BOSTON, vendredi 11 avril 2025– Une décision cruciale vient d’être prise au tribunal fédéral de Boston. La juge Indira Talwani a annoncé qu’elle émettrait une ordonnance suspendant la décision du gouvernement fédéral de mettre fin au programme de “parole humanitaire”, qui offre un statut migratoire légal à plus d’un demi-million de ressortissants cubains, haïtiens, nicaraguayens et vénézuéliens. Cette décision protège temporairement ces migrants de l’expulsion prévue à compter du 24 avril 2025.
Ce programme, officiellement connu sous le nom de CHNV, avait été mis en place en 2022 afin de fournir un canal légal d’immigration pour des personnes fuyant l’instabilité économique, la persécution politique et les désastres environnementaux. Il visait notamment à désengorger la frontière sud-ouest des États-Unis, qui avait enregistré un nombre record de passages irréguliers cette année-là.
Le Département de la Sécurité intérieure (DHS), sous ordre exécutif du président Donald Trump, avait annoncé en mars la fin du programme, jugeant qu’il ne servait plus les intérêts de la politique étrangère de l’administration actuelle et que les flux migratoires à la frontière ayant diminué, le programme était désormais obsolète.
Mais la juge Talwani a exprimé de sérieuses réserves quant à cette décision, soulignant lors de l’audience que les migrants seraient confrontés à un “choix en otage” : retourner dans des pays qu’ils ont fuis ou rester aux États-Unis en situation irrégulière. Elle a aussi remis en question la motivation politique derrière l’annulation, demandant à un avocat du gouvernement s’il ne s’agissait pas simplement d’une volonté de supprimer un programme mis en place par l’administration Biden.
Dans la salle d’audience, plusieurs figures de la communauté immigrée étaient présentes, notamment la présidente du conseil municipal de Boston, Ruthzee Louijeune, fille d’immigrants haïtiens. À l’extérieur du tribunal, elle a condamné la mesure prise par l’administration Trump :
« Il s’agit de gens qui ont suivi un processus légal et qui font partie intégrante de nos communautés. Ce que fait cette administration, c’est attaquer nos voisins, nos amis, des travailleurs essentiels. »
L’action en justice, intentée par des citoyens américains, des migrants et des organisations comme la Haitian Bridge Alliance, qualifie cette suppression d’illégale, sans précédent, et potentiellement catastrophique. Guerline Jozef, directrice de l’Alliance, a déclaré :
« Même ceux qui ont un statut légal, qui travaillent, qui paient leurs impôts, sont aujourd’hui visés. Cela contredit le discours selon lequel seuls les criminels ou les sans-papiers sont les cibles de cette politique. »
Le gouvernement, de son côté, a soutenu que la décision relevait de la prérogative de l’exécutif en matière d’immigration, arguant que les effets négatifs pour les migrants étaient “compensés par les bénéfices pour l’intérêt public”. Cependant, la juge Talwani semble pour l’instant pencher en faveur des plaignants.
L’ordonnance formelle de suspension est attendue dans les jours qui viennent. Elle pourrait constituer un tournant décisif pour la protection des droits des migrants légaux vivant aux États-Unis et ayant contribué à la société américaine depuis 2022.
Auteur : Jesús Marrero Suárez
Source originale : WBUR.org – Boston judge to block federal termination of humanitarian parole for Haitians, others