La communauté haïtienne du sud de la Floride rend hommage à Carole Demesmin…

Carole Demesmin, chanteuse...

MIAMI, dimanche 18 août 2024 – Ce dimanche, la communauté haïtienne du sud de la Floride, sous l’initiative d’un groupe d’Haïtiens mené par Sony Belanfom et avec le soutien de la commissaire du district 2 du comté de Miami-Dade, Marleine Bastien, a rendu hommage à Carole Demesmin lors d’une cérémonie spéciale au Centre Gerard Jean-Juste à Miami. Cet événement, qui a réuni plusieurs jeunes artistes se produisant sur scène, souligne l’impact durable de Demesmin sur la musique haïtienne ainsi que sa contribution immense à la préservation et à la promotion de la culture vaudou, et à la défense des droits des femmes et des plus démunis.

Carole Demesmin, figure emblématique de la culture haïtienne, est une prêtresse vaudou, militante féministe et chanteuse avec plus de cinquante ans de carrière. Née à Léogâne, une ville connue pour ses traditions vaudou et Rara, Demesmin a commencé sa carrière musicale après avoir émigré aux États-Unis. Là-bas, elle a découvert et adopté le vaudou, une spiritualité qu’elle connaissait peu durant son enfance. Sa musique, imprégnée des rythmes traditionnels haïtiens, reflète les luttes et l’héritage de son peuple tout en promouvant la fierté africaine et l’identité haïtienne.

Demesmin a marqué la scène musicale haïtienne avec des albums tels que Carole Maroule (1978), Min Rara (1980), Lawouze (1987), et Kongayiti-Afrika (1998). Ses chansons, souvent politiques et engagées, célèbrent la culture vaudou et dénoncent les injustices subies par les Haïtiens, notamment durant les régimes dictatoriaux. Connue pour sa détermination, elle a aussi joué un rôle important en tant qu’activiste, en fondant la Carole Demesmin Foundation pour soutenir diverses causes en Haïti, telles que l’environnement et la santé publique.

Lors de cette soirée en son honneur, Carole Demesmin, émue par la cérémonie qui lui a permis de retrouver d’anciens amis, a rendu hommage à deux personnalités célèbres qui l’ont introduite dans le monde de la musique. Elle a collaboré avec eux pour interpréter leurs chansons ou des textes qu’ils avaient arrangés. Il s’agit de Jean-Claude Martineau et de Paula Clermont Péan, deux géants de la culture haïtienne souvent méconnus.

Dans une interview accordée au Réseau Haïtien de l’Information (RHNEWS), Mme Demesmin a expliqué qu’au départ, elle était particulièrement attirée par le théâtre et la peinture. Lorsqu’elle a rencontré Martineau en 1973 à Boston, lors des préparatifs de la pièce de théâtre Gouverneur de la Rosée, elle souhaitait seulement réaliser une peinture décorative pour le fond de la scène.

« Lorsque Martineau m’a invitée à faire un test vocal pour intégrer leur chorale, j’étais réticente, mais il a insisté. J’ai interprété la chanson Lè n’a libere, Ayiti va bèl o, qui est devenue très populaire et reprise par la chanteuse Farah Juste. Martineau était émerveillé et m’a demandé de rejoindre la chorale. C’est ainsi que tout a commencé. J’ai embrassé une carrière de chanteuse qui m’a permis de raviver la flamme culturelle haïtienne sur de nombreux podiums en Haïti et à l’étranger. Je lui suis très reconnaissante ainsi qu’à Clermont Péan », déclare-t-elle.

Demesmin exprime également ses frustrations et ses déceptions face au fait que, malgré leurs luttes et engagements, elle et ses contemporains pourraient ne jamais voir ce changement tant espéré. « Nous ne nous sommes pas battus pour que notre pays devienne invivable, au point que les artistes ne puissent plus se produire sur scène dans de nombreux endroits, et que les artisans ne puissent plus exposer leurs produits. C’est comme si être un acteur ou un opérateur culturel en Haïti était devenu un délit », déplore-t-elle.

Mme Demesmin regrette également que les générations montantes s’intéressent de moins en moins aux rythmes haïtiens et à la richesse culturelle du pays pour créer de la musique. Selon elle, Haïti possède plus de cent-cinquante rythmes, mais beaucoup de musiciens préfèrent imiter et reproduire des rythmes importés. « La culture haïtienne est trop riche et variée pour qu’on se mette à copier les autres », lance-t-elle. Aujourd’hui, le pays est à genoux et la culture est en berne, mais sa flamme ne s’éteint pas. « On doit réaliser que la culture joue un rôle extraordinaire dans le développement d’un pays. Le redressement d’Haïti ne pourra pas se faire sans la valorisation de notre culture », conclut-elle.