SAINT-DOMINGUE, jeudi 13 février 2025– Le 11 février 2025 marquait le dixième anniversaire du lynchage de Jean Claude Harry, plus connu sous le nom de “Tulile”, un travailleur haïtien dont le meurtre avait bouleversé la société dominicaine. Son corps sans vie, pendu à un arbre dans le parc Ercilia Pepín de Santiago, reste l’un des symboles les plus marquants du racisme et de la violence anti-haïtienne qui s’étaient intensifiés après la décision 168-13 du Tribunal constitutionnel et la mise en place du Plan national de régularisation des étrangers en situation irrégulière. Une décennie plus tard, la justice n’a toujours pas répondu aux appels des organisations de défense des droits humains, et l’impunité demeure totale.
Dans une lettre ouverte adressée à la procureure générale de la République, Miriam Germán Brito, le collectif Haïtiens RD, accompagné du Mouvement Socialiste des Travailleuses et Travailleurs (MST), du Mouvement Reconocido, du Mouvement des Femmes Dominiquo-Haïtiennes (MUDHA), de MOSCHTA, de Heartland Alliance International et du collectif Junta de Prietas, interpelle la justice sur son inaction. « Cela fait dix ans que nous exigeons justice et que nous demandons que les assassins soient jugés. Pourtant, malgré nos multiples requêtes, aucune enquête sérieuse n’a été menée. Ce crime raciste reste impuni », dénoncent ces organisations dans leur correspondance.
Le 22 octobre 2024, ces organisations avaient déjà envoyé une nouvelle lettre à la procureure générale, réclamant l’ouverture d’une enquête et la traduction en justice des coupables. « Nous n’avons reçu aucune réponse », regrettent-elles, soulignant que c’était la cinquième fois qu’elles sollicitaient officiellement la justice. Elles rappellent qu’en décembre 2022, Miriam Germán Brito avait accordé une unique audience pour écouter leurs préoccupations sur les nombreuses violations des droits humains visant la communauté haïtienne, mais sans donner de suite concrète à leurs requêtes. « Nous avons exposé des faits graves, étayés par des témoignages et des rapports, mais la justice dominicaine continue d’ignorer ces crimes », affirment les signataires de la lettre.
Le collectif Haïtiens RD et ses alliés dénoncent également l’intensification des expulsions massives d’Haïtiens sous le gouvernement de Luis Abinader. Depuis le 2 octobre 2024, les autorités dominicaines ont instauré un quota hebdomadaire de 10 000 personnes expulsées vers Haïti. « Cette politique de déportations massives se traduit par des rafles à l’aube, des détentions arbitraires, du profilage racial, des mauvais traitements infligés aux migrants et des violations flagrantes des droits humains », dénoncent-ils. Ils signalent également que des femmes enceintes ont été arrêtées et expulsées, que des enfants mineurs ont été renvoyés seuls à la frontière, et que plusieurs cas de violences physiques, de tortures et d’exécutions extrajudiciaires ont été signalés.
Les organisations rappellent que plusieurs rapports d’institutions internationales, dont l’UNICEF, Amnistie Internationale et le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), ont dénoncé ces pratiques illégales. « L’expulsion de mineurs non accompagnés, parfois nés en République dominicaine avant la réforme constitutionnelle de 2010, est une violation grave du droit international et des conventions sur les droits de l’enfant », insistent-elles. Elles regrettent également l’inaction de la justice dominicaine face aux abus commis par les forces de l’ordre. « Les violations de la Constitution, du Code pénal et de la loi sur la migration sont devenues la norme. L’impunité encourage la poursuite de ces exactions », alertent-elles.
Le collectif Haïtiens RD affirme qu’il continuera son combat pour que justice soit rendue à Tulile et aux autres victimes de crimes racistes en République dominicaine. « Nous ne cesserons pas d’exiger que la lumière soit faite sur ce crime. Nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que les responsables soient traduits en justice », déclarent les signataires de la lettre ouverte. À travers cet appel, ils exhortent la procureure générale Miriam Germán Brito à prendre enfin des mesures pour mettre fin à cette impunité et à garantir que de tels actes ne restent pas sans conséquence.