Par Jude Martinez Claircidor,
NEW-YORK, samedi 26 avril 2025 (RHINEWS)-Le conflit opposant le musicien et producteur haïtien Fabrice Rouzier au chanteur franco-haïtien Joe Dwet Filé fait grand bruit sur les réseaux sociaux et dans les cercles culturels des deux rives de l’Atlantique. Au cœur de cette polémique : l’usage présumé sans autorisation de la mélodie, des arrangements musicaux, et même d’extraits visuels du titre légendaire ” Je vais” de l’équipe de Haïti Troubadours, œuvre à laquelle est associée la figure de Rouzier.
Selon des sources proches du dossier, avant de porter l’affaire devant un tribunal fédéral à New York, Fabrice Rouzier, aurait tenté à plusieurs reprises, en vain, d’établir un dialogue avec l’équipe de Joe Dwet Filé pour parvenir à une résolution amiable. Ce refus persistant d’ouvrir des négociations aurait précipité l’ouverture de poursuites judiciaires, qui pourraient avoir des conséquences considérables pour l’artiste franco-haïtien et pour plusieurs maisons de production et de distribution internationales impliquées dans la diffusion de ses œuvres.
Au-delà des émotions exacerbées qui enflamment la toile, la question centrale demeure juridique et éthique : l’utilisation, même partielle, d’une œuvre musicale sans l’accord exprès de son créateur constitue une violation manifeste des lois internationales sur les droits d’auteur. Ces normes, érigées pour protéger la propriété intellectuelle, imposent que toute reproduction, adaptation ou diffusion d’un contenu protégé soit soumise à l’autorisation formelle de l’auteur ou de ses ayants droit.
Pour de nombreux observateurs, il est d’autant plus regrettable que Joe Dwet Filé et son équipe n’aient pas saisi l’opportunité de résoudre ce litige à l’amiable, avant qu’il ne prenne une tournure judiciaire. Le chanteur, dont l’œuvre « 4 Kampé » génère aujourd’hui des revenus substantiels, risque de voir son image ternie si les accusations de violation de droits d’auteur sont confirmées et si les éléments présentés par les avocats de Fabrice Rouzier s’avèrent irréfutables.
En parallèle, une autre polémique émerge : une vidéo virale montre Frère Dodo, personnage populaire du paysage musical haïtien, revendiquant la paternité de “Je vais”. Vivant aujourd’hui dans la précarité, Frère Dodo affirme être l’auteur véritable de cette chanson devenue source de profits pour d’autres. Toutefois, à ce jour, il n’a pu présenter aucun document légal attestant de ses droits sur l’œuvre. De surcroît, plusieurs voix avancent que “Je vais” puiserait ses origines dans le riche répertoire des traditions musicales anciennes, brouillant davantage les contours de cette revendication.
Le droit, en tant que science rigoureuse, exige que toute prétention soit étayée par des preuves conformes aux principes juridiques établis. Se revendiquer propriétaire d’une chanson ne saurait suffire : encore faut-il être en mesure d’en apporter la démonstration à travers des moyens légaux recevables devant un tribunal.
Cet imbroglio judiciaire et médiatique met en lumière, avec une acuité particulière, l’urgence de renforcer la protection de la propriété intellectuelle dans l’espace francophone caribéen. Il rappelle, de manière saisissante, la nécessité pour les artistes de consigner systématiquement leurs créations, de défendre avec rigueur leur patrimoine culturel et de sensibiliser les nouvelles générations aux droits qui en garantissent la pérennité. Plus profondément encore, cette affaire révèle combien le trésor musical haïtien — trop souvent pillé, parfois ignoré — exige des mécanismes de sauvegarde plus robustes face aux dynamiques prédatrices de la mondialisation culturelle