Violences alarmantes à Carrefour et Gressier : ‘‘Un bilan tragique d’au moins 66 morts, de nombreux blessés et de viols collectifs’’- RNDDH…

Commissariat de Police de Gressier....

PORT-AU-PRINCE, vendredi 1 août 2024– Les communes de Carrefour et de Gressier ont connu une escalade dramatique de la violence ces derniers mois, avec un bilan tragique qui inclut au moins soixante-six morts et quarante-six victimes de violences sexuelles entre janvier et juillet 2024. Selon le rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), la situation, déjà préoccupante depuis 2021, s’est considérablement aggravée en 2023 et 2024, entraînant une crise humanitaire majeure dans ces régions ainsi que dans le grand sud d’Haïti.

Le RNDDH dénonce l’insuffisance des réponses des autorités face à cette terreur perpétrée par les gangs armés, malgré les alertes répétées des organisations de la société civile et des médias. Le rapport fournit une vue d’ensemble détaillée des événements, en s’appuyant sur des témoignages d’autorités locales, de la protection civile, de responsables d’organisations locales et de proches des victimes.

La crise a débuté le 1er juin 2021 avec l’éclatement d’un conflit impliquant les gangs armés de Village de Dieu, Grand-Ravine et Tibwa, dirigés respectivement par Johnson André alias Izo 5 Second, Renel Destina alias Tilapli et Christ-Roi Chéry alias Krisla. Cette violence a provoqué l’exode massif de milliers de familles de Martissant et de Fontamara, avec des établissements scolaires et entreprises fermés, et le transport en commun paralysé. Les bandits ont détourné des véhicules, enlevé et soumis les occupants à des actes de violence inhumains, y compris des viols systématiques.

En juillet 2021, Christ-Roi Chéry alias Krisla a installé un poste de péage à Fontamara, prétendument pour protéger la population contre les gangs rivaux. Ce poste a mené à une certaine régularisation des trajets entre Port-au-Prince et Carrefour, mais le risque demeurait élevé. La situation d’extorsion s’est intensifiée avec l’apparition de nouveaux postes de péage par d’autres groupes armés en 2022.

La violence a continué de s’intensifier entre 2022 et 2023 alors que les gangs cherchaient à contrôler les marchés et l’abattoir de Mariani. En novembre et décembre 2023, des attaques ont entraîné des assassinats, des viols collectifs, des pillages et des incendies, provoquant un exode massif. Le rapport du RNDDH cite des cas précis de victimes telles que Phélicienne Dieustin, assassinée et brûlée le 1er novembre 2023, et Gracilien François, abattu et brûlé le même jour.

Entre janvier et juillet 2024, la situation s’est détériorée avec une présence omniprésente des bandits armés dans les rues, les marchés et les stations d’autobus. Les raids sporadiques des groupes armés ont entraîné des vols, des viols, des enlèvements et des rançonnements, avec une augmentation des viols collectifs, comme le confirment les témoignages des survivantes.

L’arrivée d’un nouveau gang, dirigé par Charlemagne Dorin alias Ti Bebe, connu sous le nom des 103 Zonbi, a ajouté une nouvelle dimension à la terreur. Ti Bebe, allié de James Augustin alias Bougòy du gang de Grand-Ravine, a intensifié les attaques entre janvier et juillet 2024. Les mois de février et avril 2024 ont été particulièrement marqués par une montée des hostilités, avec l’imposition d’un système de recette quotidienne dans divers marchés après les attaques d’avril.

Les institutions étatiques locales ont également été ciblées. Le Commissariat de Carrefour, connu sous le nom d’OMEGA, a été attaqué le 18 avril 2024, rendant l’établissement totalement dysfonctionnel. Le Commissariat de Gressier a subi des attaques les 10 et 30 mai 2024, entraînant l’incendie de véhicules et la mort d’au moins vingt personnes. Le Tribunal de paix de Gressier a cessé de fonctionner après les attaques du 10 mai 2024, et les locaux de la Mairie de Gressier ont été pillés et incendiés le 11 mai 2024. Le bâtiment abritant les bureaux de la protection civile de Gressier a également été incendié le 11 mai 2024. Le Sous-commissariat de Saint-Charles a été incendié le 2 juillet 2024.

La Prison Civile de Carrefour a fonctionné au ralenti jusqu’au 17 juillet 2024, date à laquelle la population carcérale a été transférée en raison des menaces et de la réduction des effectifs. Le Tribunal de paix de Carrefour fonctionne de manière intermittente, avec une absence prolongée des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH).

Le bilan des violences, selon le RNDDH, est alarmant : au moins soixante-six personnes ont été assassinées ou portées disparues depuis janvier 2024, dont quatre agents de la PNH, quinze femmes, une mineure et douze personnes âgées. Quarante-six femmes et filles ont été victimes de violences sexuelles. Des centaines de maisons ont été pillées, incendiées ou occupées illégalement, et de nombreux véhicules et marchandises ont été volés.

Les détails des assassinats et disparitions incluent Philizena Jeune, âgée de 42 ans, tuée le 20 janvier 2024 à Bizoton 53, et deux personnes tuées à Lagrenade le 5 février 2024. Le même jour, des attaques menées par Marc Arthur Pierre ont causé des incendies et des assassinats à Source Corossol, Morne Sinaï, Haut Brochette, Desmichel, Jérusalem et Morne Taillefer. Cérom Mondelus, âgé de 53 ans, a été tué à Rivière Froide le 5 février 2024, tandis que Monbien Joseph, âgé de 70 ans, est porté disparu depuis cette date. Madame Labon Geffrard, âgée de 58 ans, a été tuée le 6 février 2024 à Mariani 2 lors d’une attaque armée. Jacques Latouche, âgé de 30 ans, et Jean Robert Michel, âgé de 50 ans, ont disparu le même jour à Mariani 2. Yves, un prêtre de vodou, et sa fille mineure ont été tués le 9 février 2024 à Carrefour. Gerto Cadet, un agent de la PNH, a été assassiné le 22 février 2024 à Mahotière 85, avec six autres victimes. Camabouey Casnor, âgé de 77 ans, a été abattu le 25 février 2024 à son domicile. Marie Mithé Laurent et Olin Isaac ont été assassinés le 27 février 2024 à Mariani 10. Auguste Desir, pasteur à l’Église Tabernacle de la Grâce, a été tué le 8 mars 2024 à Do Karyann. Eveline Gertis, âgée de 37 ans, et son conjoint Decius Dessulmi ont été tués le 21 mars 2024 à Rivière Froide. Marie France Etienne, âgée de 31 ans, a été blessée mortellement le 15 avril 2024 à Mariani. Le 18 avril 2024, des bandits dirigés par Christ-Roi Chéry alias Krisla ont enlevé deux agents de la PNH et tué au moins sept personnes.

Le 4 mai 2024, Maxo Delcy, âgé de 25 ans, a été assassiné par des bandits armés à Mariani. Le 10 mai 2024, la violence a atteint un nouveau seuil. Eliane Athis, âgée de 40 ans, a été retrouvée morte d’une balle au ventre dans sa maison près du marché de Gressier. Son domicile a été incendié. Le même jour, Asseny Charlemagne, âgé de 75 ans, a été découvert mort sur un tas d’immondices à Lambi 3. Franck Bazile, âgé de 54 ans, est porté disparu depuis cette date, tandis que Rénol Jean Baptiste, 25 ans, a été assassiné à Gressier.

Dans la soirée du 10 mai, Wilson Jean, âgé de 40 ans, a été tué et son corps brûlé dans la maison de sa cousine. Nesly Dumornay, âgé de 52 ans et aveugle, a été tué chez lui à Quatre Gendarmes. Rose-Mita Dorival, âgée de 53 ans, a été abattue à Bò Lanmè, où ses petites-filles mineures ont été victimes de viols collectifs. Spencer Bosieux, âgé de 29 ans, a été tué au marché de Gressier lors d’échanges de tirs entre bandits et policiers. Mireille Joseph, âgée de 48 ans, et Bakenson Belfort, âgé de 56 ans, ont été assassinés à la rue Debrosse de Gressier, tandis que Yvrose Franck, âgée de 57 ans, a été tuée par balles au marché de Gressier.

Le 13 mai, Josephine Jean Baptiste, âgée de 51 ans, a été enlevée par des bandits de la rue de Bourdon, tandis que le 14 mai, un homme de 53 ans a été tué à Mariani 2. L’attaque des bandits à Gressier le 15 mai a entraîné le pillage et l’incendie de plusieurs magasins de vêtements, de stations d’essence et d’entreprises locales, causant de nombreuses pertes. Cette attaque a été suivie de viols collectifs.

Le rapport du RNDDH souligne l’ampleur et la brutalité de ces violences, mettant en lumière le désespoir croissant de la population et l’inefficacité des interventions des autorités. Le RNDDH appelle à une action urgente et coordonnée pour restaurer l’ordre et offrir une protection adéquate aux citoyens victimes de cette escalade de violence. Il recommande de renforcer les mesures de sécurité en intensifiant les opérations contre les gangs armés et en assurant une présence policière accrue dans les zones les plus touchées. Une assistance humanitaire immédiate est également nécessaire, incluant des services médicaux, des aides au logement et des soutiens psychologiques pour les victimes. En outre, le RNDDH appelle à une réforme judiciaire pour accélérer les procédures et traduire les responsables en justice, tout en encourageant la coordination internationale pour obtenir une aide et une expertise supplémentaires. Enfin, il est crucial de mettre en place des programmes de prévention et de sensibilisation pour éviter la radicalisation et la formation de nouveaux groupes armés