Par Léon Bruneau/AFP
(Nations unies) Après des mois de tractations, les contours d’une force internationale de police pour aider Haïti, en proie à la violence des gangs, commencent à se dessiner, mais pas assez vite pour le premier ministre qui a appelé à nouveau l’ONU à « agir », de façon urgente.
NEW-YORK, dimanche 24 septembre 2023– Les États-Unis ont annoncé vendredi que plusieurs pays entendaient contribuer sous la houlette du Kenya à cette force que réclame Haïti depuis un an, mais sa mise en place prendra sans doute quelques mois encore, sans parler de son déploiement effectif.
« Le quotidien du peuple haïtien est pénible, c’est pourquoi le Conseil de sécurité […] doit agir en urgence en autorisant le déploiement d’une mission multinationale de soutien à la sécurité, policière et militaire », a imploré vendredi le premier ministre haïtien Ariel Henry à la tribune de l’ONU, alors qu’un vote est attendu sous peu, peut-être la semaine prochaine.
« Je demande à la communauté internationale d’agir, et d’agir vite », a-t-il insisté, listant les horreurs que les gangs font vivre à sa population.
« Les enlèvements contre rançon, les pillages, les incendies, les récents massacres, les violences sexuelles et sexistes, le trafic d’organes, la traite des personnes, les homicides, les exécutions extrajudiciaires, le recrutement des enfants soldats, les blocages des routes principales », a-t-il égrené.
Les gangs, qui contrôlent la majeure partie de la capitale de ce pays pauvre des Caraïbes et font régner la terreur, ont fait plus de 2400 morts depuis le début de l’année, selon l’ONU.
La police nationale haïtienne n’est pas cependant en mesure de les affronter d’où l’idée d’une force multinationale en soutien à ce pays qui connaît de multiples crises, politique et humanitaire.
« De 10 à 12 pays ont fait des offres concrètes pour cette mission » de soutien sécuritaire à la police en Haïti, a indiqué la numéro deux du département d’État américain, Victoria Nuland, après une réunion ministérielle sur Haïti en marge de l’Assemblée générale.
Elle s’est refusée à nommer les pays, mais la Jamaïque, les Bahamas et Antigua-et-Barbuda ont fait savoir qu’ils y participeraient. Le Kenya, qui s’est porté volontaire pour diriger la force, a proposé de fournir 1000 membres de forces de sécurité.
Les États-Unis entendent fournir un important soutien logistique — transport aérien, communications, logement, médical — mais pas de forces de sécurité au sol a priori.
« Cette mission de soutien ne se substituera pas à des progrès sur le plan politique », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, lors de la réunion, disant espérer que cette force puisse être « déployée d’ici quelques mois », car « il n’y a pas de temps à perdre ».
Le secrétaire d’État a également annoncé que le gouvernement de Joe Biden allait demander au Congrès 100 millions de dollars pour la financer.
Celle-ci doit avoir une importante composante de police, mais aussi militaire en soutien à la police haïtienne.
Sa mission : apporter un soutien opérationnel à la police, assurer la sécurité d’installations critiques et les voies de circulation et renforcer la police à long terme.
Elle attend désormais un feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU pour être mise sur pied, même si elle ne se ferait pas sous drapeau onusien.
La première ministre de la Barbade, Mia Mottley, a dit « espérer que les membres du Conseil de sécurité admettront qu’ils ne peuvent pas se servir de Haïti comme d’un pion, car (les Haïtiens) souffrent depuis trop longtemps, entre les mains de beaucoup trop de pays », sans être plus précise.
Un projet de résolution préparé par les États-Unis et l’Équateur doit être discuté la semaine prochaine à l’ONU, a indiqué Mme Nuland, en faisant part « d’un fort soutien » pour ce texte.
À l’ONU mardi, le président américain Joe Biden avait appelé le Conseil de sécurité à « autoriser maintenant » l’envoi en Haïti d’une force multinationale, car « le peuple d’Haïti ne peut pas attendre plus longtemps ».
Son homologue kényan William Ruto a fait de même jeudi, jugeant « hors de question » d’abandonner une population terrorisée par les gangs.
Depuis près d’un an, Ariel Henry, fragilisé à défaut d’élections dans son pays depuis 2016, réclame l’envoi d’une telle force.
Mais la communauté internationale, échaudée par les expériences passées et les risques de se retrouver piégé dans un bourbier meurtrier, peine à se mobiliser.