Réactivée en mars 2019, la commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion (CNDDR) avait promis d’œuvrer à l’instauration de la paix sociale dans le pays. Plus de dix-huit mois après, la CNDDR n’a toujours pas délivré la marchandise. Au contraire, la situation s’est considérablement détériorée. Sans budget réel, elle n’a pas les moyens pour agir. Dans le même temps, les gangs armés se sont proliférés dangereusement en étendant leurs tentacules sur l’ensemble du territoire national. De soixante-seize (76), ils seraient passés à un nombre indéterminé. Le marché du trafic illicite des armes à feu et des munitions a explosé.
Port-au-Prince, 13 septembre 2020- Le désarmement demeure un vœu pieux en Haïti. Cependant, des armes illégales et des munitions en vente libre ne maquent pas dans le pays.
Depuis sa réactivation en mars 2019, la Commission Nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion (CNDDR), n’a collecté qu’à peu près de deux-cents (200) armes des mains des chefs de gangs qui opèrent dans la région métropolitaine, selon Innocent Joseph, membre de cette entité.
Les armes remises à la commission, représentent juste une petite portion de l’arsenal des chefs de gangs qui avaient accepté de collaborer en vue de tester la bonne foi de la CNDDR à les aider à trouver les moyens nécessaires pour se reconvertir dans d’autres activités.
La commission étant dans l’impossibilité de fournier les moyens exigés par les chefs de gang, la CNDDR n’a fait que parlementer pour tenter de sensibiliser les ces derniers à déposer les armes- une démarche qui n’a pas donné les résultats escomptés, a admis Innocent Joseph, lors d’une interview à RHINEWS.
Au début, la CNDDR avait répertorié soixante-seize (76) gangs sur le territoire national dont la majorité opérait dans la région métropolitaine.
‘’De nos jours, on ne compte plus le nombre de gangs existant dans le pays tant ils se sont proliférés rapidement, souligne le commissaire Joseph arguant que l’on retrouve des bandes armées même dans les coins les plus reculés d’Haïti.’’
Il indique que chaque fois que des chefs de gang se retrouvent coincés dans la zone métropolitaine, ils se réfugient en province avec leur arsenal où ils constituent de nouveaux gangs qui compliquent la vie de la population. Il en résulte que des gangs armés sont présents dans pratiquement toutes les régions du pays, précise M. Joseph.
La commission avait fait état d’un nombre de cinq-cents (500,000) armes à feu en circulation dans le pays. ‘’Avec l’intensification du trafic illicite des armes et des munitions, personne n’est en mesure de chiffrer la quantité d’armes à feu présentes sur le territoire national, selon Innocent Joseph qui déplore la défaillance des structures de contrôle et de surveillance des ports et des points d’entrer de la frontière haïtien-dominicaine.’’
Confrontée à des difficultés financières l’empêchant de mener à bien mission, la CNDDR se résout à faire de la prévention en aidant les autorités judiciaires et policières à remonter les filières des trafiquants d’armes et de munitions.
‘’Il faut traquer ceux qui alimentent les gangs armés en munition. Sans munition, les armes ne peuvent plus causer de tort à la société, a déclaré Innocent Joseph qui indique que des efforts sont en cours en vue de neutraliser tous ceux qui sont impliqués dans ce juteux trafic qui semble avoir remplacé la drogue.’’
Joseph a admis toutefois que ce travail est compliqué puisque de gros bonnets politiques et du secteur privé sont impliqués dans le trafic d’armes et de munitions, déplorant aussi que les saisies d’armes effectuées ne font pas toujours l’objet de suivi rigoureux sur le plan judiciaire.
‘’Jusqu’ici, a-t-il dit, nous avons fait ce que nous pouvions sans moyen avec notre bonne volonté. La justice et la police doivent jouer leur partition pour arriver au démantèlement des gangs et, l’Etat doit rendre les moyens promis disponibles pour aider à la réinsertion de ceux qui déposeront les armes, a-t-il renchéri.’’
Il a reconnu aussi que les bandits armés, dans certains cas, possèdent une puissance de feu plus importante que celle de la police qui a souvent peur d’agir pour éviter les critiques des organisations de défense des droits humains.
Les gangs armés sont accusés de responsabilité dans d’innombrables exactions commises sur la population civile non armée, notamment au niveau des quartiers défavorisés.
Selon les organismes des droits humains, pas moins de neuf (9) massacres ont été commis dans la région métropolitaine de 2017 à nos jours causant des dizaines de morts, d’importants dégâts matériels et des milliers de personnes déplacées, livrées à elles-mêmes sans secours ni protection. Ces actes sont l’œuvre des gangs armés qui tuent, volent, violent et incendient impunément sous les regards passifs voire complices de certaines autorités de l’Etat.
Les chefs de gangs se font filmer pour exhiber fièrement leurs armes de gros calibre et parlent sans remord des forfaits qu’ils commettent.