figure emblématique dans la lutte pour le respect des droits humains sous la dictature de Jean-Claude Duvalier, Pierre Espérance a expliqué qu’il est rare de trouver à l’heure actuelle un homme rectiligne, engagé et avisé intellectuellement de la trempe de celui qui fût le seul membre civil du Conseil National de Gouvernement (CNG), au lendemain de la chute du pouvoir de Jean-Claude Duvalier, le 7 février 1986.
“La situation actuelle du pays caractérisée par une dictature en gestation où les droits humains sont systématiquement foulés aux pieds, nous interpelle tous, au-delà de nos divergences idéologiques et autres”, a rappelé Pierre Espérance qui dit “ne pas craindre pour sa sécurité, en dépit de menaces constantes dont il fait l’objet”.
Il a expliqué que “la sécurité des gens vivant dans les quartiers populaires lui préoccupe, puisqu’ils n’ont aucun endroit pour aller après qu’ils eurent été chassés de leur abri de fortune par des membres du groupe G-9 de Jimmy ‘’Barbecue’’ Cherizier et consorts”.
Pierre Espérance a insisté pour dire que c’est la raison pour laquelle que le RNDDH continue de mener un “combat acharné pour le respect des droits de tous les haïtiens”, à un moment où “la vie est banalisée, la constitution est pratiquement mise au rencart au profit des décrets gouvernementaux, les gangs armés font et défont sous les yeux distraits de la police nationale chargée de garantir la sécurité des vies et des biens”.
Débuté en 1989 en plein régime militaire du général Prosper Avril dans la défense des droits humains pour le compte de “American Friends Service Committee” (AFSC), Pierre Espérance a eu un parcours de militant engagé pour défendre les faibles et les laissés-pour-compte, dans une société d’exclusion, de violence systématique et en plein désarroi.
Il a travaillé au profit de l’organisation AFSC basé à Philadelphie (USA) dans le cadre d’un projet phare de l’époque dans la Grande-Anse baptisé : “Education à la citoyenneté”. Lequel projet a été brusquement interrompu par des militaires et attachés, sous le gouvernement putschiste de Prosper Avril.
Pierre Espérance (57 ans), marié et père de trois (3) filles, a rejoint la Coalition Nationale pour les Droits des Humains (NCHR) basée aux USA au début du coup d’Etat du général Raoul Cédras contre le gouvernement constitutionnel du président Jean-Bertrand Aristide, en septembre 1991.
NCHR a ouvert un bureau en Haïti et s’était engagée à monitorer les violations du droit de la personne, en pleine dictature militaire où plus de cinq (5) mille morts ont été recensés.
Cet organisme de droits humains s’activait à influencer positivement la politique de l’administration américaine en Haïti qui supportait le coup d’Etat militaire de septembre 91. Les haïtiens fuyaient le pays par milliers dans des embarcations de fortune pour gagner les côtes de la Floride à la recherche d’une terre plus clémente.
En 1993, la NCHR sous la supervision de Pierre Espérance et Human Rights Watch piloté sur le terrain par le jeune avocat diplômé d’Harvard University Andy Lévy, ont publié conjointement un rapport substantiel sur les différents cas de violation de droits humains commis par des membres de l’armée haïtienne d’alors et ceux du FRAPH (Front Révolutionnaire Pour l’Avancement et le Progrès Haïtien) de Louis Jodel Chamblain et d’Emmanuel ‘’Toto’’ Constant.
En mai 2005, la NCHR devient le Réseau National de Défense des droits Humains (RNDDH) et s’engage sur le terrain dans la prévention, l’éducation et l’observation des droits humains.
De 2015 à 2020 inclusivement, le Réseau National de Défense des Droits Humains a produit un total de cinquante-neuf (59) rapports dont trois (3) conjoints sur la situation des droits humains en Haïti et quatre-vingt- quatorze (94) communiqués de presse, dont cinquante-cinq (55) communiqués conjoints.
Le Réseau National de Défense des Droits Humains a pour objectif global de “contribuer à l’établissement d’un état de droit en Haïti où tous les haïtiens connaissent leurs droits et devoirs.” Il est membre de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).
Le thème retenu pour ce 10 décembre par l’Organisation des Nations-Unies consacrant la journée internationale des droits de l’homme est : “Reconstruire en mieux-Défendons les droits de l’homme”.