Drame de l’insécurité en Haïti : l’assassinat du Dr Déborah Pierre, symbole d’une crise qui étrangle la société haïtienne et le secteur médical en particulier…

Dr. Deborah Pierre, urologue...

PORT-AU-PRINCE, mercredi 13 novembre 2024 – Le meurtre du Dr Déborah Pierre, une spécialiste en urologie, plonge une fois de plus la société haïtienne dans l’effroi. Mardi après-midi, cette praticienne, l’une des rares dans sa spécialité en Haïti, a été abattue en pleine rue à Port-au-Prince par des individus armés, mettant en lumière l’impact dévastateur de l’insécurité généralisée sur le fonctionnement même de l’État haïtien et, en particulier, sur le secteur médical.

Les informations recueillies indiquent que le Dr Pierre, grièvement blessée lors de l’attaque, n’a même pas eu le temps de recevoir des soins d’urgence, succombant à ses blessures sur les lieux de l’agression. Ce drame survient dans un climat de violence exacerbée, entretenu par l’organisation terroriste “Viv Ansanm”, qui a récemment promis de semer le chaos dans la capitale haïtienne. Depuis le week-end dernier, cette organisation sème la terreur, en tuant plusieurs personnes et en incendiant de nombreux bâtiments, en particulier dans le quartier de Vivi Michel.

La situation s’est envenimée à un point tel que “Viv Ansanm” a même pris pour cible des appareils des compagnies aériennes internationales, tirant sur des avions de Spirit et JetBlue. Ces actions ont contraint la Federal Aviation Administration (FAA) à suspendre temporairement les vols commerciaux américains à destination d’Haïti pour une durée de 30 jours, une décision aux lourdes conséquences pour un pays déjà fragilisé.

Depuis quatre ans, la population haïtienne vit dans une insécurité quasi-permanente, prise en otage par des bandes armées qui contrôlent de vastes portions du territoire. Les forces de l’ordre haïtiennes, malgré l’aide de contingents internationaux, notamment de policiers kenyans, peinent à contenir cette vague de violence en raison de leur sous-équipement et de moyens limités. Ce contexte sécuritaire difficile a un impact dramatique sur le secteur médical : médecins, infirmiers et autres personnels de santé sont fréquemment la cible de kidnappings, d’assassinats et d’intimidations. Les conditions de travail se dégradent, provoquant une fuite massive de personnel médical, à un moment où les besoins en soins sont criants.

Le Dr Déborah Pierre avait pourtant choisi de rester en Haïti, après un stage de spécialisation en urologie aux États-Unis, avec la volonté de contribuer au bien-être de ses compatriotes. Son expertise, précieuse pour un pays où les spécialités médicales comme l’urologie sont rares, était d’autant plus essentielle que le système de santé haïtien fonctionne avec des ressources humaines largement en-deçà des standards internationaux.

En effet, selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un système de santé performant nécessite un ratio minimal de 1 médecin pour 1 000 habitants. Pour une population de 10 000 personnes, cela équivaut à 10 médecins, alors qu’en Haïti, ce ratio est loin d’être atteint. À cela s’ajoutent d’autres besoins non satisfaits : 20 à 30 infirmiers, environ 1 à 2 sages-femmes pour chaque 10 000 habitants et un minimum de 5 pharmaciens. De plus, dans les zones rurales ou éloignées, la présence d’agents de santé communautaire est indispensable pour pallier les carences du système, à raison d’un agent pour 1 000 habitants.

Les chiffres de l’OMS montrent combien le secteur médical haïtien est sous-doté par rapport aux normes internationales, et dans un pays où l’insécurité atteint des niveaux alarmants, ces ratios sont encore plus difficiles à atteindre. La crise sécuritaire actuelle accentue l’exode des médecins, entraînant une situation où les besoins médicaux fondamentaux de la population ne peuvent être comblés. Les quelques praticiens qui persistent à exercer en Haïti, comme le Dr Pierre, courent un risque quotidien, menacés par des violences qui ne semblent pas s’atténuer.

Ce meurtre tragique met illustre la nécessité urgente pour Haïti de rétablir l’ordre et de sécuriser les professionnels de la santé. Sans cela, le pays risque de se retrouver encore plus démuni face à des besoins sanitaires critiques, aggravant une situation où des milliers d’Haïtiens n’ont plus accès aux soins de base. L’assassinat du Dr Pierre incarne un symbole douloureux de l’échec du système sécuritaire haïtien, qui continue de faire payer un lourd tribut à ses citoyens et, en particulier, à ceux qui œuvrent pour le bien-être de la nation.